Marlène soupira, une émotion sourde lui bloquant la respiration. Elle prit une profonde inspiration, se préparant mentalement à ce qu'elle s'apprêtait à faire.Droite, sur le seuil du pont, elle observait, les souvenirs affluant dans son esprit.
Chaque année, elle avait rendez-vous avec sa sœur pour fêter son anniversaire. Et comme à chaque fois, à hauteur du pont, elle avait tourné les talons avant que Charly ne puisse la voir, incapable de supporter la douleur qui bouillonnait dans son cœur. Année après année, elle avait évité cet endroit devenu le symbole de leur rupture.
Ce pont, autrefois témoin de leur complicité, était devenu le théâtre d'une dispute violente, une plaie ouverte dans son âme. Charly, sa petite sœur et confidente, avait été tout cela jusqu'à ce que la colère les sépare.
Marlène se tenait là, immobile, observant Charly. La voir s'accrocher à cet endroit, attendant seule, lui déchirait le cœur. Charly patientait, comme si elle espérait quelque chose qui ne viendrait jamais.
Adossée à la rambarde, Charly fixait la Seine, le crépuscule trahissant la pâleur troublante de son visage sous la lumière d'un lampadaire. Ce soir-là, elle portait la même robe légère qu'à leur dernière rencontre, d'un bleu éclatant qui semblait se fondre dans le ciel.
Marlène se souvenait de chaque détail, chaque rire échangé, chaque secret murmuré. Le souvenir d'une sœur heureuse, d'une complicité perdue, creusait encore plus la déchirure dans son cœur. Paris était étrangement calme, comme si la ville retenait son souffle après la fête nationale. Les étoiles scintillaient, témoins silencieux d'un drame personnel.
Ses doigts se refermèrent autour du bouquet de fleurs et de l'ours en peluche, le cadeau préféré de Charly. Chaque année, elle revenait, portant avec elle ces offrandes, tentant de faire la paix avec les souvenirs. Mais cette fois, elle devait affronter la réalité. Charly allait avoir 26 ans et elle ne pouvait plus faire marche arrière.
Alors elle avança, chaque pas vers le pont pesant de regrets. Une boule d'émotions et de souvenirs enfouis se formait dans son estomac. Lorsque Charly leva enfin les yeux vers elle, Marlène sentit son cœur se briser à la vue de son sourire faible, celui d'une sœur qui avait tant espéré.
— Tu es là, murmura Charly d'une voix douce et mélancolique.
Marlène, incapable de contenir son chagrin, se rendit compte qu'elle avait cru que fuir cet endroit et sa sœur était la solution. Mais Charly l'avait attendue ici, année après année, comme une lueur d'espoir perdue.
— Je n'ai pas pu... je n'y arrivais pas, répondit-elle, la voix tremblante.
Elle s'arrêta à quelques pas de sa sœur. Le vent, chargé de souvenirs, soufflait doucement, apportant l'odeur de l'eau qui s'écoulait, mélancolique. Charly, d'un air calme, la regardait, ses yeux brillants d'une tristesse qu'elles avaient partagée.
— Je sais, dit Charly avec une douceur qui toucha Marlène. Mais aujourd'hui, tu es venue, et c'est ce qui compte.
Marlène baissa la tête, les larmes aux yeux. Ce soir, sa sœur aurait dû célébrer son anniversaire, mais il n'y avait rien à célébrer. Ce soir, elle ne pouvait plus fuir.
— Combien d'années m'as-tu attendue... seule ?
— Assez longtemps, répondit Charly, son regard se perdant dans les flots. Je pensais que tu ne viendrais plus.
La main de Charly se tendit, douce et froide, et lorsque Marlène la saisit, un frisson parcourut son dos.
Ensemble, elles restèrent là, mains entrelacées, figées dans un temps suspendu, comme si le monde autour d'elles avait disparu. Marlène essuya une larme au coin de ses yeux et déposa lentement l'ours et les fleurs sur la bordure du pont, entre les pavés usés, au milieu des regards curieux des passants. Les souvenirs affluaient, des éclats de joie et de douleur se mêlant, la laissant désarmée.
— T-tu m'en veux encore...? Parce que moi, oui...
Elle s'adossa à la rambarde et pleura, un chagrin déchirant qui semblait ne jamais vouloir s'éteindre. Charly, toujours calme, s'agenouilla pour caresser l'ourson avec un sourire doux sur son visage, écoutant sa sœur sans l'interrompre.
— J'aurais dû contrôler ma colère. Tu es partie à cause de moi... La voix de Marlène se brisa, emportée par des sanglots désespérés.
Charly la regarda, tendresse dans ses yeux, tandis qu'un léger sourire apparaissait sur ses lèvres. Elle leva les yeux vers le ciel, comme pour chercher une paix que seules les étoiles pouvaient lui offrir.
— Tu me manques tellement, finit Marlène dans un sanglot.
Les mots flottaient dans l'air, un écho doux et apaisant, tandis que son regard se fermait paisiblement.
Dans un dernier soupir, elle se pencha doucement en arrière, comme si elle s'abandonnait à la nuit.
— Non, ne t'en vas, ne me laisse pas... cria Marlène en observant sa sœur.
Le temps sembla s'arrêter alors que Charly, avec un sourire serein, lui murmura :
— Je ne suis jamais partie, Marlène. Je suis toujours là, dans ton cœur.
Les étoiles brillaient plus fort alors que Marlène réalisait, avec un cœur déchiré, que sa sœur s'éloignait dans les ombres, emportant avec elle le dernier éclat de leur complicité.
— Rappelle-toi de moi, s'il te plaît, chuchota Charly, sa voix se fondant dans le souffle du vent.
Marlène, paralysée par la douleur, la regarda disparaître lentement, une brise murmurant à son oreille ses derniers mots :
— Je t'aime.
Mais Marlène n'eut pas le temps de répondre. Les étoiles scintillaient, et elle comprit, le cœur brisé, que sa sœur s'éloignait dans les ténèbres.
Elle leva les yeux vers le ciel, son âme en lambeaux, consciente que Charly vivrait à jamais dans les recoins les plus sombres de son cœur.
Finalement, prise d'une impulsion, elle se dirigea vers le bord du pont, le vent fouettant son visage. Elle monta sur la rambarde, hésitante, l'esprit empli de souvenirs.
Était-elle prête à commettre l'irréparable ?
La nuit l'enveloppait, tandis que son regard se perdait dans les flots sombres, le murmure de la Seine lui promettant la paix.
Les souvenirs de Charly résonnaient dans son esprit, la douceur de leurs moments ensemble se mêlant à la douleur de leur séparation.
Marlène se tenait là, au bord du vide, son cœur battant à tout rompre. Que devait-elle faire ?
Il y a quatre ans, jour pour jour, elle s'était battue avec sa petite sœur, la poussant au-delà de la rambarde... Elle s'était noyée dans la Seine.
La nuit était son témoin, et alors qu'elle réfléchissait à son choix, le souffle du vent lui semblait plus fort que jamais.
Et dans un dernier cri, elle murmura, la voix brisée par le chagrin :
— Je t'aime, Charly !
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𝓛𝓮 𝓹𝓮𝓽𝓲𝓽 𝓵𝓲𝓿𝓻𝓮 𝓭𝓮 𝓬𝓾𝓻𝓲𝓸𝓼𝓲𝓽é. -𝔗𝔥𝔯𝔦𝔩𝔩𝔢𝔯 𝔖𝔱𝔬𝔯𝔦𝔢𝔰-
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