Chapitre 5 : VICTORIA ❤️

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Ambre est assise près de Mariam. Au départ, elle commençait à se diriger vers moi, puis en croisant mon regard elle s'est découragée. Elle a beau être l'amie d'Alice, elle n'est pas la mienne, et je ne veux pas avoir à me faire passer pour qui que ce soit quand ce n'est pas nécessaire. De plus, je ne serai donc pas déconcentrée ni dérangée dans mon travail, auquel je tiens. Surprise, je ne suis pas l'archétype de l'écervelée qui se tartine de maquillage et qui n'a rien dans le cerveau ; au contraire, j'ai beaucoup d'ambition.

Pendant que je sors mon cahier et que je dispose mes stylos dans un ordre qui me convient visuellement, le professeur s'installe à son bureau et entame l'appel. Je n'écoute pas ce qu'il dit, puisque je ne reconnais aucun nom - ou presque. On vient seulement d'arriver dans ce lycée il y a moins d'un mois, et je ne suis pas Alice, alors je n'ai pas sa mémoire. Néanmoins, je me redresse en entendant le prénom « Cassie », qui se fait suivre d'un long et lourd blanc. Le professeur ne fait même pas mine de chercher la dénommée du regard, il est fixé sur moi.

Je fronce les sourcils. Cassie ? Comme l'une des folles qui partage mon cerveau ? Peu à peu, les gens de la classe se tournent vers moi. Je m'empourpre sûrement, car mes joues me brûlent.

- Oh, au temps pour moi. Alice. J'ai dû confondre avec quelqu'un d'autre. » dit-il simplement en haussant les épaules, baissant la tête pour cocher la case attestant de ma présence.

Il me sourit avant de reprendre, et le sous-entendu ne m'échappe pas. C'est un sourire qui signifie qu'il sait. Mais comment ? Je me concentre sur ma respiration. Si je panique, je vais perdre le front. Et ce n'est pas souhaitable, pas maintenant, car ce ne sera pas Alice qui viendra à ma rescousse.

***

Lorsque la sonnerie retentit enfin, je range mes affaires le plus rapidement possible. J'hésite à aller parler au professeur afin d'éclaircir les non-dits du début de cours, mais l'angoisse me crispe la gorge, m'assèche de tout mon courage. Je ne suis plus qu'un vulgaire mollusque, qui porte son sac mollement, dépourvu de tout style. Heureusement que la musique existe, car elle saura me requinquer. Je déteste quand cet alter est avec moi.

Je sens le regard cuisant du professeur dans mon dos quand je passe l'encadrement de la porte. J'ai bien fait de me hâter. Soudain, une main m'agrippe l'épaule et je me fige immédiatement.

- Ça te dit de manger avec nous, ce midi ?

Fausse alerte. Ce n'est qu'Ambre. J'ouvre la bouche, mais comme aucun son n'en sort, je me contente d'acquiescer. Peut-être que je le regretterai, mais au moins, le professeur ne m'approchera pas.

***

J'attends les bras croisés derrière Ambre, qui discute avec des filles que je ne connais que de vue. Un écouteur me soutient, m'envoyant de la musique dans l'oreille droite. Je ne veux pas être totalement coupée du monde, ça ne pourrait que m'être défavorable. Surtout dans un milieu aussi hostile que celui-ci.

- Oui, elle s'appelle Alice. » entends-je dire Ambre.
- Ah, cool. » rétorque une brune.
- Lastelle...
- Désolée, mais elle est grave lunatique.
- Elle est nouvelle, tu ne la confondrais pas avec cette Cassie ?
- Tu parles ! Le professeur n'était pas sérieux, c'était pour se foutre d'elle.

Je plisse les yeux. Elle s'attaque à la mauvaise personne. Son regard se pose un instant sur moi, puis elle lève les yeux au ciel.

- Bref à toute Ambre, je vais retrouver les filles. Tu mérites mieux que ça.

Lastelle s'éloigne ensuite en poussant à coups de coudes ceux qui se trouvent sur son passage. J'essaie de riposter, de l'interpeller ou de la rattraper pour lui montrer que je ne suis pas la bonne cible. Or j'éprouve soudain des contractions, j'entends les voix des autres, des bribes de mots. Ce genre de situation déclenche des réactions chez lui. Je ferme les yeux une seconde. Celle d'après, je les rouvre, mais l'atmosphère n'est plus la même. Il n'y a plus de brouhaha, il n'y a qu'Ambre et moi, plus de file. En panique, je me tourne dans tous les sens.

- Euh... Alice ? Ça va ?
- On est où ? Il s'est passé quoi ?
- Bah... on attend pour manger. Tu sais bien qu'on se met tout derrière pour ne pas se faire bousculer.

J'acquiesce lentement, je déglutis. Ambre avance pour récupérer son plateau et je l'imite. Ressaisis-toi. Tu es Victoria, bon sang. Je me force à redresser les épaules et garder la tête haute. Je souffle longuement. Ça va aller. Il va partir.

Ambre prend un verre et des couverts. Elle ne me dévisage plus en voyant que je ne prends rien, depuis. Elle sait que je préfère avoir mes propres affaires. Elle prend une petite assiette de fromage ; quant à moi, j'ignore le service de desserts. Ensuite, on arrive face aux cuisiniers, et Ambre prend une assiette de poisson accompagnée de petits pois. Sans réfléchir, je prends une assiette de poisson à mon tour, puis en voyant de la viande je change d'avis.

- Jeune fille, tu prends l'assiette que tu touches.

Je réprime un soupir. Ça me rappelle le collège. Je pose l'assiette de viande sur mon plateau, et je prends un air attristé.

- Je suis désolée, j'avais oublié que j'étais allergique au poisson. Mes allergies sont vraiment terribles, s'il vous plaît ne m'obligez pas à en manger...

Le cuisinier change d'expression. Il s'adoucît.

- Oh, bon. Bon appétit, dans ce cas.
- Merci beaucoup... Le poisson a vraiment l'air succulent, j'aurais aimé goûter.

Je leur adresse un sourire désolé puis je pars m'installer à une table en compagnie d'Ambre, qui semble avoir vu un fantôme. Elle ne se décide à parler que lorsque j'ai sorti mes couverts, ma gourde, des serviettes et que je commence à découper ma viande.

- Alice...
- Mh mh ?

Elle regarde ailleurs, me regarde, s'intéresse à son assiette, prend ses couverts, n'ose plus me regarder.

- Tu es allergique au poisson ? Je... Je ne savais pas. Enfin, je m'en veux car j'aurai dû y faire attention...
- Ça ne fait qu'un mois qu'on se connaît, tout au plus. » dis-je en haussant les épaules.

Elle essuie les coins de ses yeux avec le revers de sa manche. Je fronce les sourcils.

- Ambre ?
- Je suis désolée, j'essaie d'être une bonne amie. Je sais qu'on ne se connaît pas beaucoup mais on pourrait justement essayer d'en apprendre plus l'une sur l'autre, si tu le veux aussi. J'ai l'impression que des fois tu ne veux pas de moi, et je comprendrai tout-à-fait, mais dis-le moi, je ne veux pas être une charge. S'il te plaît.

D'abord, ma vision se floute. Puis je ne sens plus mes couverts dans mes mains. Et tout devient noir.


Originalement écrit les 3-4-7 octobre 2024.

Alice's & le TDI [HISTOIRE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant