SUNSHINE : Le retour du soleil.

-4- Alice, cinq ans plus tôt

— On va faire le voyage en plusieurs jours, c'est pour ça qu'on part jeudi matin. On arrivera samedi. Cela lui laisse le temps de s'installer et de faire connaissance avec les filles de sa coloc avant de commencer le sérieux lundi matin !

Papa est tout enthousiaste, mais moi, plus les jours passent, plus j'angoisse à l'idée de partir loin. Ça y est, plus qu'un jour et c'est fini. J'ai l'impression de faire mes adieux à ma vie, comme si on m'arrachait un bout de mon cœur. Pourquoi ? Pourquoi ai-je décidé d'aller faire des études si loin ? En réalité, je n'ai rien décidé du tout. C'est la seule opportunité qui s'est présentée à moi...mais j'aurais pu décliner et rester ici, là où j'ai grandi, avec ma famille, Raph et Jairo.

Papa discute vivement avec Nathalie, et Raph me regarde perplexe.

—Bientôt le grand départ ?

—Hmm.

—J'aurai plus de dessert, du coup !

—Connard !

Je lui donne un coup de coude en riant. Nous sommes assis tous les deux sur le canapé du salon.

—Tu pourras me fabriquer une maison sur mesure quand tu auras fini ?C'est grâce à moi que tu vas devenir architecte !

—Oui, vas-y, attribue-toi tous les mérites. Tu ne m'as juste soufflél'idée ! Rien d'exceptionnel. D'ailleurs, il n'y a riend'exceptionnel dans ce petit cerveau. Merci d'avoir fait au moins ça pour moi !

—Hé ! Je ne te permets pas ! Mon petit cerveau a été accepté pour devenir ambulancier, donc tu ne peux rien lui reprocher ! Mais je dois avouer que tu vas un peu me manquer.

—Un peu ? Tu parles, tu ne te remettras jamais du vide que ma présence va te laisser !

Sans un mot, il me prend dans ses bras et me chatouille comme si nous avions cinq ans. L'avantage d'avoir grandi ensemble, c'est qu'on se connaît par cœur et qu'il n'y a aucun faux-semblant entre nous.

—Cinq ans... Putain, Alice, tu ne fais pas semblant.

—Ça va vite passer. Tu n'auras même pas le temps de respirer que je serai déjà revenue ! Et de toute façon, l'avantage de cette situation, c'est que tu seras de nouveau seul avec Jay. Plus aucune fille ne pensera que je suis ta meuf ou celle de Jay, voire celle des deux en même temps !

Il rigole à l'évocation d'un souvenir. Un jour, après une journée à la plage, nous étions tous les trois dans un resto qui faisait une soirée. J'ai passé la journée à les bichonner, à leur faire des gâtés, des bisous. J'ai toujours été très tactile avec eux, mais seulement avec eux. Mon caractère plutôt asocial prend le dessus avec les inconnus. Bref, une fois la soirée bien entamée, un groupe de filles est venu parler à Jay. Quand j'ai fait des allers-retours entre les deux, elles lui ont demandé si nous étions en trio. Je me suis jamais autant senti gênée de savoir que les gens autour de nous pouvaient penser que j'étais avec les deux en même temps. Je suis encore vierge, et au rythme où ça va, je risque de le rester longtemps.

—D'ailleurs, il m'a demandé si on passait la soirée chez lui avant ton départ ?

—Au garage ?

—Oui, ça fait quelques jours qu'il a fini les travaux, et il y est tout le temps maintenant.

—Oui, il faudra juste que je ne rentre pas trop tard, sinon le réveil risque d'être difficile.

Après avoir mangé, nous arrivons chez Jay, qui nous ouvre la petite porte du garage.

—Ne faites pas gaffe au bazar, je n'ai pas eu le temps de ranger ces jours-ci. Je ne sais pas si c'est l'été, mais on a une tonne de boulot entre les révisions de ceux qui partent en vacances et les véhicules accidentés.