Chapitre 7 : Sous le ciel nocturne

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La soirée semble s’éterniser. Autour de moi, les rires fusent encore, les discussions se poursuivent, mais je sens une boule se former dans ma gorge. Tout ce bruit, cette proximité, commence à devenir étouffante. Il y a quelque chose d'oppressant dans l’atmosphère, comme si mes pensées tournaient en rond, trop lourdes pour être ignorées. Je jette un coup d'œil autour de la pièce : tout le monde semble à l'aise, plongé dans l'insouciance du moment, mais pas moi. Je n’arrive pas à me détendre complètement.

Je me lève discrètement, ramassant mon sweat posé sur une chaise, et murmure à Hana que j’ai besoin de sortir prendre l’air. Elle me lance un regard inquiet, mais je lui adresse un sourire rassurant avant de quitter le salon.

La fraîcheur de la nuit me frappe dès que je franchis la porte. Je respire profondément, sentant le poids de la soirée s’alléger un peu. Le silence extérieur contraste tellement avec l’agitation à l’intérieur. Je m’éloigne un peu de la maison, m’asseyant sur une petite marche en pierre, et fixe le ciel étoilé, essayant de calmer les battements rapides de mon cœur.

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Pendant ce temps, à l’intérieur, les amis d’Aiko ont remarqué mon départ. Haruto, toujours à l’affût des occasions, lui lance un regard entendu.

— Aiko, tu devrais peut-être aller voir si ça va, non ? murmure-t-il en haussant les sourcils d'un air malicieux.

Aiko, un peu surprise, hésite. Elle n’avait pas prévu de se retrouver seule avec moi, et elle sent déjà monter une vague de nervosité. Mais sous la pression amicale, elle finit par se lever.

— Oui… je vais voir, répond-elle, essayant de ne pas paraître trop nerveuse.

Elle sort de la maison, cherchant un instant du regard, puis elle me repère, assise un peu plus loin. Aiko inspire profondément, rassemblant tout son courage, et s’avance vers moi.

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Je suis tellement perdue dans mes pensées que je ne l’entends pas arriver tout de suite. Ce n’est que lorsqu’elle s’assoit à côté de moi que je réalise sa présence. Je me redresse légèrement, surprise, et tourne la tête vers elle.

— Hey, murmure-t-elle doucement. Ça va ?

Je hoche la tête sans grande conviction.

— Ouais… juste besoin d’un peu d’air. Ça devenait un peu trop… je sais pas, étouffant là-dedans.

Aiko acquiesce en silence, semblant comprendre exactement ce que je ressens.

— Ouais, moi aussi parfois, ça me fait cet effet. Être trop longtemps avec des gens, même ceux que j’aime bien, ça peut devenir... anxiogène, tu vois ?

Je la regarde, surprise de voir qu’elle partage le même sentiment. Pendant quelques secondes, je me demande comment elle fait pour sembler toujours si calme et à l’aise avec tout le monde. Mais peut-être qu’elle n’est pas aussi sûre d’elle qu’elle le laisse paraître.

— C’est exactement ça, dis-je en souriant légèrement. Parfois, c'est comme si mon cerveau surchauffait avec tout le monde autour... J’ai besoin de m’éloigner un peu.

Un silence s’installe, mais cette fois, il n’est pas gênant. Le simple fait de savoir qu’Aiko est là, à mes côtés, rend l’instant un peu moins pesant. On écoute le vent qui souffle doucement, les bruits lointains de la nuit, et c’est apaisant.

Je bouge légèrement sur la marche, et par accident, ma main frôle celle d’Aiko. C’est un geste minuscule, mais je sens immédiatement la chaleur de sa peau contre la mienne. Mon cœur manque un battement, et je retire ma main presque instinctivement, les joues en feu.

Je tourne la tête pour voir si elle a remarqué, et je vois que son visage est aussi rouge que le mien. Elle ne dit rien, mais je peux sentir l’embarras flottant entre nous, mêlé d’autre chose… une sensation que je n’arrive pas à identifier, mais qui me fait rougir encore plus.

Aiko toussote légèrement, comme pour briser le silence qui s’installe, et je me demande si elle va dire quelque chose sur ce qui vient de se passer. Mais au lieu de cela, elle se tourne légèrement vers moi, son visage sérieux, presque troublé.

— Suki… je sais pas comment dire ça, commence-t-elle, sa voix un peu hésitante. Mais... il y a quelque chose que je dois te dire. Je... je ne comptais pas en parler ce soir, ni même en parler tout court... mais là, je sais pas, ça m’étouffe.

Je la fixe, le cœur battant à tout rompre. Il y a dans son regard quelque chose de si intense, si sincère, que je sens ma propre respiration se bloquer. Je ne sais pas où elle veut en venir, mais je sens que c’est important.

— Je t’aime, finit-elle par lâcher, presque dans un souffle. Je sais que ça peut paraître bizarre ou précipité, mais c’est comme ça. Je... je n’arrête pas de penser à toi depuis un moment. Et je pouvais plus garder ça pour moi. Je devais te le dire, même si je sais pas ce que tu ressens...

Ses mots résonnent dans l’air, clairs et précis, et pourtant, je n’arrive pas à les comprendre tout de suite. C’est comme si mon cerveau refusait de traiter l’information. Elle m’aime ? Comment ? Pourquoi ? Qu’est-ce qu’elle voit en moi ?

Aiko semble se rendre compte de mon silence prolongé, et avant que je puisse réagir, elle se lève rapidement.

— Désolée... j’aurais peut-être pas dû te dire tout ça. Oublie, ok ? murmure-t-elle, déjà prête à retourner à l’intérieur.

Je me sens soudain paniquée. Non, je ne veux pas qu’elle parte. Pas maintenant, pas comme ça. Elle m’aime… et moi ? Qu’est-ce que je ressens, moi ?

Je ne réfléchis même pas. Les mots sortent de ma bouche avant que je ne puisse les retenir.

— J’crois... que moi aussi, dis-je, la voix à peine audible, mais suffisamment forte pour qu’elle m’entende.

Aiko s'arrête net, me tournant toujours le dos. Je vois ses épaules se raidir, puis elle se retourne lentement, ses yeux grands ouverts, incrédule.

— Tu... quoi ? demande-t-elle doucement, comme si elle n'était pas sûre d'avoir bien entendu.

Je déglutis, sentant mes joues chauffer encore plus sous son regard. Je baisse les yeux, nerveuse, mais je sais que je dois être honnête avec elle.

— Je crois que moi aussi, je t'aime, dis-je plus fermement, même si mon cœur bat à tout rompre.

Pour la première fois, je le dis à voix haute, et c’est à la fois terrifiant et libérateur.

Aiko reste silencieuse quelques secondes, puis un sourire timide apparaît sur son visage. Elle s’approche de moi, lentement, presque comme si elle avait peur de rompre cet instant fragile. Elle s’assoit à nouveau à côté de moi, sans rien dire, et nous restons là, côte à côte, sous le ciel nocturne, partageant cette nouvelle vérité qui vient de naître entre nous.

À suivre...

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