Chapitre 7

8 4 4
                                    

Angelina

Nous roulons depuis une quinzaine de minutes vers Saint-Denis, plus précisément jusqu'au Moufia, un quartier de la capitale, dans le nord. C'est à peu près équivalent à quarante-cinq minutes de route depuis Saint-Paul qui se trouve sur la côte Ouest.

Ni Tyler, ni moi ne prononçons un mot. Je peux sentir son regard peser sur moi de temps à autre, mais à chaque fois que je jette un coup d'œil dans sa direction, il est concentré sur la route.

— Merci de m'emmener avec toi, débuté-je, pour briser le silence pesant. J'ai oublié d'en parler à Aashi, hier soir.

Elle étudie le droit, alors que je commence une licence d'anglais. Il est quasiment sûr que nous n'aurons pas les mêmes horaires, ce qui m'embête particulièrement, étant donné que je n'ai pas mon permis.

— Je suis désolée.

Je me sens obligée de m'excuser de l'importuner de ma présence indésirable.

— Quand j'ai dit que j'envisageais de revenir, Granny a insisté pour que je vienne rester avec vous. J'ai refusé au départ, mais tu connais Granny. Elle a persisté et j'ai fini par dire oui. Je lui avais dit de t'en parler. Je ne veux pas être un problème pour vous. Surtout pour toi, ajouté-je doucement.

Je le fixe, mais il reste concentré sur sa conduite. M'écoute-t-il en prétendant m'ignorer ? Ou suis-je en train de parler dans le vide ? Dans tous les cas, j'aimerais qu'on parvienne à être un minimum cordial l'un avec l'autre. Après tout, nous vivons dans la même maison.

— Je ne veux pas que tu te sentes obligé de quoi que ce soit envers moi. Je comprendrai si tu ne veuilles pas porter mes valises ou me conduire à l'université. Si tu me demandais de partir, alors je partirais...

— T'as fini de blablater ? aboie-t-il me faisant sursauter.

Je ne m'attendais tellement pas à une réaction aussi dure. Tyler est le genre de personne qui peut vous écouter pendant des heures, sans jamais réagir.

— Je...

— Tu me soules à blablater constamment, putain ! T'as déjà oublié ce que je t'ai dit, hier ? Je ne veux pas te voir, je ne veux pas te parler, et encore moins t'avoir dans ma putain de voiture. Mais je n'ai pas le choix ! Je ne veux pas que Granny soit fâchée. À cause de toi, qui plus est. Tu resteras à la maison, que je sois d'accord ou non, parce que Granny le veut. Je vais te conduire à l'université, si elle le souhaite. Si elle veut que nous dînions ensemble, nous dînerons ensemble. Ne sois pas une putain de chieuse, reste dans ton coin, loin de moi et de ma vie. Et je ferais comme si tu n'existais pas.

J'aurais mille fois préféré qu'il reste silencieux au lieu de cette réponse pleine de rage et de haine, qu'il n'a même pas pris la peine de dissimuler. Mon cœur se serre dans ma poitrine en me souvenant de ses derniers mots. Je ferais comme si tu n'existais pas. De tout ce qu'il a pu dire, c'est le plus douloureux. Comme si tu n'existais pas. Pas « si tu n'étais pas là ». Non. Comme si je n'existais pas. Il en vient à regretter mon existence même.

Comment lui, qui a été mon meilleur ami, peut-il proférer de telles paroles ? Peut-on vraiment autant détester quelqu'un de qui l'on était proche à un moment de notre vie, sans qu'elle ne vous ait causé le moindre tort ?

Mes larmes menacent de s'échapper, aussi je me tourne vers la vitre pour les essuyer discrètement. 

Always...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant