Chapitre 11

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20 ans plus tôt

Knox

Une lame lui tranche la gorge. Des gargouillis occupent le silence assourdissant de l'arène tandis que son corps s'effondre. Un filet de sang s'écoule du corps de la jeune femme à mesure que la vie la quitte. Son adversaire lève les bras, la foule se lève et le brouhaha emplit l'espace, l'invitant à célébrer sa victoire.

Caché derrière une colonne, j'aperçois du coin de l'œil le sourire satisfait de la Reine Adonie, un brin cruel. Je me suis toujours heurté à la manière de vivre de Fumeterre. Brutalité. Férocité. Le tout maîtrisé d'une main de fer. Ce combat n'était qu'un entraînement. Que ma Déesse soit louée. La leur est une barbare. Abriana, la bannie. Ceci explique bien des choses.

La Reine repousse son fauteuil, me fait un bref signe de tête. Je suis le mouvement, il ne serait pas séant de lui déplaire. Elle se meut avec beaucoup d'élégance. La démarche hypnotique d'un serpent. Un python. J'hume discrètement son parfum. Entêtant. Je suis rappelé à l'ordre par l'arrivée dans une petite pièce. Sombre et minuscule. Je plisse les yeux pour appréhender mon environnement. Un tas de caisses dans l'angle. De vieux draps posés dessus. Une odeur d'humidité se dégage de l'endroit. La souveraine m'a précédé et m'attend, adossée contre un coffre.

Je m'incline respectueusement, n'ayant pas eu l'occasion de lui présenter mes hommages.

—Votre Majesté, c'est un plaisir de vous revoir.

— Trêve de flagornerie, Prince Knox. Je vous présente mes condoléances pour le décès de votre sœur.

Un rictus sauvage apparaît sur son visage. Elle n'en pense pas un mot.

— Je vous remercie. Nous sommes tous très affectés par sa mort. Le reinaume s'en remet difficilement.

Des gouttes de sueur perlent sur mon front. Son sourire s'élargit.

— Je ne peux qu'imaginer la douleur que vous ressentez.

Un garde s'approche de la Reine et lui tend un flacon. Je blêmis lorsque je reconnais la fiole. J'observe la porte, envisageant toutes les possibilités. Je sais pertinemment que tout échappatoire est impossible.

— Vous la reconnaissez. Fort bien. Ne prenez pas la peine de chercher une issue, vous ne sortirez pas de cette pièce à moins que je n'en décide autrement.

— Votre majesté...

— Épargnons nous des mensonges inutiles, mon temps est précieux. La jeune fille que vous avez brillamment engagée était l'une de mes espionnes.

Mon regard interloqué agrandit son air satisfait. Une espionne ? Quelle petite garce ! Je serre les poings, me recomposant un masque tandis que la Reine me fixe. L'intelligence mêlée à l'immoralité. Un mélange détonnant qui me plaît beaucoup.

— Je ne sais que dire votre Majesté.

Elle se rapproche lentement de moi, posant sa main sur mon avant-bras. Hypnotique.

— J'apprécie les hommes qui prennent des initiatives. Surtout lorsqu'elles sont couronnées de succès.

Le silence entre nous se prolonge. Je n'ose rompre le contact. Je prends mon courage à deux mains.

— Pour être honnête avec vous votre Majesté...

J'hésite. M'engager sur cette voie est irrémédiable. Je déglutis.

— Suite au décès...

La porte s'ouvre dans un grand fracas.

— Votre Majesté. Je vous prie de m'excuser.

Nous nous tournons de concert vers le garde royal qui vient nous interrompre. Les éclairs lancés par les yeux d'Adonie promettent de longues remontrances à cet homme. Ses épaules se tassent.

— J'avais demandé à n'être dérangée sous aucun prétexte.

La terreur se lit sur son visage.

—Je sais votre Majesté. Les...

Il balbutie.

— Les rebelles ! Ils ont envahi les faubourgs de Nourbar !

Le choc est vite remplacé par la colère qui déforme les traits anguleux de la souveraine.

— Prince Knox, veuillez m'excuser. Poursuivez ce que vous avez commencé. Nous en discuterons plus longuement lors de votre prochaine visite.

Je la regarde sortir de la pièce, sa robe noire prenant tout l'espace lorsqu'elle franchit la porte.

Je prends le temps de réguler mon souffle, me maudissant pour ma maladresse et ma naïveté. Comment n'ai-je pu envisager la présence d'espions de Fumeterre au palais ? Je ne suis pas contre une alliance avec Adonie mais pas contrainte. À moi d'être plus vigilant lors de la prochaine étape et de distiller les informations que je lui fournirai. Il est hors de question de lui offrir une mainmise sur ma vie et sur mon reinaume.

Mon reinaume...

Je suis un homme patient avec de grandes ambitions. Peu importe le temps que cela me prendra pour y parvenir.

L'AchilléeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant