Cela fait maintenant plusieurs jours que la gêne persiste entre Aiko et moi. Depuis cette soirée où nous nous sommes avouées nos sentiments, rien n’est vraiment clair. Et si j’étais honnête, je dirais que ça me terrifie. Les regards furtifs, les sourires maladroits, tout cela ne fait qu'alimenter ma confusion. Je me demande si Aiko ressent la même chose, ou si elle est simplement en train d’attendre que je fasse le premier pas. Mais je n’ai jamais été douée pour ça. Pour être franche, je suis paralysée à l’idée de dire ou faire quelque chose qui casserait tout.
Ce matin-là, je me réveille avec un sentiment de lourdeur dans la poitrine. La journée s’annonce difficile, et je sais que, tôt ou tard, je vais devoir parler à Aiko. Faire face à cette incertitude. Je ne peux pas continuer à me cacher derrière ces sourires timides et ces conversations superficielles. Mais comment aborder un sujet aussi fragile, aussi… réel ?
---
Arrivée au lycée, je la vois tout de suite. Comme à chaque fois, mon regard la cherche avant même que je m’en rende compte. Elle est là, debout près de son groupe d’amis, mais son attention est ailleurs. Ses yeux parcourent la cour, cherchant quelque chose. Ou plutôt… quelqu’un. Moi.
Nos regards se croisent brièvement, et je sens une boule se former dans ma gorge. Il est temps. On ne peut pas continuer à tourner autour du pot. Elle me fait un léger signe de tête, un signe discret qui me dit qu’elle veut me parler.
Je prends une profonde inspiration et m’approche. Chaque pas me semble plus lourd que le précédent, mais je continue. Nous sortons de la cour et nous retrouvons un peu à l’écart, derrière le bâtiment principal, là où il n’y a pas trop de passage.
— Salut, dis-je en premier, ma voix un peu tremblante.
— Salut, répond-elle doucement, ses yeux se posant sur moi avec une lueur de nervosité.
Il y a un silence entre nous, un silence lourd, mais pas inconfortable. Je sens qu'elle cherche ses mots, tout comme moi. Aucun de nous ne sait vraiment par où commencer. Finalement, c’est elle qui prend la parole.
— Suki, je… je sais pas trop comment dire ça, mais… j’ai l’impression qu’on évite la discussion depuis l’autre soir, tu vois ?
Je hoche la tête. Elle a raison, et je le sais. Mais comment dire ce que je ressens, alors que je ne le comprends même pas totalement moi-même ?
— Oui, c’est vrai. C’est juste que… tout est allé si vite. Je ne pensais pas que… enfin, je ne savais pas qu’on en arriverait là, si rapidement, avoué-je, en essayant de mettre de l’ordre dans mes pensées.
Aiko sourit légèrement, presque tristement.
— Moi non plus. Je veux dire, c’était inattendu. Mais je suis contente que ça soit arrivé. Enfin… je crois.
Je la regarde, cherchant dans ses mots une assurance, une vérité à laquelle m’accrocher. Mais comme moi, elle semble aussi perdue. Pourtant, malgré cette incertitude, je sens qu’elle est sincère. Je le suis aussi, même si j’ai du mal à l’admettre.
— Et maintenant ? demandai-je timidement. Qu’est-ce qu’on fait ?
Elle se passe une main dans les cheveux, un geste nerveux que je commence à bien connaître. Elle réfléchit un moment avant de répondre.
— J’en sais rien. Je sais juste que… je tiens à toi, Suki. Depuis un moment, en fait. Et je pense que tu ressens la même chose, non ?
Je baisse les yeux. Oui, bien sûr que je ressens la même chose. Mais le dire à haute voix, c’est une autre histoire. Pourtant, je ne peux pas fuir éternellement.
— Oui, je crois que c’est pareil pour moi, admets-je enfin, mes mains tremblant légèrement sous l’effet du stress. Mais je… j’ai peur, Aiko. J’ai peur de gâcher tout ça. De ne pas être à la hauteur. Tu sais que je ne suis pas… enfin, je ne suis pas douée pour ce genre de trucs.
Elle me regarde avec une douceur qui me désarme.
— Moi non plus, tu sais. Mais on pourrait… prendre notre temps ? Rien ne nous oblige à tout précipiter.
Cette idée me rassure un peu. Oui, prendre notre temps. Ne pas se précipiter. Peut-être que c’est la solution.
— D’accord, soufflai-je, soulagée. On prend notre temps, alors.
Un sourire éclaire doucement son visage, et pour la première fois depuis des jours, je me sens un peu plus légère. C’est comme si un poids s’était enlevé de mes épaules, même si l’incertitude reste là, planant au-dessus de nous.
---
L'heure du déjeuner arrive plus vite que prévu. Après notre discussion, l’ambiance est un peu moins tendue. On s’assoit à une table, entourées de nos amis respectifs. Bien sûr, ils sont toujours aussi curieux, mais cette fois, quelque chose a changé. Ils nous regardent, s’échangent des coups d'œil, mais ne disent rien. Ils doivent sentir que quelque chose de plus important se joue entre Aiko et moi.
Aiko me glisse un regard rapide pendant que ses amis bavardent à côté d’elle. Je lui rends un sourire timide, presque imperceptible. Il y a cette complicité nouvelle entre nous, même si rien n’a été officialisé. Rien n’a vraiment changé, et en même temps, tout est différent.
Pendant tout le déjeuner, je ne cesse de penser à notre conversation de tout à l’heure. Nous avons convenu de prendre notre temps, mais dans mon esprit, les questions continuent de tourbillonner. Est-ce qu’on est ensemble maintenant ? Est-ce que je devrais lui demander ? Ou est-ce que c’est mieux de laisser les choses se faire naturellement ?
Les discussions autour de nous deviennent de plus en plus animées, mais je reste plongée dans mes pensées. À un moment, Haruto, assis à côté de moi, me lance un regard en coin.
— Alors, Suki ? Tu rêves de quoi ?
Je sursaute légèrement, prise au dépourvu.
— Hein ? Oh… rien de spécial, juste... je réfléchissais.
Haruto éclate de rire.
— T’es pas très convaincante, tu sais. On dirait que t’as la tête ailleurs depuis ce matin.
Akira, qui est toujours à l’affût des potins, se penche vers moi avec un sourire narquois.
— Tu sais, si tu as un secret, tu peux tout nous dire. On est entre amis ici.
Je sens mes joues rougir instantanément, et je jette un coup d'œil rapide vers Aiko. Elle semble elle aussi un peu gênée par l’attention soudaine.
— Non, vraiment, y a rien… dis-je maladroitement, en essayant de détourner la conversation.
Mais je sais que mes amis ne sont pas dupes. Ils se doutent de quelque chose, même s’ils ne comprennent pas encore tout. Pour l’instant, ils semblent se contenter de me taquiner sans trop insister. Mais je sais que ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne posent des questions plus directes.
---
L’après-midi passe rapidement, et bientôt, la cloche sonne, marquant la fin des cours. En sortant du lycée, Aiko et moi échangeons un dernier regard. Ce n’est pas encore parfait, mais au moins, on a parlé. C’est un début.
À suivre...
![](https://img.wattpad.com/cover/377119710-288-k226895.jpg)
VOUS LISEZ
Ombres du passé
RomanceSuki, récemment sortie d'une relation brisée, lutte avec son manque de confiance et se dévalorise constamment. Lors d'un atelier de théâtre, elle rencontre une jeune femme pétillante et franche qui attire son attention, mais qui cache aussi un passé...