Chapitre 35

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- bah...

Il me fixe avec ce regard noir, celui qui dit « réfléchis bien avant de l'ouvrir ».

- personne ?

Il détourne la tête l'air satisfait et se concentre de nouveau sur la voie.
C'est incroyable comme il aime mettre des coups de pression.
Dire qu'on est maintenant ensemble !

Nous nous éloignons de la favela dans un calme apaisant, enfin si on met de côté les quelques chiens qui aboient.





~Centre-ville~

Il se gare non loin des stands de street food et me demande de l'attendre, ce que je fais.

Quelques minutes plus tard, il revient avec des sachets dégageant une odeur que je reconnais immédiatement.

- c'est des churrasquinhos ?

- oui

J'affiche un énorme sourire, j'aime trop ça.
En fait, c'est des brochettes ( bœuf, poulet, saucisson) grillés avec comme accompagnement du pain ou du farofa ( farine de manioc grillée )


Immeuble x***

À peine il ouvre la porte de l'appartement que je me rue pour chercher des assiettes.
À ce stade c'est la nourriture qui me contrôle.
J'ai préparé du riz à la casa mais je n'en voulais pas, à croire que mon esprit avait deviné ce moment à l'avance.
Je prends deux assiettes plus deux bouteilles d'eau que j'ai trouvé dans le frigo et pose le tout sur la table basse du salon puis m'assois sur le canapé.
Je sors les brochettes et tout le tralala.

Quelques minutes plus tard, Ezio vient se poser à côté de moi avec une bière à la main.
Je prends une assiette et lui tend mais il ne semble pas en vouloir.

- tu ne vas pas manger?

- non

- pourquoi ?

- c'est pour toi, mange

- mais tu n'as pas faim ?

- j'ai dîner avec Thiago

Moi qui était contente à l'idée de manger avec lui...

-...je n'ai plus faim

Il dépose la canette sur la table basse et me fixe.

- tu te fout de moi ?

Je ne le calcule même pas.

- c'est parceque je ne veux pas manger ?

-...

- ok passe moi ça

Je me tourne vers lui avec toutes mes dents en évidence et lui tend son assiette.
Il prend une brochette et commence à le manger.

- c'est bon ?

- oui, répondé-je en le regardant amoureusement

- garotinha ( gamine ), pouffe t-il

Je lui tire la langue, il secoue la tête en souriant.
Je commence à manger l'air satisfait pendant qu'il finit sa bière.
J'aime quand il est comme ça.




21h00

Actuellement allongé dans le lit, je regarde le plafond blanc en réfléchissant à comment poser la question qui me taraude depuis la dernière fois.
Bon, bon, bon, je vais être direct parce que j'en peux plus de ne pas savoir.

- c'est qui Telma ?

- Telma ?, répond la personne à côté de moi

- oui la fille qui était ici la dernière fois, dis-je d'un air dégoûté

- elle bosse pour moi

- comment ça ?

- elle travaille au club.

- genre, quel travail ?

J'entends un soupir agacé s'échapper de ses lèvres.

- prostituição

Ça ne m'étonne même pas vu l'énergumène mais je ne vais pas la juger peut-être qu'elle n'a pas eu le choix comme moi autrefois...et QUOI ?

- pro...prostituição ?

Je me tourne dans sa direction, mes yeux cherchant des réponses dans les siens.

- qu'est-ce qu'elle faisait ici la dernière fois ? pourquoi vous étiez si proches à la favela ?, demandé-je, ma voix trahissant mon impatience

- elle m'accompagnait

- mais pourquoi ?

- ça ne te regarde pas, rétorque t-il d'une voix dure

Sa réaction m'assène un coup brutal, je sens une tempête monter en moi, je plisse les sourcils.

- quoi ?, mais_

- dors, me coupe t-il en fermant les yeux

Sa réponse me blesse mais je n'insiste pas et lui fait dos.
Un coup il est tendre, un coup il est méchant, c'est tout lui ça.
S'il ne veut pas répondre c'est qu'il a sûrement fait des trucs avec cette fille non ?
Est-ce qu'il joue juste avec moi ?, cette éventualité me fait peur, si c'est le cas, puis-je vraiment lui reprocher vu mon cas ?
Au final, ais-je vraiment le droit d'être jalouse ? car oui cette cette émotion qui me ronge et me consume en cet instant est purement de la jalousie.
Mes pensées tumultueuses sont interrompues lorsque je sens son bras se poser sur ma taille et son souffle effleurer mon cou.
Je frissonne malgré ma colère.

- Paloma

Je ne réagis pas car une soudaine envie de chialer me submerge.
Il retire son bras, je sens son corps se redresser.

- viens

Je me redresse finalement puis le regarde, je suis à deux doigts de craquer mais je me ressaisis.
Il me fait signe d'approcher, ce que je fais.
Je me retrouve allongée perpendiculairement à lui, la tête sur ses cuisses.
Nos regards sont encrés, il me caresse doucement la joue en soupirant.

- cette fille n'est rien pour moi

-...

- je la laissais m'accompagner juste parceque j'étais en colère contre toi, j'avoue que te voir t'énerver m'amusait, explique t-il avec un rictus moqueur

Ma bouche s'ouvre en grand, donc ça l'amusait de me torturer ?, un vrai malade.

- ça ne m'a même pas atteint !, menté-je, la voix tremblante

- tu es sûr ?, demande t-il d'un ton taquin

Évidemment je crevais de jalousie mais je refuse de l'admettre de vive voix.

- j'ai sommeil, dis-je en fermant les yeux, tentant de m'échapper dans un cocon de fausse indifférence

J'entends son rire résonner, il se moque de moi en plus.
Il m'agace, il m'énerve !
MAIS malgré moi son rire m'arrache un sourire car l'air de rien, son rire est communicatif.
Je ne me lasserai jamais de ce son car dans ces moments là, la violence, la souffrance, tout cela disparaît.
Il n'y a plus que Ezio et Paloma, deux personnes perdues dans une connexion fragile mais profonde.

Morro do alemão : Paloma  ~ TOME 2 ~Où les histoires vivent. Découvrez maintenant