Chapitre 6: Le retour des ombres

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Des mois s'étaient écoulés depuis cette nuit où Clara et Maxime avaient enfin cru en la fin du cauchemar. Ils avaient déménagé, loin de la Maison des Ombres, essayant de reprendre une vie normale. Pourtant, un malaise profond s'installait progressivement, comme une ombre qui grandissait dans les recoins de leurs esprits. Clara ressentait souvent un léger frisson lorsqu'elle se regardait dans un miroir, et parfois, elle apercevait des mouvements furtifs dans son reflet. Maxime, quant à lui, avait retrouvé une partie de sa joie de vivre, mais restait marqué par l'étrange présence qui semblait persister.

Un soir d'hiver, alors que le froid mordait les fenêtres de leur nouvelle maison, Clara reçut un message inattendu. C'était une lettre, mais elle n'avait pas de timbre ni d'adresse de retour. Seul son nom était griffonné sur l'enveloppe. Elle ouvrit le pli, le cœur battant, et ses mains tremblèrent en découvrant le contenu. Les mots étaient simples, mais chargés de terreur :

"Tu n'as pas détruit ce qui est éternel. Je reviendrai."

L'écriture était identique à celle que Maxime utilisait dans ses notes d'adolescent. Un frisson glacial la traversa. Comment cela était-il possible ? L'ombre avait disparu, consumée par les flammes, et pourtant, elle se manifestait à nouveau.

Clara montra la lettre à Maxime. Son visage se décomposa en la lisant. « Comment... Comment est-ce possible ? » murmura-t-il, visiblement troublé.

« Je ne sais pas, Maxime, mais je pense que ce n'est pas encore terminé. L'ombre est toujours là, quelque part, peut-être dans un coin de notre esprit, ou cachée dans un détail que nous avons négligé... »

Maxime la regarda, terrifié. « Qu'est-ce qu'on peut faire ? »

Clara serra les poings. Elle avait refusé de laisser la peur contrôler sa vie la première fois, et elle refusait encore maintenant. « Nous devons retourner à la source. La Maison des Ombres. Il y a quelque chose que nous avons manqué là-bas. »

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Deux jours plus tard, ils se tenaient à nouveau devant la Maison des Ombres. Le vieux manoir délabré se tenait toujours là, sinistre et imposant, ses fenêtres sombres ressemblant à des yeux morts. Les arbres dépouillés semblaient s'incliner vers eux, comme attirés par une force invisible.

Maxime hésita à passer la porte, mais Clara avançait d'un pas résolu, déterminée à finir ce qui avait été commencé. Une fois à l'intérieur, la maison paraissait différente de leurs souvenirs, comme si elle avait vieilli de plusieurs décennies en l'espace de quelques mois. Les murs craquelés semblaient se rapprocher, étouffant l'air autour d'eux.

Ils se dirigèrent vers la pièce où le miroir avait été détruit, mais cette fois, ils ne trouvaient que du vide. Pas de fragments, pas de traces de la bataille passée, juste un espace vide et silencieux. Pourtant, Clara sentait une présence. Quelque chose les observait, tapi dans les ombres.

« Regarde... », chuchota Maxime, désignant le sol.

Là, au centre de la pièce, se trouvait un autre miroir. Un miroir qu'ils n'avaient jamais vu auparavant, plus petit, mais avec le même cadre sombre et gravé de symboles anciens. Ses reflets ne montraient pas seulement la pièce où ils se trouvaient, mais semblaient projeter un autre monde, une dimension tordue et oppressante.

Clara s'approcha lentement, le souffle court. Le miroir vibrait légèrement, comme s'il réagissait à leur présence. Et soudain, la voix résonna à nouveau dans l'air :

« Je vous avais dit que je reviendrai... »

Les yeux de Clara s'écarquillèrent en voyant des silhouettes sombres se former dans le miroir. Des ombres, plus nombreuses qu'avant, des silhouettes indistinctes qui se mouvaient comme des spectres emprisonnés dans un espace entre les mondes. Et au milieu d'elles, une figure familière.

Maxime.

Son double, ou plutôt, l'ombre de ce qu'il aurait pu devenir, se tenait là, dans le miroir, le regard fixe et froid. « Maxime ! » s'écria Clara, mais le Maxime du miroir ne bougea pas.

Maxime, le vrai, fit un pas en arrière, horrifié. « Qu'est-ce que c'est que ça ? Pourquoi je me vois dans ce miroir ? »

La voix répondit, douce et pernicieuse : « Ce n'est pas toi, Maxime. C'est ce que tu aurais été, ce que tu es encore, quelque part... Tu fais partie de moi. Tu es lié à ce miroir à jamais. »

Clara comprit alors la terrible vérité. Maxime n'avait jamais été totalement libéré. Une partie de lui, une petite fraction, était restée piégée dans l'ombre, et cet écho de lui-même cherchait maintenant à se réunir avec son véritable corps.

« Non, tu mens ! » cria Clara, se précipitant vers le miroir. Elle tenta de le renverser, mais une force invisible l'en empêcha. Le verre du miroir devint liquide, ondulant, et les ombres à l'intérieur commencèrent à s'étendre, menaçant de sortir du cadre.

« Maxime, fais quelque chose ! » hurla Clara.

Maxime, paralysé par la peur, observa son propre reflet pendant un instant qui sembla durer une éternité. Puis, il avança, les yeux remplis de détermination. « Si une partie de moi est encore piégée là-dedans... alors je vais la reprendre. »

Avant que Clara ne puisse l'arrêter, Maxime posa sa main sur la surface du miroir. Un cri perçant déchira l'air, et les ombres du miroir se jetèrent sur lui. Il disparut dans une spirale de ténèbres, emporté à l'intérieur.

Clara, désespérée, frappa le miroir de toutes ses forces, mais ses poings ne rencontrèrent que du verre froid et lisse. Le miroir vibrait, ses reflets tourbillonnant, comme une tempête enragée. Et puis, soudain, tout s'arrêta.

Le miroir reflétait à nouveau la pièce vide. Maxime avait disparu.

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Clara resta immobile, les yeux fixés sur le miroir, le souffle court. « Non... non, Maxime... » murmura-t-elle, les larmes coulant sur ses joues. Mais alors qu'elle baissait les bras, prête à abandonner, une lueur d'espoir apparut dans le reflet.

Dans l'obscurité du miroir, une silhouette se forma. Maxime. Mais cette fois, ce n'était pas l'ombre. C'était lui, le vrai Maxime. Son regard, déterminé, croisa celui de Clara.

« Clara... », dit-il d'une voix étouffée mais claire. « Il y a encore une chance. Brise-le. Détruis le miroir pour de bon. »

Clara hésita. « Mais si je le brise, tu... »

« Fais-le ! » cria Maxime, sa voix pleine de peur et de conviction. « C'est le seul moyen ! »

Sans plus attendre, Clara ramassa une pierre lourde qui traînait au sol et, rassemblant toute sa force, elle frappa le miroir de toutes ses forces. Le verre se fissura, puis éclata dans un vacarme assourdissant. Les ombres poussèrent un dernier hurlement déchirant avant de disparaître dans le néant.

Clara tomba à genoux, épuisée, les morceaux de miroir éparpillés autour d'elle. La pièce était calme, trop calme.

« Maxime... ? »

Un silence pesant suivit. Puis, une main chaude se posa sur son épaule.

Clara se retourna brusquement. Maxime était là, pâle et affaibli, mais vivant. « C'est fini, Clara... Je suis là. »

Elle le serra dans ses bras, le cœur enfin libéré d'un poids immense. La Maison des Ombres, cette fois, semblait être redevenue simplement une vieille bâtisse oubliée. Mais en quittant les lieux, Clara jeta un dernier coup d'œil en arrière, se promettant de ne jamais revenir.

Pour la première fois depuis longtemps, le silence n'était plus menaçant. Il était juste... paisible.

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