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Antoine Léaument n'avait jamais été amoureux. Ce n'était pas par manque d'attirance, il savait depuis longtemps qu'il était gay et cela n'avait jamais été un sujet de controverse, ni pour lui, ni pour les autres. Il avait trouvé des garçons intéressants, séduisants mais cela n'allait jamais plus loin qu'un simple coup de cœur passager. Son père lui avait toujours assuré que l'amour finirait par venir, qu'il fallait juste attendre. Mais Antoine savait que ce n'était pas le cas. Ça ne l'intéressait pas.

Au fil des années, il avait cessé de se poser des questions. Peut-être était-il aromantique ? Peut-être que ce n'était pas pour lui ? Avec son poste de député, Antoine avait accepté l'idée que les relations amoureuses ne faisaient peut-être pas partie de son parcours. Et cela lui allait bien ou du moins il le croyait.

Puis, il y eut Léon.

Léon était apparu dans sa vie lors de plusieurs réunions du NFP. Antoine l'avait remarqué dès la première fois. Le jeune homme était membre du parti communiste, ce qui, d'une manière étrange, le rendait encore plus séduisant aux yeux d'Antoine. Léon était tout ce qu'Antoine admirait : intelligent, passionné, charismatique. Sa manière de parler avec assurance, d'expliquer ses idées avec une telle clarté et conviction, avait un effet puissant sur Antoine. C'était une force irrésistible, une onde qui traversait la salle et venait frapper son cœur malgré lui.

Il avait déjà ressenti de l'attirance pour d'autres garçons, mais avec Léon, c'était différent. C'était plus fort, plus profond. Incontrôlable. Les sentiments d'Antoine pour lui s'étaient développés sans prévenir, presque en secret, même pour lui-même. Au début, c'était une simple admiration. Puis, c'était devenu une obsession. Les nuits où il tournait et retournait ses pensées, se demandant pourquoi cette fois-ci c'était différent. Pourquoi lui ? 

Antoine ne pouvait détourner son regard de Léon. Chaque geste, chaque sourire illuminait le monde autour de lui d'une douceur irrésistible. Il l'observait en silence, fasciné par la manière dont sa chevelure blonde captait les derniers rayons du soleil, par l'éclat de ses yeux bleus, si profonds qu'ils semblaient contenir mille secrets. 

Mais au-delà de cette beauté presque irréelle, c'était l'intelligence de Léon qui bouleversait Antoine. Comment un garçon aussi jeune pouvait-il posséder un esprit si acéré, capable de le surprendre à chaque conversation, de le faire réfléchir, rire, et se sentir compris d'une manière que personne n'avait jamais réussie auparavant ?

Ce n'était pas seulement cela, non. Léon avait cette capacité rare à envelopper tout son être de charme sans jamais forcer le trait. Amusant, toujours plein de vie, il avait le don de faire oublier à Antoine le monde autour d'eux. Mais ce qui touchait le plus Antoine, plus que tout, c'était cette façon naturelle qu'avait Léon de respecter chaque personne. Un respect sincère, presque instinctif, qui transparaissait dans le moindre de ses gestes, le plus léger de ses sourires. Antoine se sentait non seulement aimé par lui mais aussi profondément estimé, comme si chaque instant partagé avait une valeur unique.

Et chaque jour, cet amour qu'Antoine éprouvait grandissait un peu plus, envahissant son cœur, ses pensées, jusqu'à le rendre fou de lui. Il savait que Léon était spécial, différent de tous les autres, et il n'y avait rien d'autre au monde qu'Antoine désirait plus que de rester à ses côtés.

Le soir où Léon lui avait proposé de le raccompagner, Antoine avait eu l'impression que l'univers tout entier devenait plus harmonieux, comme si toutes les pièces d'un puzzle invisible trouvaient enfin leur place. C'était un moment qu'il n'aurait jamais osé espérer, et pourtant, il était là, tangible, réel. Léon lui accordait de l'attention. Non seulement ça, mais il lui proposait quelque chose, un geste simple, mais si significatif.

Antoine se sentait presque fou. Comment Léon, ce jeune homme brillant et captivant, pouvait-il vouloir passer du temps avec lui ? Et pourquoi, ce soir-là, lui proposer de le ramener ? Bien sûr qu'il avait accepté. Qui aurait pu refuser ?

Le trajet avait été long, bien plus long que ce qu'Antoine avait imaginé ou peut-être que c'était sa nervosité qui le rendait interminable. Dans la voiture, Léon parlait avec cette voix posée et rassurante, cherchant visiblement à le mettre à l'aise. Il évoquait des sujets variés, du travail, des projets, même des anecdotes drôles qui auraient fait sourire n'importe qui.

Mais Antoine était tendu, prisonnier de ses pensées. Il n'arrivait pas à se détendre. Ses mains moites étaient fermement ancrées sur ses cuisses, son esprit tourbillonnant dans un chaos silencieux. Il se sentait stupide, maladroit, incapable de répondre avec la même légèreté que Léon. Pourquoi ne pouvait-il pas être comme lui, à l'aise dans toutes les situations ?

À chaque instant, il avait peur de dire quelque chose de déplacé ou de rester bloqué dans un silence gênant. Il craignait que Léon ne le trouve ennuyeux, trop différent. Et pourtant, malgré tout, une part de lui savourait ces minutes passées avec lui même si son corps était tendu comme un arc. 

Léon avait toujours été d'une infinie douceur avec Antoine. Parmi tant de visages indifférents ou impatients, Léon se démarquait. Il était l'un des rares à l'écouter sans jamais l'interrompre, à suivre avec attention le moindre de ses mots, surtout lorsque Antoine se perdait dans les méandres des récits historiques qu'il aimait tant. Les autres se lassaient vite de ces anecdotes complexes, mais pas Léon. Au contraire, il semblait suspendu aux paroles d'Antoine, ses yeux brillants d'un intérêt sincère.

Il avait l'impression que ses histoires, souvent jugées ennuyeuses par d'autres, avaient enfin un écho, qu'elles prenaient vie à travers les réactions de Léon. Antoine voyait, dans chaque sourire ou hochement de tête de son ami, une véritable curiosité et cela le rendait incroyablement heureux. Il n'y avait rien de plus précieux pour lui que ce sentiment d'être important et Léon, sans même le savoir, comblait un vide qu'Antoine portait depuis si longtemps.

C'était étrange, cette attention que Léon semblait lui porter. Parfois, Antoine se demandait s'il ne se faisait pas des films, s'il n'interprétait pas trop. Mais il y avait ces petits gestes, ces moments subtils où Léon paraissait toujours le comprendre mieux que quiconque. Il était l'un des rares à remarquer quand Antoine perdait pied dans une conversation, quand son esprit dérivait ailleurs, emporté par une pensée fugace ou une vague d'angoisse. Léon, sans rien dire, voyait tout cela.

Antoine se rappela d'un jour particulier, au milieu d'une manifestation, un jour où le bruit et la foule avaient fini par l'oppresser. Tout devenait trop, trop fort, trop confus. Ses mains tremblaient légèrement, son souffle devenait court, il se sentait pris au piège, incapable de se calmer.

Sébastien était là, pas loin, mais trop occupé à prendre des selfies pour s'occuper de lui, pour voir ce qui se passait. Antoine avait senti un vide immense l'envahir à cet instant, une solitude cruelle au milieu de toute cette agitation.

Mais soudain, il avait senti une main se glisser dans la sienne. Doucement. Chaleureusement. Une simple pression, légère, rassurante. Antoine avait levé les yeux et son regard avait croisé celui de Léon. Il se souviendrait toujours de ce moment. Dans ces yeux bleus, il n'y avait ni jugement, ni impatience, seulement une bienveillance infinie, un soutien silencieux mais si puissant. Le cœur d'Antoine avait explosé dans sa poitrine, envahi d'un flot de sentiments qu'il ne pouvait plus contenir. Léon, avec ce simple geste, lui avait donné exactement ce dont il avait besoin : une ancre dans la tempête. Et depuis, cet instant était gravé en lui, inoubliable, marquant le début d'une certitude : Léon représentait bien plus que ce qu'il aurait jamais imaginé.

Antoine n'était tombé amoureux qu'une seule fois dans sa vie et celui qui avait fait chavirer son cœur n'était autre que Léon Deffontaines. Depuis leur première rencontre, quelque chose en Léon l'avait attiré, mais il avait fallu du temps à Antoine pour comprendre la profondeur de ce qu'il ressentait. Ce n'était pas une simple attirance passagère ou un élan d'affection, non, c'était un amour sincère, profond, celui qui brûle doucement mais intensément, éclairant chaque pensée et chaque émotion.

Léon avait su, sans même le vouloir, pénétrer les défenses qu'Antoine s'était forgées au fil des années. D'abord par son sourire, puis par ses gestes, et enfin par cette écoute attentive qu'il lui offrait sans compter. Antoine savait, au fond de lui, que Léon était bien plus qu'un simple ami. Il était celui qui avait su toucher les parties les plus fragiles de son cœur, l'homme qui, sans effort, avait su lui donner l'envie d'aimer pleinement, sans peur.

Mister Perfectly FineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant