Le ciel se teinta d’un gris lourd, comme si les nuages eux-mêmes pressentaient ce qui allait se dérouler. Amélia fixait la route déserte devant elle, les mains crispées sur le volant. Elle ne savait pas pourquoi elle avait accepté cette invitation, pourquoi elle avait répondu à cet appel énigmatique venu de nulle part.
L’adresse indiquée sur la lettre semblait sortie d’un autre temps. La maison de son enfance, une vieille bâtisse abandonnée depuis des décennies, située à la lisière d’une forêt dense et silencieuse. Amélia n’y avait pas remis les pieds depuis la disparition mystérieuse de ses parents, vingt ans plus tôt. La maison avait été condamnée, laissée à l'abandon, et les souvenirs qui y étaient enfouis avaient disparu avec elle. Du moins, c'est ce qu'elle croyait.
Le chemin de terre, envahi par la végétation, serpentait entre les arbres, créant une sorte de tunnel naturel où le soleil avait cessé de pénétrer. La forêt, comme un gardien silencieux, entourait le lieu d'une ombre inquiétante. Chaque craquement de branche sous ses roues faisait bondir son cœur, comme un avertissement qu’elle n’aurait pas dû revenir ici.
Amélia gara la voiture au pied d'une allée envahie par les ronces. La maison se dressait devant elle, imposante malgré l’usure du temps. Ses murs, jadis blancs, étaient désormais recouverts de lierre et de mousse. Les fenêtres, noires et béantes, semblaient l’observer, comme des yeux morts qui guettaient son arrivée.
Une sensation étrange s’empara d’elle, un mélange de nostalgie et de terreur. Pourquoi avait-elle accepté cette invitation anonyme ? Elle avait passé des années à essayer d’oublier ce lieu, à effacer de sa mémoire les images de cette dernière nuit où tout avait basculé. Et pourtant, la lettre était là, dans sa poche. Quelques mots griffonnés à la hâte : "Il est temps de revenir. La vérité t’attend."
Amélia inspira profondément, tentant de calmer le frisson qui parcourait son échine. Elle se décida enfin à ouvrir la portière. Ses chaussures s'enfoncèrent dans le sol humide, et l'odeur de terre mouillée et de bois pourri envahit ses narines. Chaque pas vers la maison résonnait dans le silence oppressant de la forêt.
La porte d'entrée, autrefois en bois massif, était légèrement entrebâillée, comme si elle avait attendu son retour. Sans réfléchir, Amélia posa la main sur la poignée froide et la poussa doucement. Un grincement lugubre résonna dans l’air.
L’intérieur était exactement comme dans ses souvenirs, figé dans le temps, mais marqué par la décrépitude. La poussière couvrait chaque surface, et l'air sentait l'humidité et l’abandon. Elle parcourut des yeux le salon, reconnaissant les meubles, les photos jaunies par le temps accrochées aux murs.
Soudain, un bruit sourd retentit à l'étage. Un craquement, puis le son d’un objet lourd tombant sur le sol. Amélia se figea. Son cœur s’emballa. Était-ce le vent ? Ou... y avait-il quelqu’un dans la maison ?
Contre toute logique, elle gravit les marches usées qui menaient à l’étage. Chaque marche protestait sous son poids, comme si la maison elle-même voulait l'empêcher de monter. Au sommet, le couloir sombre s'étendait devant elle, bordé de portes fermées. Le bruit provenait de la dernière porte, celle de la chambre de ses parents.
Amélia s'avança lentement, ses mains tremblantes. Lorsqu'elle atteignit la porte, elle hésita un instant avant de l’ouvrir. Ce qu’elle découvrit de l’autre côté la fit reculer d’un pas.
La chambre était vide, à l'exception d'une ombre. Une silhouette indistincte, comme un mirage, flottait dans un coin de la pièce. Elle se tenait là, immobile, mais Amélia pouvait sentir son regard. Une voix douce, presque un murmure, s'éleva dans l'air :
— Tu es enfin revenue...
Amélia ne put retenir un cri. L’ombre s'avança lentement vers elle, étendant une main spectrale, et les souvenirs qu’elle avait si longtemps enfouis refirent surface avec une violence inouïe.
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L'ombre de la maison oubliée
HorrorSa parle de deux fille prénommé Amelia et Aline dans L'ombre de la maison oubliée