Je suis née et j'ai grandi chez mes grands-parents, où j'ai principalement été élevée par eux et ma mère. Privée de figure paternelle, je posais rarement des questions sur mon père biologique. Jusqu'à mes sept ans, j'avais un père, ou du moins, quelqu'un que j'ai toujours considéré comme tel : mon beau-père Cal - c'est ainsi que je me souviens de son prénom - . Il était entré dans nos vies trois ans plus tôt, apportant avec lui une chaleur et une joie que je ne connaîtrai peut-être plus jamais.
Cal adorait m'emmener partout avec lui. Je me souviens de ces journées ensoleillées passées à explorer notre village. Le soleil brillait haut dans le ciel, créant des ombres dansantes sur le sol en terre battue. Il me portait sur ses épaules, me permettant de voir le monde d'en haut. Je me sentais si grande et si forte là-haut, comme une reine sur son trône, tandis qu'il marchait, me racontant des histoires de héros et de légendes de notre terre. Nous passions souvent du temps ensemble à jouer dans le jardin, où il m'apprenait à grimper aux arbres. Les oiseaux chantaient autour de nous, remplissant l'air de mélodies joyeuses. « Monte jusqu'à la plus haute branche ! » me disait-il, son regard encourageant. Chaque fois que je réussissais à atteindre une nouvelle hauteur, je le voyais sourire, et je savais qu'il était fier de moi. Même si je tombais parfois, sa présence me rassurait, et il m'aidait à me relever en riant, me disant que chaque échec était une leçon à apprendre.
Les soirées étaient également spéciales. Lorsque le soleil se couchait, teignant le ciel de nuances dorées et pourpres, Cal s'asseyait sur le sol en terre battue, moi blottie contre lui, tandis qu'il me racontait des histoires de notre culture, les récits de nos ancêtres. Ses mots flottaient dans l'air comme une douce mélodie, et je l'écoutais, émerveillée. Il parlait de la lune qui éclairait notre village et des étoiles qui semblaient nous observer, scintillant comme des diamants au-dessus de nos têtes. À ses côtés, je me sentais en sécurité, enveloppée dans son amour. À ses yeux, j'existais réellement. Grâce à lui, je pouvais sourire, être une petite fille normale, vivre des instants de bonheur simples mais intenses, et sentir mon cœur léger. Il m'aimait sans condition, et cet amour était comme une bouffée d'air frais dans ma vie. C'est le seul amour inconditionnel que j'ai connu jusqu'alors, et il était le phare de mon enfance.Mais un jour, tout a basculé. Un accident de la route a emporté Cal, et du jour au lendemain, il n'était plus là. À sept ans, cet âge tendre, j'ai ressenti pour la première fois un vide immense, un gouffre abyssal d'absence. C'était d'autant plus déchirant que Cal était la seule personne qui me donnait de l'importance. Chaque fois qu'il venait me voir chez mes grands-parents, une vague de soulagement me submergeait. Il avait ce regard sincère, pétillant de bienveillance, qui me faisait sentir en sécurité, comme si tout ce qui m'entourait n'avait plus d'importance. Quand il est décédé, j'ai compris que je ne retrouverais plus jamais cet amour, cette protection. Il n'y aurait plus personne pour me faire rire comme il le faisait, ni pour me prêter attention ou me donner l'impression d'être quelqu'un. En son absence, je n'existais plus aux yeux de personne. L'indifférence autour de moi était totale. Depuis ma naissance, je portais le poids d'une histoire compliquée : j'étais l'enfant dont l'arrivée avait brisé des familles. Mais Cal, détaché de ce passé, m'avait vue autrement. Il savait que j'étais aussi une victime, et il m'avait aimée comme la fille qu'il n'avait jamais eue.
Après la mort de mon beau-père, je me suis mise à protéger tout ce qu'il m'avait laissé. Personne n'avait le droit d'y toucher. Ces objets étaient tout ce qu'il me restait de lui. Je les gardais précieusement, comme si il m'en voudrait si je n'en prenait pas soin. Je craignais que s'ils se détérioraient, ce serait comme si je perdais encore un peu de lui.
Un jour, alors que je jouais avec les enfants du quartier, mon cousin a pris un petit sabre en plastique que Cal m'avait offert. Ce jouet était spécial pour moi. Je lui ai d'abord demandé gentiment de me le rendre, mais il a refusé. Mon cœur s'est serré. Je me suis précipitée sur lui pour essayer de le reprendre, criant : "Non, n'y touche pas ! C'est à moi, c'est mon père qui me l'a acheté!" Je voulais à tout prix le récupérer. Mon cousin, plus grand et plus fort, m'a facilement repoussé. Mes larmes ont commencé à couler, j'étais en colère et triste en même temps. Pourquoi ne comprenait-il pas que ce n'était pas juste un jouet ? C'était bien plus que ça pour moi. Me voyant dans cet état, mon cousin sans y penser, et certainement sans intention de me blesser lâcha : "Arrête de pleurer, ce n'était même pas ton vrai père."En tant qu'enfant de huit ans, c'était assez violent d'entendre une vérité pareille. Je le savais déjà, je me souvenais à quelle période il est entré dans ma vie mais il ne fallait pas qu'on me le fasse exploser ainsi à la figure. Le refus involontaire d'accepter la réalité de paternité, c'était un moyen de me consoler en me disant que j'ai eu une personne importante dans ma vie pour qui j'ai compté et qui veillera toujours sur moi.
Cependant, même s'il avait été tout pour moi et qu'au fond de moi je savais que je l'aimerai toujours et que personne ne pouvait prendre sa place, je commençais à nourrir le besoin de la quête d'identité. Je voulais juste savoir. C'était plus par curiosité qu'autre chose. Je voulais mettre un nom sur un visage. Ma mère me disait quelque rare fois que nous irions voir mon père biologique où que lui, il viendrait me rendre visite. Mais rien ne se faisait. Je finissais par l'oublier et je passais vite à autre chose. Et je n'étais pas triste du tout. Mais à partir de la petite altercation avec mon cousin, un gouffre s'est créé et je voulais avoir des réponses. J'étais encore petite, donc les questions étaient très vite balayées ou tout simplement ignorées.
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Victime d'une injustice
Non-FictionJe repensai à ces moments de ma vie avec une profonde mélancolie, et des larmes silencieuses perlèrent sur mes joues. Chaque souvenir ramenait avec lui un flot d'émotions que j'avais tenté d'enfouir. Un soupir d'incertitude m'échappa alors que je me...