Chapitre 19

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Orion



Mordant le bras de l'individu me retenant près de lui, celui-ci recule, pris de douleur, tandis que je me jette sur Neith. Son sang coule doucement près de son bassin, et l'odeur âcre du liquide rouge me donne des nausées, mais j'arrive à garder mon équilibre. Traya se bat contre la troupe en essayant de les éloigner de nous, usant de ses pouvoirs psychiques, du feu et de la terre. Impossible de l'aider pour le moment tant que la Tiefling n'est pas en sécurité et qu'elle arrête de se vider de son sang.

Pris de vertige, en plus des nausées déjà bien apparentes, Neith grelotte, tentant de se relever tant bien que mal en s'appuyant sur ses coudes. Mais l'action demande désormais bien trop d'efforts. Elle va se vider de son sang. Je lui demande par la pensée de rester calme et allongée. Avec tous ces bruits d'épées qui s'entrechoquent, les cris, les plaintes, le son du feu prenant vie, ou la nature se déhanchant subitement, impossible qu'elle m'entende.

Sans aucun pouvoir de guérison comparé à mes deux camarades aux nombreux pouvoirs, je ne peux que prier les étoiles de ne pas l'emporter maintenant.


Une présence de plus en plus forte se fait ressentir dans mon dos. Conscient que ce n'est pas la Pixie, je retourne simplement la tête, croisant le regard du malheureux soldat. Désormais mort, sous un arbre écrasé que j'ai fait voltiger en une poignée de millièmes de seconde. Sans même m'en rendre compte, plein d'autres meurent sous des arbres déracinés par ma magie, désormais incontrôlable.


La haine, la peur, la panique. Tout se mélange, et en compensation de ne pas pouvoir aider Neith, je peux au moins tuer ceux qui ont engendré sa blessure. 


Elle va se vider de son sang.


Mes yeux reviennent sur son visage. Son chignon plaqué au sol, mêlant ses boucles, la terre et son sang. Son pouls saccadé. Et ses lèvres remuant des mots indéchiffrables à l'écoute.

« Prophéties, destin, nouvel écrit », c'est ce que j'entends après avoir mis mon oreille à quelques centimètres de ses lèvres. Elle répète encore et encore ces mots. Pour elle-même ? Pour moi ? Pourquoi autant les dire ?

Soudain, je me rappelle moi aussi de la prophétie. De nos prophéties. Que j'avais besoin d'elle et elle de moi pour que nous découvrions la vérité et que nous détenions une part du destin. Mais si elle meurt, alors elle n'aura participé en rien au destin. Et si c'était une autre fille aux cornes ? Peut-être n'était-ce pas des bois de biche, mais des cornes comme les miennes, que faisait référence la prophétie. Mais alors, elle sera morte inutilement.


Elle se vide de son sang.


Essoufflée, Traya revient et appuie, avec le plaid qu'elle a enlevé de son sac, sur la blessure de Neith. La couverture se teinte alors d'un rouge bordeaux pendant que la créature volante crie à la belle Tiefling de rester parmi nous.

Ma tête, elle, tourne. Incapable de réfléchir à la situation, aux dangers. Je ne suis plus capable de rien.


Elle se vide de son sang. Elle va mourir.


C'est tout ce à quoi je pense. À ces deux phrases qui n'aideront en rien à sa survie.


Pendant que ses yeux, d'un bleu normalement si profond et envoûtant, perdent insaisissablement de leur éclat. Sa main reprend sa forme initiale, en demi-cercle, dénuée de toute force, et des larmes coulent le long des joues de la jeune fille. Glissant, sans s'arrêter, et tombant au sol.


Des anémones pulsatilles violettes jaillissent là où les gouttes sont tombées. Fleurs représentant le décès.


Comme une dernière tentative d'espoir qu'elle ait encore la force de penser, comme celle de vivre, je me glisse dans son esprit. L'enveloppant d'une énergie douce, en contraste avec mes sentiments, mon corps se refroidit de plus belle face à ses pensées et à ce qu'elle ressent.

Sa vie défile à la vitesse d'un oiseau fonçant sur sa proie. Sa famille et ses proches, ses découvertes, ses réussites, ses défaites, ses pouvoirs. Je vois tout d'elle. Je ressens, tel un coup de poignard, ses douleurs et ses joies. Mais en ce moment, c'est le désespoir, une souffrance intense, qu'elle me partage. 

Plein d'empathie, et de peine, j'éclate en sanglots. Elle pense encore, mais contre son gré. Son âme est en train de partir doucement aux cieux, ou auprès de Mère-Nature. Là où elle n'aura d'autre choix que de s'y rendre.

The Truth Beyond The TextsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant