Jour 4 : Baiser

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/!\ Spoil important de l'histoire principale de la Partie 2

     Ascalyphia se tenait près du feu. Les mains tendues vers l'avant, elle peinait à se réchauffer tant l'air était glacial. Le vent ne leur parvenait pas, bloqué par la haute falaise, mais n'empêchait pas le temps de faire comprendre que la saison froide était bien implantée. Elle frotta ses paumes, satisfaite, et souris niaisement.

     — Un rien te fait sourire. remarqua Eleo en secouant la tête, amusé.

     — Avoir chaud n'est pas rien. Cela renforce le corps et l'esprit. Le feu permet de ne pas mourir de froid, et de garder la tête claire.

     Le jeune homme acquiesça et reporta son regard sur les flammes qui crépitaient dans le soleil couchant. Il s'agenouilla et imita sa compagne de voyage, frissonnant sous l'effet revigorant de la chaleur sur ses bras.

     — Tu vois ? Toi aussi tu souris. s'amusa-t-elle.

     Il ne nia pas l'évidence et laissa échapper un léger rire. Cela faisait bien longtemps qu'Ascalyphia n'avait pas tenu une conversation si futile, sans aucune connotation importante. Juste, du feu et du bien-être qu'il procurait.

     Eleo leva les yeux et observa les étoiles qui apparaissaient les unes après les autres avec la disparition du soleil. Il s'allongea pour ne pas frustrer sa nuque, mais garda le contact rapproché et rassurant du feu de camp. Il pouvait apercevoir les constellations de l'ange et du feu, et celle de l'archer était cachée de moitié par la falaise qui les surplombait. Quand ils avaient posé le camp pour la nuit, Eleo avait soumis une réserve pour l'emplacement, pas très enclin à dormir sous des tonnes de pierres qui pourraient tomber à tout moment, mais la jeune femme l'avait rassurée. D'un geste subtil de la main, elle avait appliqué une protection sur la paroi qui les tenait comme voisin provisoire, et il avait posé ses affaires.

     — Tu crois que tout va bien là-bas ? prononça soudainement la jeune femme.

     Eleo ferma les paupières en grimaçant. Il espéra que l'obscurité tombante le cacherait, et il finit par tourner la tête. De l'autre côté du feu, Ascalyphia s'était elle aussi allongée au sol les yeux dirigés vers la voûte céleste. Son visage était éclairé par les flammes et une larme qui roula sur sa joue s'évapora face à la chaleur. S'il s'inquiéta rapidement de la proximité de la jeune femme face au feu, il s'alarma quand sa poitrine fût secouée de spasmes silencieux. Elle pleurait à chaudes larmes. Son corps tremblait, mais elle gardait le silence. Il inspira avant de se redresser sur les coudes.

     — Je suis sûr que tout va bien.

     — Ne me... Ne me ment pas Eleo. Ca fait déjà plusieurs m-mois...

     Un sanglot lui échappa et elle cacha ses yeux des mains. Le feu craqua à cet instant, accompagnant délicatement ses pleurs.

     — On n'a pas eu de nouvelles en deux mois. ajouta-t-elle désespérée.

     — Peut-être qu'y retourner pourrait...

     — Non !

     Elle s'était redressée brusquement et le fixait par-dessus les flammes. Son visage, baigné de larmes, réfléchissait l'éclat du feu et ses yeux semblaient lancer des éclairs. Des éclairs de tristesse.

     Il soupira et se rallongea. Dans le silence, il l'entendit faire de même et il leva une main. Eleo aligna ses doigts avec trois étoiles et plia le poignet. Ils s'étaient éloignés très loin de Leavelion en seulement quelques semaines. Pas étonnant avec la vitesse qu'avait fait preuve la Lofea pour fuir le plus rapidement possible. Il laissa retomber son bras, qui rebondit sur le sol dans un bruit sourd, avant de reprendre courage.

     — Nous sommes partis très vite... Qui sait ce qui à pût advenir de la cité.

     — Elle a explosé. chuchota Ascalyphia. J'ai explosé. Tout a brûlé, tout est détruit. Je l'ai vu.

     Elle accentua sur le dernier mot, mais Eleo secoua la tête.

     — Tu as laissé libre cours à ta colère face à l'invasion, rien n'est de ta faute !

     — Bien sûr que si ! Détruire la ville et ses habitants n'était pas la solution à ce problème.

     — Évidemment que non ! Mais quelqu'un devait le faire pour sauver le reste ! s'acharna Eleo.

     Ascalyphia le regarda à travers le feu, légèrement calmée. Ses yeux étaient toujours embués et son corps traversé par des sanglots de temps en temps, mais sortir ce qu'elle avait sur le cœur semblait lui avoir fait du bien.

     — Tu n'as rien vu de ce qui s'est passé Asca...

     — J'ai tout dé...

     — Pas tout.

     Il se leva et contourna rapidement le feu pour s'asseoir à côté d'elle. Il posa une main sur son épaule.

     — Tu t'es évanouie. Mais tu n'étais pas la seule mage dans les environs. Il y a forcément des survivants. ET... il l'interrompit quand elle voulut prendre la parole pour le contredire, tu as voulu partir aussitôt réveillée après avoir vu la catastrophe.

     Elle secoua la tête, désabusée.

     — Leavelion ne s'effondrera pas comme ça. Et si tu veux des nouvelles, il faut y retourner.

     Ascalyphia hocha la tête et dans le mouvement, la posa sur son épaule. Il sentit la chaleur du feu se poser sur ses joues et il cligna des yeux rapidement. Il déglutit et leva la tête.

     — Je ne pourrais pas y retourner maintenant, je ne suis pas suffisamment calme.

     — Mais on ne pourra pas traverser le Plaine indéfiniment. Nos ressources s'épuisent et rien ne nous dit qu'on ne tombera pas sur un nid de Téràs dans les prochains jours.

     Elle acquiesça et attrapa le bijou de quartz de l'aventurier. Elle repensa au sien de l'époque, quand elle aussi n'était que de rang apprenti. La nostalgie l'envahit et avant que la détresse ne remplace ce sentiment elle tira sur le collier. Tracté par la corde, Eleo se pencha en avant et son visage se retrouva à quelques centimètres de celui d'Ascalyphia qui lui souriait narquoisement.

     — Cesse de demander de rentrer. Comme si notre petite virée t'embêtait.

     Eleo leva les yeux au ciel avant de sourire à son tour.

     — Non, mais alors, toi... Petite, mais agaçante.

     — Quoi ? Mais... !

     Il l'embrassa avant qu'elle ne finisse sa phrase. La stupeur de la jeune femme la figea sur place et Eleo s'esclaffa. Quand elle reprit ses esprits, le jeune homme ne la laissa pas parler. Il reposa ses lèvres sur les siennes et approfondit le baiser quand elle y répondit.

Writober 2024Où les histoires vivent. Découvrez maintenant