Chapitre 10

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1878 – Sud Corée

Un bout de langue apparaît entre les dents qui la mordillent, signe d'intense concentration.

Un pied est avancé avec force délicatesse afin de ne pas faire craquer la moindre branche.

Lentement, les doigts fins et agiles ajustent la tension de la corde de l'arc qu'il prépare.

Ce chevreuil qui lui fait face n'a toujours pas prêté attention à sa présence, ainsi lorsque la flèche est décochée, elle atteint sa cible qui s'écroule rapidement au sol dans un grand fracas de branches et de feuilles.

- AH-Ah !!

Jisung est tellement heureux de ce festin qui se prépare qu'il tourne sur lui même en sautant et dansant sa victoire, sa tignasse, maintenant longue, voltigeant autour de son visage. Ce n'est pas tous les jours qu'il arrive à attraper un chevreuil, pour sûr cela va changer des lapins qu'il prend dans ses collets. En effet, les temps sont durs et la chasse est un exercice auquel il s'est décidé à se prêter afin de pouvoir se nourrir convenablement, lui, et les gens de sa maisonnée et celle de Minho.

L'arc est ceint autour de son buste et il se rend jusqu'au cadavre du gibier. Une caresse lui est donnée en guise de remerciement pour son sacrifice et l'attrapant par les pattes, le jeune homme se met à le porter à ses épaules. Heureusement que la bête n'est pas excessivement lourde et il peut se le permettre, ses conditions de vie actuelles aidant clairement à conserver un bon physique. Il lui faut toutefois forcer un peu afin d'arriver jusqu'à chez lui et déposer la bestiole aux gens de la maison qui s'occuperont d'en faire de beaux morceaux et de récupérer les peaux pour les vendre à défaut d'autres utilisations.

- Oh vous nous gâtez aujourd'hui jeune Maître !

- N'est-ce pas ! J'ai vraiment eu de la chance, il ne m'a pas vu cette fois. Ça changera un peu. Pourriez vous m'en préparer au moins un bon quart que j'aille en donner aux Lee ?

- Bien sûr. Oh Maître, je crois qu'il voulait vous voir... Dans le salon...

- Oh...

Jisung déporte son regard en direction des fenêtres de la dite pièce et grimace un peu.

- J'espère qu'il ne va pas m'annoncer son retour...

- Sûrement que si Maître, j'ai eu quelques nouvelles et il semblerait que tout cela se calme un peu.

Le jeune homme n'est plus que grimace et désespoir. Toutefois... Il finit par hausser un sourcil avant de sourire jusqu'aux oreilles, le visage totalement illuminé à l'idée de revoir son ami.

- Mais s'il revient, ça veut dire que... Que Minho aussi !

Le domestique sourit légèrement. C'est que lui il voit plutôt le retour des beaux jours et de la vie facile étant donné que le "vrai" Maître, son Père, tient les cordons de la bourse et qu'à distance, il se montre plutôt pingre, obligeant chacun à y mettre du sien s'ils veulent survivre un peu décemment. Il est tout de même un peu navré pour l'Oméga, sa vie va redevenir compliquée, mais lui même le vivra plutôt bien, alors...

Jisung se hâte de se rendre au salon tout en s'essuyant les mains et époussetant son hanbok dans un état calamiteux, entre les poils de la bête et le sang qui lui a coulé à l'épaule, sans compter la saleté... Il va être compliqué à rattraper... Arrivé devant la porte, il s'arrête malgré tout et souffle un bon coup, craignant ce qu'il va apprendre de cet homme austère qui sert de relais au paternel parti à la capital depuis bientôt trois années. Trois années de tranquillité et de liberté – un peu surveillée tout de même à son grand dam -

A toi à jamais /MinsungOù les histoires vivent. Découvrez maintenant