Entre nos mains

Chapitre Quinze - Les Ombres du Roi.

Tandis que Victor s'était retiré dans ses appartements pour se reposer, Maëlle se retrouva seule dans l'immensité solennelle de la salle à manger du palais. Le festin qu'ils avaient partagé un peu plus tôt avait débordé de saveurs et d'opulence, chaque plat rivalisant de raffinement. Pourtant, sous cette richesse apparente, elle percevait une certaine lourdeur, comme si le faste dissimulait des complexités plus profondes, des non-dits qu'elle ne parvenait pas encore à déchiffrer.

Le roi, toujours assis à la tête de la table, semblait enveloppé dans une aura de calme souverain. Ses traits, adoucis par la lumière vacillante des chandelles, reflétaient une sérénité intrigante. Lorsqu'il tourna son regard apaisé vers Maëlle, un sourire presque imperceptible effleura ses lèvres, et elle sentit une curiosité la traverser, presque malgré elle. Qui était-il, derrière l'apparence imposante et le poids des traditions ?

La salle, vaste et richement ornée, semblait habiter son propre univers. Le silence était profond, presque palpable, seulement troublé par le murmure étouffé des serviteurs à l'arrière-plan et le crépitement des flammes des bougies disposées sur la table et les murs. Les lustres de cristal suspendus au plafond diffusaient une lumière diffuse et tamisée, illuminant les tapisseries avec une chaleur dorée. Ces œuvres tissées, ornées de scènes épiques et de motifs complexes, paraissaient presque vivantes, comme si elles murmuraient les échos d'un passé glorieux.

Les fresques qui recouvraient les murs, quant à elles, racontaient des récits de batailles légendaires et de cérémonies fastueuses. Sous la lumière vacillante, les personnages figés dans leurs postures héroïques semblaient observer Maëlle et le roi, témoins silencieux de ce moment partagé. L'espace semblait chargé d'une intimité presque mystique, comme si chaque pierre, chaque détail décoratif, portait en lui le poids des siècles.

Les grandes fenêtres, encadrées de lourds rideaux de velours pourpre, laissaient filtrer les dernières lueurs du crépuscule. Une teinte d'or et d'ombre baignait la salle, conférant à l'atmosphère une douceur irréelle, presque onirique. Pourtant, Maëlle ne pouvait ignorer le contraste entre cette quiétude feutrée et l'étrange intensité de la situation. Ce palais, cette salle, ce roi - tout semblait porter en lui des mystères qu'elle n'avait pas encore effleurés.

Maëlle inspira profondément, consciente du poids de la conversation qu'elle souhaitait entreprendre. Devant elle, le roi, assis sur son trône d'un bois sombre et richement sculpté, semblait à la fois majestueux et épuisé. Son port droit et ses vêtements somptueux ne suffisaient pas à masquer l'aura de solitude qui l'entourait, comme une ombre insidieuse. Derrière cette façade imposante, Maëlle devinait un homme, fragile et humain, bien loin de l'image d'autorité que ses sujets voyaient en lui.

Cette pensée l'encouragea à agir. Elle inclina légèrement la tête en signe de respect avant de relever ses yeux vers lui. Le roi, attiré par ce mouvement, tourna lentement la tête dans sa direction. Ses traits portaient les marques du temps et du poids de sa charge : des rides creusaient son front et ses paupières alourdies trahissaient une fatigue qu'aucun repos ne semblait pouvoir apaiser. Pourtant, dans ce regard empreint de fatigue, Maëlle décelait une curiosité silencieuse, peut-être même un éclat de surprise.

"Votre Majesté," dit-elle d'une voix calme et douce, qui portait juste assez pour rompre le silence. "Je souhaiterais avoir une conversation plus personnelle, si vous me l'accordez."

Un éclat d'étonnement traversa brièvement le visage du roi. Il posa sur elle un regard intense, comme s'il cherchait à sonder ses intentions. Mais la sincérité dans les yeux de Maëlle sembla le désarmer. Un léger hochement de tête et un sourire fut sa seule réponse.

Maëlle prit une nouvelle inspiration, son appréhension cédant doucement la place à une détermination plus profonde.

"Je ne veux pas parler politique ou affaires de cour," reprit-elle avec douceur. "Je viens pour mieux comprendre... l'homme que vous êtes, au-delà de la couronne et du trône."