Chapitre Sept - La Décision.

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Le jour tant attendu de la décision était enfin arrivé. Dans le salon de la ferme, transformé en sanctuaire de discussions et de débats depuis des semaines, la famille Georges s'était réunie une dernière fois. Habituellement chaleureux, avec ses murs ornés de photos fanées et ses fauteuils déformés par les années, l'espace semblait aujourd'hui alourdi d'une gravité solennelle.

La lumière du jour, tamisée par les rideaux en lin, dessinait des ombres changeantes sur les murs, rappelant les souvenirs des jours passés, où la pièce résonnait encore de rires et de conversations légères. Mais aujourd'hui, le silence pesait, palpable, entrecoupé seulement par le grincement occasionnel du bois sous le poids des corps qui bougeaient nerveusement sur les fauteuils.

Maëlle, assise près de Victor, scrutait les visages de ses proches avec une anxiété qu'elle ne parvenait plus à masquer. Le poids de ce qu'ils allaient décider semblait s'être matérialisé dans l'air, lourd, oppressant, comme une chape invisible qui les écrasait tous. Chaque regard échangé ajoutait à la tension, chaque froncement de sourcil semblait une question en suspens.

Victor, à ses côtés, restait silencieux, sa posture droite trahissant sa discipline et son sérieux. À première vue, il semblait imperturbable, mais Maëlle savait que cette tranquillité apparente n'était qu'un masque. Elle devinait les rouages qui tournaient dans son esprit, l'évaluation méticuleuse de chaque option, chaque conséquence. Victor avait appris à affronter la pression, mais il n'avait jamais été préparé à un choix comme celui-ci - un choix dont les répercussions s'étendraient bien au-delà de leurs vies, touchant des millions de personnes à des milliers de kilomètres.

Son regard glissa vers Maëlle, dont les mains crispées trahissaient l'agitation qu'elle tentait de contenir. Il voulait la rassurer, lui rappeler qu'ils étaient ensemble dans cette épreuve, mais il savait aussi qu'aucun mot ne suffirait à alléger la responsabilité qu'elle portait. Les paroles avaient été dites et redites ces derniers jours : les doutes, les espoirs, les craintes. Maintenant, il ne restait plus que l'acte, irréversible.

Dans ce silence presque sacré, chaque membre de la famille semblait attendre que quelqu'un brise enfin l'immobilité. La décision était là, suspendue dans l'air comme une ombre.

La discussion avait débuté dès l'aube, dans la lumière tamisée qui filtrait à travers les rideaux de la grande salle. Sophie, droite sur sa chaise, avait pris les devants. Sa voix posée trahissait une volonté farouche de maintenir l'ordre dans ce chaos émotionnel. Elle avait l'art de désamorcer les crises en ramenant chacun aux faits, comme si les émotions pouvaient être maîtrisées par une liste méthodique d'arguments. Avec son ton neutre et sa posture déterminée, elle avait proposé de commencer par un résumé clair des avantages et des inconvénients liés à l'acceptation de cet héritage.

Un à un, les membres de la famille prirent la parole. Des mots soigneusement pesés, des arguments tranchants ou des silences lourds s'échappèrent autour de la table. Les voix s'élevaient parfois, mais Sophie ramenait aussitôt la conversation à l'essentiel, une main levée ou un regard appuyé suffisant pour apaiser les tensions naissantes.

Maëlle, elle, était un tourbillon d'émotions. Elle n'avait jamais aimé ce genre de réunions. Assise au bord de sa chaise, elle serrait le tissu de sa jupe entre ses doigts fins, un geste nerveux qu'elle répétait inconsciemment à chaque montée d'angoisse. Ses sourcils restaient froncés, dessinant sur son visage une inquiétude presque douloureuse, tandis que son pied tapotait le sol dans un rythme désordonné. Chaque fibre de son être exprimait ses doutes.

Elle avait grandi dans la simplicité rustique de la ferme, entourée des sons apaisants des champs et des bois, loin des machinations complexes du pouvoir. L'idée de renoncer à ce monde familier pour plonger dans l'administration d'un royaume en crise la terrifiait. Comment pourrait-elle assumer une responsabilité aussi écrasante ? Elle se sentait perdue, incapable de se projeter dans cet avenir inconnu où tout semblait peser sur ses épaules frêles.

Entre nos mainsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant