Chapitre 4 - Retour à la normalité

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Le lendemain de l’atelier de théâtre, tout semble avoir repris son cours habituel. Les couloirs de l’école, les cours, les bavardages incessants de mes camarades... Rien n'a vraiment changé. Je me fonds dans la routine, essayant de ne pas trop penser à ce qu'il s’est passé la veille. Après tout, ce n’était qu’un moment parmi tant d’autres. Aiko est venue me parler, oui, mais je ne vois pas pourquoi. Je ne suis personne de spécial. Peut-être qu’elle voulait juste être gentille, ou peut-être que c’était un hasard. Rien d’important.

Je soupire et m'installe à ma place en cours de littérature, laissant mes pensées dériver sur les mots du professeur, même si je ne suis pas réellement concentrée. À côté de moi, mes amis discutent de tout et de rien, mais je n’y prête pas attention. Une petite voix dans ma tête me rappelle constamment ce moment partagé avec Aiko, cette manière qu'elle avait de me regarder, de me parler doucement, comme si quelque chose d’invisible se tissait entre nous. Mais je balaye ces pensées d'un revers de main. Pourquoi est-ce que quelqu’un comme elle s’intéresserait à moi ? Je n'ai rien de particulier, et certainement rien qui pourrait attirer quelqu'un d'aussi... différente, aussi captivante.

Je finis par me convaincre que ça ne signifie rien. Aiko a sans doute déjà oublié notre conversation, et je devrais en faire autant. Après tout, ce n’était qu’un bref échange pendant une sortie scolaire. Rien de plus. Je me dévalorise à nouveau, comme si c’était devenu une habitude, une manière de me protéger de déceptions qui, au fond, ne sont même pas encore survenues. Je laisse passer les jours ainsi, retournant à ma routine sans chercher à analyser davantage cette interaction.

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Pendant ce temps, de l'autre côté de l’école, Aiko n'a pas oublié. Elle est assise dans la cour avec ses amis, sous un arbre qui offre un peu d’ombre par cette journée ensoleillée. Haruto et Natsuki, ses plus proches, rient et parlent de tout ce qui leur passe par la tête, mais Aiko reste silencieuse, son regard errant dans la cour, à la recherche de quelque chose — ou de quelqu’un. Depuis l’atelier, elle a pris l’habitude de jeter des coups d'œil furtifs vers Suki, sans vraiment savoir pourquoi. Il y a quelque chose chez elle qui l’attire, mais elle n’arrive pas à mettre des mots dessus. C’est comme une curiosité silencieuse, une envie de la comprendre, de la connaître un peu mieux.

— Eh, Aiko, tu nous écoutes ? lance l'un de ses amis avec un sourire taquin.

Aiko sursaute légèrement et secoue la tête pour sortir de ses pensées.

— Oui, oui, désolée, je suis un peu ailleurs, répond-elle en évitant leur regard.

Haruto plisse les yeux, comme s'il savait exactement ce qui se passait dans la tête de son amie.

— C’est pas la première fois que tu es "ailleurs" ces derniers jours. T’as un truc à nous dire ? plaisante-t-il.

Natsuki, qui n’a rien raté des petits regards que lance Aiko depuis le début de la semaine, se penche en avant, curieuse.

— C’est vrai que t’es bizarre depuis l’atelier de théâtre, ajoute-t-elle. T’as rencontré quelqu’un là-bas ?

Aiko rougit légèrement et détourne les yeux. Elle hésite un instant, puis finit par répondre à voix basse, comme si elle ne voulait pas que cette révélation soit réelle.

— Il y a cette fille... Suki. Je sais pas pourquoi, mais elle... Elle m’intrigue, confie-t-elle en tripotant machinalement une mèche de ses cheveux.

Haruto et Natsuki échangent un regard complice avant de sourire en coin.

— "Elle m’intrigue", hein ? Tu veux dire que t’as un faible pour elle ? lance Haruto en riant.

— Non ! Enfin... je sais pas, c’est pas ça, proteste Aiko, un peu trop vite. C’est juste qu’elle est différente. Elle est calme, et... je sais pas, il y a un truc chez elle.

Natsuki hoche la tête, compréhensive. Elle connaît Aiko depuis assez longtemps pour savoir que quand elle s’intéresse à quelqu’un, ce n’est jamais pour des raisons superficielles. Elle est plus réfléchie que ça.

— Tu devrais aller lui parler à nouveau, propose Natsuki. La dernière fois, tu as fait le premier pas, pourquoi pas continuer ?

Aiko soupire. Elle aimerait bien, mais quelque chose la retient. Elle n’est pas certaine que Suki partage la même curiosité, ni même qu’elle ait remarqué les regards discrets qu’Aiko lui lance dans les couloirs.

— J'ai pas envie de forcer quoi que ce soit, murmure-t-elle. Peut-être qu’elle n’est pas intéressée.

Haruto secoue la tête en souriant.

— T’en sauras rien tant que tu n’essaieras pas, Aiko. Vas-y doucement, parle-lui comme la dernière fois, sans te prendre la tête.

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De mon côté, les jours continuent de passer sans que je n’accorde trop d’importance à Aiko. Chaque fois que je la croise dans les couloirs, je fais comme si elle n’était pas là. Ce n’est pas par méchanceté, c’est juste que je n’arrive pas à comprendre pourquoi elle est venue vers moi ce jour-là. Ça n’a pas de sens. Je ne suis pas quelqu’un de très intéressante, ni particulièrement jolie. Il y a bien d’autres filles dans l’école qui auraient capté son attention. Alors pourquoi moi ?

Je me dis que c’était sûrement un malentendu, qu’elle devait juste chercher quelqu’un avec qui passer le temps pendant la pause. Rien de plus. Je me rassure en me disant que je ne mérite pas vraiment qu’on s’intéresse à moi, que ce soit Aiko ou quelqu’un d’autre. Après tout, je ne suis qu’une fille parmi tant d’autres. Je me noie dans cette pensée, comme un moyen de protéger mon cœur de possibles illusions.

Je me concentre sur mes cours, mes amis, sur cette routine qui me permet de ne pas trop réfléchir à ce qui se passe en dehors. Pourtant, je sens parfois des regards sur moi. Quand je lève les yeux, Aiko est là, quelque part dans les couloirs ou assise au fond de la salle. Mais chaque fois que nos regards pourraient se croiser, je détourne les yeux. Peut-être que j'ai peur de ce que je pourrais y lire. Peut-être que j’ai peur qu'il n’y ait rien.

Et ainsi, les jours continuent, sans que rien ne change vraiment. Je me persuade que c’est mieux comme ça, que tout était plus simple avant. Mais une petite voix, au fond de moi, me murmure qu’il y a peut-être quelque chose que je suis en train de laisser passer.

 Mais une petite voix, au fond de moi, me murmure qu’il y a peut-être quelque chose que je suis en train de laisser passer

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(Ne pas reprendre l'illustration, merci🙏🏻)

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