Aurore erra pendant des jours, traquée à la fois par la culpabilité de laisser Damian derrière elle et par la peur constante qu'il la retrouve. Chaque rue, chaque visage dans la foule lui rappelait qu'elle n'était jamais vraiment seule. Les ennemis de Damian étaient invisibles, tout comme lui. Elle savait qu'il ne lui laisserait aucun répit.
Elle trouva refuge dans une petite ville près de la frontière italienne. Un endroit simple, isolé, loin du tumulte de Paris. Ici, elle espérait enfin trouver la paix, même si son cœur lui hurlait chaque nuit le nom de Damian. Dans une petite pension de famille, elle tenta de reconstruire une existence, dissimulant son identité et se faisant passer pour une simple serveuse dans un café local.
Mais la tranquillité qu'elle recherchait était une illusion. Chaque nuit, les souvenirs de Damian la hantaient. Elle revivait leurs moments les plus intenses, ressentant son toucher brûlant, son regard perçant, et cette obsession dévorante qui les liait. Elle se réveillait souvent en sursaut, certaine qu’il la regardait dans l’ombre de sa chambre. Mais à chaque fois, elle ne trouvait que le vide et le silence oppressant de la solitude.
Deux mois passèrent, et, contre toute attente, Damian ne l’avait pas retrouvée. Peut-être avait-il fini par comprendre. Peut-être avait-il accepté son départ. Mais cette pensée ne lui apportait aucune paix, seulement une sensation de vide encore plus grand.
Un soir, alors que le ciel était couvert de nuages lourds annonçant un orage, Aurore rentrait chez elle après une longue journée de travail. L'air humide semblait étouffer la ville, et un pressentiment l'envahit, un malaise grandissant. Elle accéléra le pas, impatiente de retrouver la sécurité relative de sa chambre.
En tournant au coin d'une rue sombre, elle aperçut une silhouette familière adossée à un mur. Son cœur rata un battement. Il était là.
Damian.
Il se tenait dans l’ombre, vêtu d’un long manteau noir, le visage à moitié caché sous le chapeau qu'il portait. Il la regardait, immobile, comme un prédateur patient ayant enfin retrouvé sa proie. Aurore se figea, incapable de bouger. Leurs regards se croisèrent, et tout le passé, tout ce qu'ils avaient tenté de fuir, refit surface en une seconde.
Sans un mot, Damian s’avança lentement vers elle, ses pas résonnant dans la ruelle déserte. Aurore voulut courir, mais ses jambes refusèrent de bouger. Elle savait que c'était inutile. Il l’avait trouvée, et cette fois, elle ne pourrait plus s'échapper.
« Je t'avais dit que je te retrouverais, » murmura-t-il en arrivant à sa hauteur, sa voix basse et menaçante, mais aussi chargée d'une intensité douloureuse.
Aurore sentit les larmes monter, mélange de peur et de soulagement. Une partie d’elle avait toujours su qu’il reviendrait. Mais l’autre, celle qui espérait encore une issue, se brisait lentement.
« Pourquoi es-tu ici, Damian ? » demanda-t-elle, la gorge nouée. « Pourquoi ne m'as-tu pas laissée partir ? »
Il la fixa, ses yeux sombres étincelant dans l'obscurité, comme s'il pesait chacun de ses mots avant de répondre. « Parce que tu es mienne. Tu l'as toujours été, et tu le seras toujours. »
Ces mots, bien que terrifiants, firent frissonner Aurore. Elle savait qu’il disait vrai. Aussi destructeur que soit leur amour, ils étaient liés par quelque chose de plus fort que la raison. Mais elle ne voulait plus être une prisonnière de cet amour. Pas comme ça.
« Damian, tu dois me laisser partir. Si tu m’aimes vraiment… »
Il l’interrompit, s’approchant encore plus près, jusqu’à ce que son souffle chaud effleure sa peau. « Tu ne comprends pas. Ce n’est pas une question de choix. Nous sommes condamnés, toi et moi. »
Aurore sentit son cœur s’emballer, partagé entre le désir de le toucher à nouveau et la peur de ce que cela signifierait. Mais avant qu’elle ne puisse répondre, Damian attrapa doucement son visage entre ses mains. Son contact, à la fois tendre et possessif, la fit frémir.
« J’ai tout abandonné pour te retrouver, » murmura-t-il. « Mes affaires, ma vie à Paris. Tout. Rien n’a d’importance sans toi. »
Ses mots résonnèrent dans l’esprit d’Aurore. Elle voyait dans ses yeux qu’il disait la vérité. Il avait sacrifié son empire, ses ambitions, pour elle. Mais ce n’était pas ce qu’elle voulait. Elle voulait un amour qui ne la dévore pas, qui ne la fasse pas sombrer dans la peur constante.
« Damian… » commença-t-elle, les larmes coulant librement maintenant. « Ce n’est pas ça, l’amour. Ce n’est pas censé être comme ça. »
Pour la première fois, elle vit une lueur de vulnérabilité traverser le regard de Damian. Un instant, il sembla hésiter, comme s'il luttait contre ses propres ténèbres. Mais rapidement, cette hésitation fut remplacée par la détermination.
« C’est tout ce que je sais, Aurore. Je ne peux pas te perdre. Pas encore. »
Avant qu’elle ne puisse répondre, il l’embrassa. Un baiser intense, brûlant de désir et de désespoir, comme si c'était la dernière chose qui le maintenait en vie. Aurore sentit toute sa résistance s’effondrer, laissant place à cet amour dévorant qui les consumait tous les deux. Mais alors qu’elle se laissait emporter par la passion, une petite voix dans sa tête lui rappelait que ce chemin ne menait qu'à la destruction.
Elle se détacha de lui, à bout de souffle, son regard plongé dans le sien. « Si tu m’aimes vraiment, Damian… alors libère-moi. Libère-nous. »
Damian resta silencieux, ses yeux sombres scrutant les siens, comme s’il cherchait une réponse à une question qu’il n’avait jamais osé poser. Puis, lentement, il recula, la douleur visible sur son visage.
« Je ne sais pas si je peux, » avoua-t-il finalement, sa voix à peine un murmure.
Aurore baissa les yeux, sentant le poids de leurs choix sur ses épaules. Elle savait qu'il ne serait jamais capable de la laisser partir complètement. Mais peut-être qu'il pourrait apprendre à aimer autrement, à ne plus être consumé par cette obsession.
« Alors apprends, » répondit-elle doucement, en lui tendant la main.
Damian la regarda un instant, comme s'il hésitait à accepter ce qu'elle lui proposait. Puis, lentement, il saisit sa main, serrant ses doigts avec une délicatesse qu’elle n'avait jamais vue chez lui auparavant.
C’était peut-être un début. Ou peut-être une nouvelle illusion. Mais pour la première fois, ils n’étaient plus prisonniers de leurs ombres.
Ainsi, dans cette petite ville oubliée, Aurore et Damian entreprirent un chemin incertain, où l’amour et les ténèbres coexistaient toujours, mais où ils tentaient, ensemble, de trouver une lumière, aussi faible soit-elle, dans les profondeurs de leur passion destructrice.
