Les gouttes de pluie se pressaient contre la fenêtre, tambourinant comme une invitation légère. À l'intérieur, l'atmosphère était chaude, presque étouffante, et sentait le bois verni.Hilde, assise dans le salon, tapotait nerveusement le bord de sa tasse de thé. Elle avait enfin accepté l'invitation de son vieil ami, Lucien, après des mois de conversations enthousiastes sur son fils Charles et son chien, Magne.
« Je te jure, tu vas les adorer, Hilde ! Charles est un garçon vif, plein d'imagination. Et Magne, quel chien fidèle, ils sont inséparables ! »
Lucien ne tarissait pas d'éloges. Hilde avait souri, l'esprit empli d'images joyeuses : un garçon riant dans le jardin, un chien bondissant à ses côtés.
Alors, en ce matin grisâtre, elle était venue, curieuse et impatiente de rencontrer ces deux figures devenues presque mythiques à force d'en entendre parler.
Lucien entra dans le salon, les mains pleines de petits biscuits.
— Tu as hâte de les rencontrer, pas vrai ? lança-t-il, un large sourire aux lèvres.
Hilde hocha la tête avec enthousiasme, prenant une gorgée de thé.
— Oui, tu m'as tellement parlé d'eux. Où sont-ils, d'ailleurs ?
— Oh, Charlemagne est dehors, en train de jouer, dit Lucien avec désinvolture, en se penchant pour remplir à nouveau la tasse de Hilde.
Hilde arqua un sourcil, amusée par ce nouveau nom.
— Charlemagne ? C'est nouveau, ça ! Tu mélanges Charles et Magne, c'est malin !
Lucien sourit mystérieusement, sans répondre directement.
— Viens voir, ils sont là, dans le jardin.
Intriguée, Hilde se leva et suivit Lucien jusqu'à la grande baie vitrée qui donnait sur le jardin.
La pluie tombait en un fin rideau, mais au loin, elle distingua deux silhouettes dans la pelouse humide.
Elle plissa les yeux pour mieux voir à travers le rideau d'eau. Une sensation étrange commença à naître dans son estomac. Quelque chose dans la manière dont les silhouettes bougeaient n'était pas naturel.
Le garçon... Charles, et le chien... Magne, semblaient collés l'un à l'autre d'une manière inexplicable. Leurs mouvements étaient maladroits, comme si l'un tirait l'autre dans des directions opposées, mais ils ne se séparaient jamais.
Le cœur de Hilde s'accéléra.
Ses yeux se fixèrent sur les détails qu'elle avait d'abord manqués : les corps de Charles et de Magne... ils n'étaient pas simplement proches. Ils étaient littéralement cousus ensemble.
La main de Hilde trembla légèrement en touchant la vitre froide. L'enfant et le chien partageaient désormais une seule forme grotesque, leurs corps amalgamés dans une union contre nature.
La chair de Charles et la fourrure de Magne se fondaient l'une dans l'autre à des endroits précis, comme si quelqu'un avait savamment relié chaque fibre de peau humaine et animale.
Le garçon regardait autour de lui, l'air joyeux, comme si cette horreur était devenue son quotidien.
Le chien ne semblait pas non plus souffrir ; ses yeux brillaient d'une sorte de loyauté, un reflet fidèle de l'esprit enfantin de Charles.
Hilde recula d'un pas, l'estomac noué par une terreur sourde.
— Qu'est-ce que... qu'est-ce que c'est... ? balbutia-t-elle, la gorge sèche.
Lucien, debout à côté d'elle, paraissait parfaitement serein.
— Je t'ai dit qu'ils étaient inséparables. Ils sont devenus Charlemagne, expliqua-t-il d'une voix douce, presque admirative.
Il posa une main ferme sur l'épaule de Hilde, comme pour la rassurer, mais tout dans cette situation échappait à la raison.
— D'ailleurs, reprit calmement Lucien, sais-tu que la femme de Charlemagne, en tout cas sa première, s'appelait Hildegarde ?
Hilde sentit son cœur battre trop fort dans sa poitrine. Son esprit se battait pour refuser l'évidence, pour trouver une explication logique. Mais il n'y en avait aucune.
Lucien, lui, souriait toujours, comme s'il venait de lui montrer la plus belle création de sa vie.
Hilde s'éloigna de la fenêtre, le souffle court, une question brûlant sur ses lèvres, mais elle ne parvint jamais à la poser. Le silence entre eux devint insupportable, lourd de tout ce qui venait d'être révélé.
Lucien, cependant, ne semblait pas percevoir l'horreur de la scène. Pour lui, c'était une œuvre d'art vivante, une fusion parfaite.
— Ils sont heureux, tu sais. Ils ne se sont jamais sentis aussi proches, conclut Lucien.
Hilde ne répondit pas. Elle ne savait même plus si elle devait rester ou fuir.
Une partie d'elle voulait demander des explications, comprendre comment une telle abomination avait pu voir le jour. Mais une autre, plus profonde, lui disait qu'elle ne voulait pas connaître la vérité.
Elle restait figée devant la fenêtre, l'image de "Charlemagne" encore gravée dans son esprit. Le bruit d'une clé tournant dans la serrure résonna, et elle sentit un frisson d'inquiétude. La porte venait d'être fermée à clé, ce qui l'intriguait.
— Pourquoi tu fermes à clé ? Charles et Magne sont toujours dehors, murmura-t-elle en reculant.
Lucien, impassible, sourit d'un air mystérieux.
— Ils s'amusent bien.
Lucien s'avança vers son amie, mais il n'était plus seul ; une silhouette animale l'accompagnait.
— J'aimerais te présenter quelqu'un.
Un chien s'avança lentement vers elle, ses yeux tristes et son pelage sombre. Ce n'était pas Magne.
— J'avais envie d'un nouveau chien, annonça Lucien avec un sourire. Elle s'appelle Garde...
Hilde sentit son cœur s'emballer à l'idée de cette révélation.
Lucien s'approcha, son sourire s'élargissant alors qu'il posait une main sur l'épaule de Hilde. Un frisson d'angoisse envahissait Hilde tandis que l'hôte savourait le moment avec un air satisfait.
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𝓛𝓮 𝓹𝓮𝓽𝓲𝓽 𝓵𝓲𝓿𝓻𝓮 𝓭𝓮 𝓬𝓾𝓻𝓲𝓸𝓼𝓲𝓽é. -𝔗𝔥𝔯𝔦𝔩𝔩𝔢𝔯 𝔖𝔱𝔬𝔯𝔦𝔢𝔰-
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