chapitre 11 : L'éveil du passé

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Amélia descendit rapidement l'escalier, le cœur battant à tout rompre. Chaque recoin de la maison semblait la surveiller, comme si l'ombre elle-même pouvait se manifester à tout moment. Elle tenait fermement le grimoire contre elle, sentant son poids, à la fois physique et spirituel. Ce livre était sa seule chance, mais il était aussi un danger, une porte ouverte sur des forces qu’elle n’était pas certaine de contrôler.

Elle arriva dans le salon, ses pensées tourbillonnant autour de ce qu’elle venait de découvrir. Le pacte, les ombres, sa famille… tout prenait un sens terrifiant. Ses parents avaient été les gardiens de ce secret, liés à la maison par un accord ancien, mais ils n’avaient pas réussi à briser la malédiction. Maintenant, c’était à elle de tenter de mettre fin à ce cauchemar.

Le grimoire était posé devant elle, ouvert à la page marquée par le symbole de l’amulette. Ses doigts caressaient machinalement la couverture, cherchant un plan, une réponse. Mais tout semblait trop complexe, trop dangereux. La voix qui avait résonné dans la chambre ne cessait de hanter ses pensées. "Un sacrifice... L'ombre réclame une âme."

Un frisson glacé la parcourut à cette pensée. Et si elle n'était pas la seule à pouvoir rompre ce pacte ? Si quelqu’un d’autre pouvait le faire à sa place ? Amélia secoua la tête. Elle ne voulait pas entraîner qui que ce soit dans cet enfer, mais les mots gravés dans le livre semblaient lui souffler une solution plus sombre, plus cruelle.

Elle se leva soudainement et se dirigea vers la cuisine, cherchant à se libérer de cette tension. Son regard se posa sur une vieille photographie de sa famille accrochée au mur. Elle s'en approcha lentement, fixant les visages de ses parents, souriants et insouciants à l’époque. Ils avaient tout caché, même dans leurs moments les plus heureux. La maison les avait dévorés, lentement, sans qu’ils puissent rien y faire.

Elle se souvint alors d'une histoire que son père lui avait racontée, lorsqu'elle était enfant. Un conte ancien sur une créature de l'ombre qui hantait les maisons abandonnées et dévorait l'âme de ceux qui y vivaient trop longtemps. À l'époque, cela n'avait été qu'une histoire de plus pour lui faire peur avant d'aller dormir. Mais aujourd'hui, cela prenait un tout autre sens.

Amélia retourna vers le grimoire. Elle devait trouver un rituel, une incantation, quelque chose qui lui permettrait d'affronter l’ombre avant qu’elle ne réclame son dû. Ses doigts parcoururent frénétiquement les pages, son esprit se concentrant sur les symboles et les mots anciens. Puis, elle tomba sur un passage qui attira son attention.

"L’ombre n’est pas invincible. Elle peut être piégée dans le lieu où elle réside, à condition que celui qui tente de la repousser soit prêt à tout sacrifier. Le sang d’un innocent, l’âme d’un juste, ou le cœur d’un courageux…"

Ces mots résonnèrent en elle, la plongeant dans un dilemme douloureux. Était-elle prête à tout sacrifier pour briser ce lien ? Et si elle échouait, que deviendrait-elle ? Piégée dans cette maison, à l'image de ses parents, condamnée à errer à jamais dans les ténèbres.

Elle sentit un bruit étrange à l’extérieur, comme un souffle de vent soudain. Elle se dirigea vers la fenêtre et observa la nuit noire qui enveloppait la maison. Les arbres, tordus par les années, semblaient bouger comme des silhouettes inquiétantes dans la pénombre. La lune était presque pleine, éclairant faiblement le jardin en friche.

Mais ce n’était pas le vent. C’était quelque chose d’autre. Quelque chose qui l’observait.

Amélia se retourna vivement, ressentant la présence à nouveau, plus proche cette fois. L’ombre n’avait pas disparu, elle s’était simplement repliée, attendant le bon moment. Elle était là, quelque part dans la maison, tapie dans les murs, dans les recoins sombres que la lumière ne pouvait atteindre.

— Je sais que tu es là ! cria Amélia, sa voix résonnant dans la maison vide.

Un murmure lointain répondit à son appel, un son indistinct, presque imperceptible. La maison semblait vivre, respirer autour d'elle. Ses murs étaient imprégnés de l’histoire, des siècles de douleur et de malédiction. L’ombre ne faisait qu’un avec elle, un parasite qui se nourrissait de chaque âme qui s’y aventurait.

Elle ne pouvait plus fuir.

Amélia savait que la confrontation finale approchait. Elle retourna s'asseoir devant le grimoire et relut les passages sur le rituel de bannissement. Il y avait une incantation complexe, nécessitant des ingrédients qu’elle pouvait encore trouver dans la maison, mais surtout, il y avait ce dernier avertissement : "Une fois le rituel commencé, aucune échappatoire. Le prix doit être payé, ou la maison en réclamera plus encore."

Elle ferma les yeux un instant, inspirant profondément. Son choix était fait.

Rassemblant son courage, Amélia se leva et commença à préparer le rituel. Le grimoire à la main, elle se dirigea vers les endroits indiqués dans les pages, ramassant des objets cachés dans la maison depuis des générations. Un couteau orné de runes anciennes, un bol en terre cuite taché de sang séché, des herbes desséchées enveloppées dans du tissu. Chaque objet semblait murmurer sa propre histoire de douleur et de sacrifice.

La préparation était lente, presque solennelle. Elle traça les symboles sur le sol du salon, suivant les instructions du grimoire avec une précision presque mécanique, ses mains tremblantes mais résolues. Le cercle était tracé à la craie, entouré des artefacts anciens. La lumière de l’amulette vacillait faiblement, semblant réagir à l’énergie qui s’accumulait dans la pièce.

Alors qu’elle achevait les derniers détails du rituel, une présence plus forte se fit sentir derrière elle. L’ombre n’attendait plus. Elle était là, dans la pièce, observant, prête à se nourrir.

— Viens, murmura Amélia, la gorge serrée. Si tu veux mon âme, viens la chercher.

Un souffle glacial parcourut la pièce, éteignant presque la flamme de la bougie. L’ombre se matérialisa lentement, une forme indistincte, mouvante, se détachant des murs. Elle était massive, bien plus terrifiante que toutes les visions qu’Amélia avait eues jusqu’ici. Ses contours étaient flous, mais ses yeux… ces deux orbes brillants d’un noir profond… ils la fixaient avec une intensité dévorante.

Amélia se tint droite au centre du cercle, serrant l’amulette dans une main et tenant le grimoire dans l'autre. Elle entama l’incantation, sa voix claire malgré la peur qui montait en elle. Chaque mot qu’elle prononçait semblait ébranler les fondations mêmes de la maison. Les murs craquaient, le sol tremblait légèrement sous ses pieds.

Mais l'ombre ne faiblissait pas. Elle s’avança lentement, implacable, sa présence étouffante remplissant la pièce.

— "Je te bannis ! Par le sang, par la lumière, par l’âme des justes et des innocents, je te renvoie dans les ténèbres !"

La lumière de l’amulette éclata soudain, remplissant la pièce d'une clarté intense. L’ombre hurla, un cri inhumain, résonnant dans toute la maison. Amélia continuait de réciter, forçant la créature à reculer.

Mais quelque chose n’allait pas. La lumière faiblissait de nouveau, l’ombre reprenait des forces, se nourrissant de la peur d’Amélia.

C’est alors qu’elle comprit. Le prix du rituel devait être payé. Un sacrifice.

Les mots du grimoire résonnèrent une dernière fois dans son esprit : "Le sang d’un innocent..."

Tremblante, Amélia leva le couteau runique qu’elle tenait depuis le début. Elle savait ce qu’il fallait faire, mais l’idée la terrifiait.

L'ombre avançait, plus proche que jamais. Le temps lui manquait.

Dans un ultime élan de courage, elle fit glisser la lame contre sa paume ouverte, laissant son sang couler dans le cercle tracé à la craie. Le rituel exigeait un sacrifice. Et elle l’offrait.

Le sol sembla se fissurer sous ses pieds, un grondement sourd émergeant des profondeurs de la maison. L'ombre hurla une dernière fois, déchirée par une force invisible.

La lumière explosa dans une clarté aveuglante.

L'ombre de la maison oubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant