Chapitre 14 : Révélation au café

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Quelques jours après l’incident avec Hana, Aiko et moi avons finalement réussi à organiser un moment rien que pour nous. Depuis cette histoire, l’atmosphère entre nous s’est alourdie, mais on a réussi à se retrouver, loin des regards, dans un petit café discret. J’ai besoin d’éclaircir la situation avec Aiko, de comprendre ce qui a bien pu se passer, mais aussi d’en savoir plus sur elle. Je sens bien que quelque chose la ronge, quelque chose qu’elle ne me dit pas.

On s’installe à une table près de la fenêtre, l’ambiance du lieu est calme, presque apaisante. Aiko fixe son chocolat chaud en silence, ses doigts jouant nerveusement avec le bord de la tasse. Je l’observe un moment avant de briser la glace.

— Tu sais... je me demande pourquoi tu ne m’as jamais parlé de toi, de ton passé, dis-je doucement, mes mains enroulées autour de ma propre tasse.

Elle lève les yeux, visiblement surprise par ma question. Son regard semble se voiler légèrement, comme si je venais de toucher une corde sensible.

— Il y a des choses que je ne dis pas facilement, Suki. Des choses que je préfère garder pour moi, répond-elle, sa voix plus calme que d’habitude.

Je sens qu’elle est réticente à en parler, mais une part de moi a besoin de comprendre, d’aller au-delà de cette barrière qu’elle a érigée entre nous.

— Je sais qu’on ne se connaît pas depuis très longtemps, mais... j’aimerais vraiment savoir qui tu es, Aiko. Je veux comprendre ce qui te rend si... secrète.

Elle détourne les yeux, fixant la pluie fine qui commence à tomber derrière la vitre du café. Un silence pesant s’installe entre nous, et pendant un instant, je crains qu’elle ne veuille plus rien dire. Puis, elle inspire profondément.

— Mon passé n’a rien de beau à raconter, murmure-t-elle.

Je fronce légèrement les sourcils, attendant qu’elle continue. Aiko se recule un peu dans sa chaise, croisant les bras comme pour se protéger de ses propres souvenirs.

— Quand j'étais plus jeune, j’ai vécu dans une famille où tout était... compliqué. Mes parents n’étaient pas comme les autres. Mon père était... instable. Violent, même. Et ma mère... elle n’a jamais rien fait pour nous protéger, ma sœur et moi. Elle regardait juste... en silence.

Elle s’arrête, et je vois ses mains trembler légèrement. C’est la première fois qu’elle me parle de sa famille, et je me rends compte à quel point ce sujet est douloureux pour elle. J’hésite à la pousser à continuer, mais avant que je ne dise quoi que ce soit, elle reprend.

— Ma sœur est partie très tôt, à peine âgée de 18 ans. Elle n'a jamais vraiment donné de nouvelles... Et moi, j’étais là, à subir tout ça. Pendant des années. Je pensais que ça allait finir par s’arranger, qu’il y aurait une sortie. Mais non. Et un jour... tout a basculé.

Elle s’arrête de nouveau, comme si les mots devenaient trop lourds à porter. Je tends la main vers elle, effleurant ses doigts du bout des miens. Elle sursaute légèrement, mais ne retire pas sa main.

— Tu n’es pas obligée d’en parler si c’est trop difficile, dis-je, essayant de lui apporter un peu de réconfort.

— Non, il faut que je te le dise. Tu mérites de savoir, murmure-t-elle. Ce que tu dois comprendre, c’est que je porte ça avec moi depuis longtemps. Et je m'en veux tellement. J’ai l’impression que chaque relation que je commence finit par être empoisonnée par mon passé, par ce que j’ai vécu.

Je la regarde, mon cœur se serrant face à sa douleur. Elle a toujours cette façade forte, parfois un peu dure, mais là, devant moi, elle semble plus fragile que jamais.

— C’est à cause de ça que tu as du mal à t’ouvrir aux autres ? que je demande doucement.

Elle hoche la tête.

— Oui. Et avec toi, c’est différent. Tu es différente, Suki. J’ai l’impression que je peux être moi-même, mais en même temps... j’ai peur. J’ai peur de te décevoir. De te blesser.

Je secoue la tête, émue par ses paroles.

— Tu ne me blesseras pas, Aiko. Je veux juste que tu sois honnête avec moi. Que tu me laisses t'aider, être là pour toi.

Elle reste silencieuse un moment, puis relève les yeux vers moi. Ses pupilles semblent plus sombres, empreintes d’une tristesse que je ne lui avais jamais vue avant.

— C’est difficile, Suki. Vraiment difficile pour moi de faire confiance. Après tout ce que j’ai vécu... chaque fois que quelqu’un me laissait tomber ou me trahissait, je me disais que c’était mieux de tout garder pour moi. Mais toi... je ne veux pas te perdre. Pas toi.

Je ne sais pas quoi répondre. Une vague d’émotion m’envahit. Je tends la main et serre la sienne dans la mienne, cette fois avec plus de fermeté. Elle ne la retire pas. Au contraire, elle serre doucement mes doigts en retour.

— Tu ne me perdras pas, murmuré-je.

Aiko ferme les yeux un instant, comme pour absorber la signification de mes mots. Puis elle inspire profondément, et un léger sourire apparait sur ses lèvres, malgré la gravité de notre conversation.

— Merci, Suki. Merci de ne pas me fuir, chuchote-t-elle.

Je secoue la tête, un sourire un peu triste sur le visage.

— Pourquoi je te fuirais ? On a tous nos histoires, Aiko. C’est ce qui fait de nous ce que nous sommes.

Elle acquiesce, visiblement apaisée par mes paroles. Le serveur passe déposer l’addition sur la table, et l’ambiance du café reprend peu à peu ses droits autour de nous, comme si nous sortions d’une bulle intime. Nous terminons nos boissons en silence, mais ce silence n’est plus lourd comme avant. Il est plus léger, plus confortable.

Avant de partir, je regarde Aiko une dernière fois. Je sens que cette conversation nous a rapprochées, d’une manière bien plus profonde que les mots ne pourraient jamais l’exprimer.

On quitte le café, et pour la première fois, je sens qu’un véritable lien s’est tissé entre nous. Un lien plus fort que nos hésitations, plus fort que nos peurs.

À suivre...

Ombres du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant