La quête d'identité

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          Le temps passait, et en grandissant, je devenais une jeune fille si discrète qu'on me remarquait à peine. Très introvertie et plongée dans mes pensées, je donnais l'impression de ne rien désirer ni attendre, ce qui faisait que je n'attirais l'attention de personne. Pourtant, tandis que les autres m'ignoraient, j'observais tout minutieusement, écoutant les conversations sans en avoir l'air. J'avais souvent l'air d'être perdue dans leur monde, mais dans le mien, j'analysais chaque détail, repérant les incohérences dans les récits de ceux qui m'entouraient. Chaque parole, chaque geste prenait un sens pour moi, comme si je cherchais constamment à démêler les vérités cachées derrière les apparences. Rien ne m'échappait, j'avais même appris à décrypter les silences, à comprendre ce qui n'était pas dit. Personne ne soupçonnait que je savais tant de choses. C'est ainsi que je me suis construite, en silence, dans l'ombre des conversations. Dans cette solitude, je m'étais créé un refuge intérieur, un espace où je pouvais réfléchir, comprendre, et surtout me protéger. Le monde extérieur me paraissait étrange et superficiel, alors que le mien, bien que silencieux et renfermé, me procurait une certaine maîtrise. Ce décalage entre moi et les autres, ce sentiment d'être à part, grandissait chaque jour un peu plus. Je savais que je ne fonctionnais pas comme eux, que mes pensées étaient plus profondes, plus sombres parfois, mais je me disais que tant que je restais invisible, personne ne pourrait me blesser. Ce masque d'indifférence et de calme était ma seule protection contre un monde où je me sentais si peu à ma place.
          J'avais cependant des questions qui s'entassaient, des frustrations qui s'accumulaient, un mur se forgeait que je n'avais ni la capacité ni l'envie de briser. Chaque jour, ce mur se renforçait, et bien que j'eusse un profond désir de comprendre, je n'osais pas poser les questions nécessaires. Cette réticence m'éloignait de plus en plus des miens, et personne ne soupçonnait à quel point j'avais besoin de comprendre pour accepter cette indifférence, ni combien je souffrais en silence.

          La maison de mes grands-parents était un lieu où modernité et chaleur se mêlaient harmonieusement. Son architecture contemporaine, avec ses fenêtres naco, se distinguait par une abondance de fleurs et de verdure. Ma grand-mère adorait les fleurs, et mon grand-père ramenait parfois des fleurs sauvages qu'il replantait autour de la maison, pour le plus grand bonheur de ma grand-mère. Les jardinières débordaient de fleurs colorées, ajoutant une touche vivante au cadre, tandis que les arbres fruitiers, tels que les orangers et les manguiers, bordaient les allées et la clôture, offrant une ombre bienvenue.
Au rez-de-chaussée, juste devant l'entrée, se trouvait l'atelier de couture de ma grand-mère, avec ses tissus étalés et ses machines à coudre qui bourdonnaient doucement. À côté, le bar à bière de ma mère était un lieu animé, intégré dans un espace assez grand, qui comprenait également la librairie de mon grand-père. Ce mélange atypique de bar et de librairie créait une atmosphère unique, où les comptoirs en bois poli étaient garnis de verres à bière tandis que les étagères chargées de livres offraient un contraste chaleureux avec le reste de l'espace.
Certaines après-midis, quand je n'avais rien à faire, j'aimais m'installer au comptoir. Je me perdais dans l'observation des passants ou profitais de l'occasion pour aider ma mère si elle m'en donnait la possibilité. Parfois, je restais là simplement pour profiter du spectacle silencieux des gens qui entraient et sortaient.
          Les rares fois où ma mère annonçait que mon père biologique viendrait, un mélange d'excitation et d'appréhension m'envahissait. Je me plaçais au comptoir avec une lueur d'espoir, attendant avec impatience chaque nouvel arrivant. Je scrutais chaque visage avec une intensité presque désespérée, murmurant pour moi-même : « Peut-être que c'est lui. » Chaque fois que je réalisais que ce n'était pas le cas, une vague de déception m'envahissait, laissant place à une tristesse subtile mais persistante. Mon cœur se serrait à chaque nouvelle déception. Malgré mes efforts pour cacher cette douleur, la déception laissait un goût amer et une nostalgie tenace de ce qui aurait pu être.

Victime d'une injusticeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant