Chapitre 16

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Neith


Traya a disparu de l'autre côté de ce portail magique datant de bien une trois-centaines d'années. La peur de partir à peine arrivée me tenaille l'esprit pendant qu'Orion me pousse doucement vers le portail de sa main dans son dos. Je me laisse guider, consciente que je n'ai pas le choix et, une fois mon corps frileux à quelques petits centimètres, je ferme les yeux et entre la tête la première, abandonnant la connexion à laquelle j'avais à la terre et la mer juste avant. Mon esprit me fait mal à la tête, comme une énorme migraine, vite dissipée lorsque je sens mon pied de l'autre côté, suivi de tout mon corps. Peut-être que la peur me donne cette sensation lorsque j'entre dans le portail, alors qu'avant, je n'y avais eu aucune douleur, comme une simple porte que l'on traverse. Puis, je suis prise de vertige malgré moi, et vois Traya attendant Orion de l'autre côté, tapant du pied avec un air triste. Et celui-ci ne tarde pas à nous rejoindre, la tempe suante comme s'il avait ressenti la même chose que moi. C'est comme si le portail ne voulait pas qu'on parte, ou que celui-ci nous donnaitun avertissement...

Je laisse de côté cette pensée lorsque le sol craque sous de puissants mouvements. Ne voulant pas savoir ce que c'est, je me rapproche du portail où seulement quelques pas déjà me distancent de lui, ignorant ce pourquoi je suis là. Tandis que Traya se jette sur moi et me tire vers elle. Comme pour me défier, elle plante son regard sur moi, ne me lâchant pas le bras. Son visage me supplie de rester mais je n'en ai que faire pendant qu'une bête se rapproche encore et encore. Orion, toujours à la même place, m'empoigne lui aussi la main et me tire en mettant son doigt devant ses lèvres. Et voilà que cette fois, je suis VRAIMENT prise de vertige. Mon corps peine à trouver son équilibre alors qu'Orion me fait léviter. L'angoisse de tomber me paralyse et je tente de rattraper le sol rempli de mauvaises herbes, mais seul lui peut me faire descendre. Alors je le toise, serrant sa main de plus en plus fort. Traya, elle, reste impassible face à cette horrible situation, où nous ne sommes qu'à quelques mètres, voire quelques pas, du territoire d'une de ces créatures féroces, dont tout le monde connaît pour la peur qu'elles nous inspirent. Mais elle continue d'avancer, même si je suis sûre qu'elle parvient aussi à léviter, tout comme elle sait user de la télépathie.

Mais encore une fois, mes pensées s'arrêtent. Voyant le répugnant Wendigo. De sa taille, j'ai l'impression qu'on est déjà foutus. On est foutus. Pourtant, la bête ne nous regarde pas. Non. Elle s'avance près de nous et nous frôle.

C'est là que je vois Traya, accrochant le pied d'Orion, toujours en lévitation avec moi.

Et je comprends. Je ne sais pas comment je n'arrive jamais à m'apercevoir du tour que j'entreprends, mais il faut croire que la panique nous rend invisibles. Malgré tout, je sais que nous ne sommes pas sortis d'affaires. L'odeur de notre sueur parcourant notre dos vole dans l'air, et notre respiration peut s'entendre et nous n'avons pas un adversaire muet ni sans odorat. Pourtant, le vent est avec nous et emporte notre odeur derrière nous, la poussant loin de la portée du Wendigo jusqu'à ce qu'il soit dans notre dos.

Arrêtée, je n'ose bouger, mais j'arrive à percevoir ses mouvements, sa carrure massive, et voilà qu'il se retourne. Nous regardant ou essayant de savoir d'où vient le parfum humain. Reprenant mon sang-froid, je ne réfléchis pas et me rappelle de chez moi. De ma maison construite par d'énormes branches et pierres, ne laissant entrer ni goutte d'eau, ni rafale de vent. Du bien-être d'être dans sa maison, loin du danger et près des êtres chers à mon cœur. Je repense aussi à ma sœur, qui a sans aucun doute piqué mon lit pendant mes deux jours d'absences, et à l'odeur des fleurs, plantées tout autour de la maison. Offrant un arôme dont je ne me passerais jamais, même en hiver, quand le froid et l'humidité les font faner. Mes cheveux commencent à voler eux aussi autour de ma tête, et mes yeux se mettent à scintiller de la couleur du ciel, un jour où le soleil prend ses droits, repoussant les nuages qui pourraient abîmer le ciel de leur gris.

Je commence à avoir de nouveau chaud et mes poils se recouchent sur ma peau, autrefois hérissés comme ceux d'un chien face au danger. Orion me regarde, stressé mais soulagé, et me lâche la main alors que ses cheveux se reposent eux aussi sur sa tête, coiffés comme tout à l'heure. Traya, collée à nous, me regarde avec cette envie de me faire la peau.


— TOUT ÉTAIT SOUS CONTRÔLE !, éclate-t-elle.


— Sous contrôle ? lui fis-je, ahurie par la raison de sa haine. Tout était sous contrôle alors que le Wendigo commençait à comprendre qu'il y avait des intrus à quelques pas de lui ? Tu t'entends parler ?


Le garçon aux cheveux de cendre ne répond pas, regardant devant lui, gêné. Lâchant Traya du regard, je tourne la tête dans la direction où Orion regarde et observe la personne se tenant à deux mètres de nous. Avec la réflexion de Traya, je n'avais même pas remarqué que nous étions bel et bien chez moi et qui pouvait se trouver autour de nous. Tel que ma sœur.


— Idalia ? dis-je en chuchotant.

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