Chapitre 16

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Vêtu d'une simple chemise de coton, brodée de fins et délicats motifs floraux, des pivoines, galonnée aux manches d'un tissu doré, Jisung se laisse manipuler afin qu'on lui passe lentement un pantalon crème de belle matière et une veste d'un rouge profond, ornée d'orchidées brodées au fil d'or et ton sur ton, dans un petit camaïeu de couleurs écarlates. Il ne détaille pas les vêtements qu'on lui fait porter, bien peu intéressé par la chose. Il ne cherche pas à ironiser sur la signification si hypocrite des ornements. Peut-être qu'en temps normal il aurait sans doutes réussi à s'extasier devant le travail si précis et le savoir faire des brodeuses et autres tailleurs, mais ce jour, malgré ses atours, il se considère comme le supplicié qui s'avance droit vers son exécution. Toute sa concentration est portée au dehors, sur ce ciel gris et bas qui laisse parfois passer quelques rayons de soleil.

De mariage heureux il n'y aurait pas. Un mariage prospère n'est ici qu'une fable.

On place un coussin épais devant lui et délicatement on lui fait comprendre qu'il doit s'agenouiller dessus. Sans mot, il obéit, il doit obéir. C'est ce marché qu'ils ont conclu. Peut-être devrait-il envoyer Tian se torcher avec, cela dit. Mais si c'est pour savoir Minho retourner en cellule ou être pendu pour des excuses fallacieuses, c'est hors de question. Alors il se laisse brosser les cheveux, qu'il a toujours longs et en tous sens. La femme est douce, mais il clôt les paupières, préférant s'imaginer n'importe où que là. Sa sombre tignasse est réunie en une queue haute et quelques épingles sur lesquelles pendent perles et bijoux lui sont piqués dedans.

Ses mains se serrent dans les manches du hanbok dans lesquelles elles sont cachées. Cela aurait eu tellement plus de sens si tout cela avait été pour Minho... Mais il sent les larmes lui piquer les yeux à l'idée alors l'oméga préfère mettre un terme rapide aux pérégrinations de ses pensées. Il ne veut pas pleurer. Pas aujourd'hui. Il veut se montrer fort et inatteignable même s'il sait pertinemment qu'il est loin de l'être et qu'il est totalement détruit de l'intérieur.

Le mariage se fait sous la coutume chinoise. Point d'échange d'oies*, il n'aura pas non plus à lancer des châtaignes à Tian pour la fertilité ou qu'ils sachent combien d'enfants naîtront de cette union maudite. Non, il va devoir se plier à la cérémonie du thé qu'on lui a enseigné ces derniers jours et qu'il ne maîtrise pas encore tant il y met peu du sien. Il n'y a bien que sa tenue qui démontrera ses origines dont il ne sait plus s'il doit en être fier ou non. Il attend d'ailleurs que la préparation soit terminée afin de sertir à sa ceinture le norigae** que Chan lui a fait parvenir afin de le réconforter quelque peu. De jolis nœuds compliqués et de belles perles y pendent, et ce sont ses trois amis, dont Minho, qui le lui ont fabriqué afin de montrer qu'ils sont avec lui quoi qu'il arrive. Ce ne sera évidemment adressé qu'à lui et non au couple qu'ils forment avec Tian.

Il est prêt, entièrement paré. Il lui faut aller retrouver le futur époux pour assister à une cérémonie dont il n'avait pas connaissance jusqu'à ce qu'on le lui explique ce matin. Ils doivent assister à la préparation de leur lit. S'il pouvait fuir maintenant, pour sûr il le ferait, malheureusement sa cheville n'est pas entièrement remise et il boite toujours même si la douleur s'est grandement atténuée tant qu'il ne force pas. On le conduit, il suit. Son Père l'a rejoint et s'il a parlé, Jisung n'a absolument aucune idée du sens de ses paroles, son esprit bien trop loin d'ici pour écouter réellement. Il se laisse simplement porter par le mouvement, ayant l'impression de n'être que spectateur de ce qui se déroule là.

Devant la chambre qui leur est réservée, le noiraud fait face à ce chinois qu'il trouve bien trop grand, à l'aune de l'égo qu'il possède d'ailleurs. Il ne lui accorde pas un regard, ce dernier ne déviant pas de sa trajectoire, perdu droit devant lui, il ne voit même pas le buste dans lequel il se perd. Lorsque les portes s'ouvrent, l'oméga pivote et fait quelques pas pour entrer, les mains serrées entre elles et cachées dans ses manches devant lui.

A toi à jamais /MinsungOù les histoires vivent. Découvrez maintenant