Je claque la porte derrière moi, l’écho résonne dans le silence de l’appartement. Il est environ une heure du matin, et tout est sombre à l’intérieur. Mes parents dorment sûrement déjà, alors j’avance à pas feutrés, en retenant ma respiration, comme si le moindre bruit pourrait faire éclater le tourbillon d’émotions qui bouillonne en moi.
Je dépose mon sac près de la porte et me dirige directement vers ma chambre. Une fois à l’intérieur, je m’affale sur mon lit, mon cœur battant encore à tout rompre. Je me repasse les événements en boucle dans ma tête. Comment j’ai pu dire ça ? Comment ça a pu arriver ? Je me retourne sur le dos, fixant le plafond, tentant de mettre de l’ordre dans ce chaos intérieur.
« Je crois que moi aussi… » Ces mots, je les ai dits. J’ai répondu à Aiko, à son aveu inattendu. Elle m’a dit qu’elle m’aimait, et au lieu de fuir, de l’ignorer, j’ai prononcé ces mots-là, aussi fragiles qu’une feuille prête à s’envoler au moindre souffle. Qu’est-ce que j’ai fait ?
Je me redresse dans mon lit, mes mains tremblantes. Ce n’est pas vrai. Ce n’est pas possible. Comment une fille comme elle pourrait m’aimer ? Pourquoi elle ? Pourquoi moi ? Ça n’a aucun sens. Je ne suis pas ce genre de personne qui attire l’attention. Pas ce genre de personne qu’on aime. Mais là, elle l’a dit, et c’était réel. Je l’ai vu dans ses yeux.
Je me prends la tête dans les mains, essayant de calmer la tempête qui fait rage en moi. Je n’ai aucune idée de ce que je dois faire maintenant. Tout cela me dépasse complètement. Et puis, il y a lundi… Que vais-je faire quand je la verrai ? Et si elle m’ignorait ? Ou pire, et si elle me confrontait directement à ce que nous avons partagé ce soir ?
Le sommeil ne vient pas. Mes pensées sont trop agitées, me replongeant sans cesse dans ce moment sous les étoiles, avec elle. Finalement, je me force à fermer les yeux, espérant que la fatigue finira par m’emporter. Mais même en rêve, je n’échappe pas à Aiko.
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Le lundi matin arrive bien trop vite. Je me lève, épuisée par une nuit sans sommeil. Mes yeux sont lourds, et chaque geste me semble plus difficile que d’habitude. Je me prépare mécaniquement, évitant mon reflet dans le miroir. Je ne veux pas affronter cette journée, ni tout ce qu’elle représente. Mes sentiments sont un vrai bazar, et l’idée de revoir Aiko me tord l’estomac. Je me sens mal à l’aise dans ma propre peau.
Le chemin vers l’école me paraît encore plus long que d’habitude. Mes pensées tournent en rond, comme un disque rayé. Est-ce qu’elle va m’en parler ? Ou bien tout faire comme si de rien n’était ? Peut-être que tout ça n’était qu’un moment hors du temps, une erreur. J’ai cette peur viscérale qu’elle ait changé d’avis, que je ne lui plaise plus maintenant qu’elle sait que je ressens la même chose.
En arrivant à l’école, mon cœur s’emballe, et mes pas ralentissent sans que je m’en rende compte. J’entre dans la cour, mes yeux scrutant discrètement les environs, à la recherche d’Aiko. Mais je ne la vois pas, pas encore. Je soupire de soulagement tout en sachant très bien que cette confrontation est inévitable. Peut-être que je pourrais éviter de la croiser toute la journée… Ou peut-être que non.
Les premières heures de cours passent à une lenteur insupportable. Je ne parviens pas à me concentrer sur ce que dit le professeur, ni sur les exercices. Mon esprit revient sans cesse à elle. Que fait-elle en ce moment ? Est-ce qu’elle pense à moi, elle aussi ? Ou bien est-ce que je me fais des idées ?
Pendant la pause, je sors de la salle de classe et m’assois sur un banc dans un coin tranquille de la cour. Je devrais aller rejoindre mes amis, faire semblant que tout va bien, mais l’idée de devoir répondre à leurs questions me terrifie. Et si quelqu’un avait remarqué quelque chose pendant la soirée ? Si quelqu’un se doutait de ce qui s’était passé ? Je préfère rester seule, à ruminer mes pensées.
Le ciel est couvert, comme si même le temps ressentait mon malaise. Je me perds dans la contemplation des nuages, mais mes pensées finissent toujours par revenir à elle, à ce moment où nos mains se sont effleurées, et à cette déclaration… Ma respiration devient plus rapide à chaque souvenir qui me traverse. Pourquoi je n’arrive pas à me calmer ?
Mes amis finissent par me trouver, comme d’habitude. Hana s’assied à côté de moi, suivie de Haruto et Akira. Je les accueille avec un sourire forcé, mais ils semblent ne rien remarquer, heureusement.
— Tu vas bien ? Tu n’as pas l’air dans ton assiette aujourd’hui, Suki, me demande Hana, en me regardant avec attention.
Je hausse les épaules, jouant la carte de l’indifférence.
— Juste fatiguée, je crois. J’ai pas super bien dormi, répondis-je en tentant de dissimuler mon anxiété.
Ils semblent accepter cette explication sans poser plus de questions, et la conversation reprend son cours habituel. Pourtant, je ne peux m’empêcher de jeter des coups d’œil autour de moi, espérant secrètement apercevoir Aiko. J’ai besoin de savoir où elle est, mais en même temps, je crains de la voir. Cette dualité me torture. Est-elle là, quelque part, en train de m’observer en silence, comme elle l’a fait avant ?
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Les heures défilent, et je continue de jouer la comédie. Les cours s’enchaînent sans que je n’écoute vraiment, mes pensées se perdant toujours dans le même labyrinthe. Je pense à Aiko, à sa manière de me regarder, à ce qu’elle a pu ressentir après mon départ précipité. Est-ce qu’elle regrette ce qu’elle m’a dit ? Est-ce que tout cela a détruit quelque chose entre nous avant même que ça ne commence ?
L’après-midi, pendant un cours particulièrement ennuyeux, je me surprends à fixer mon cahier sans rien écrire. Ma main tient le stylo, mais il reste immobile. Tout ce qui occupe mon esprit, c’est Aiko. Je repense à son sourire, à la manière dont elle m’a regardée ce soir-là, juste avant que tout ne devienne confus. Je ne peux pas m’empêcher de me demander ce qui va se passer maintenant.
Le professeur interrompt soudain mes pensées en m’interpellant.
— Suki, est-ce que tu peux nous lire ta réponse à la question numéro trois ?
Je sursaute, totalement perdue. Mon cahier est vide à la page où je suis censée avoir noté ma réponse. J’entends des rires étouffés autour de moi, et mon visage devient rouge de honte. Je bredouille une excuse, et le professeur, visiblement exaspéré, passe à un autre élève.
Je m’enfonce dans ma chaise, encore plus angoissée. À quoi je pensais en acceptant d’admettre mes sentiments à Aiko ? Je suis tellement nulle… Je n’arrive même plus à me concentrer sur les choses simples de la vie, comme mes devoirs ou mes cours. Comment vais-je pouvoir affronter la réalité de ce que je ressens ? Comment vais-je pouvoir affronter elle ?
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La journée touche enfin à sa fin. Je range mes affaires avec lenteur, espérant que peut-être, elle viendra me parler. Peut-être que tout pourrait redevenir normal, ou du moins, plus clair. Mais Aiko n’apparaît pas. J’aperçois ses amis au loin, discutant entre eux, mais elle n’est pas là. Un mélange de soulagement et de déception me submerge. J’avais peur de la voir, mais maintenant, ne pas la voir est presque pire. Le silence me pèse, comme si le fait qu’elle ne soit pas venue me confirmait que quelque chose ne va pas.
Je sors de la salle, mes pas lourds et traînants, et je me dirige vers la sortie du lycée. L’air frais me frappe le visage, mais cette fois-ci, il n’apporte aucune clarté à mes pensées. Je prends une profonde inspiration, tentant de calmer mon cœur affolé.
La vérité, c’est que je ne suis pas prête pour ça. Je ne suis pas prête à affronter ce que je ressens pour Aiko. Parce que, si je suis honnête avec moi-même, je suis terrifiée. Terrifiée à l’idée que cela pourrait tout changer. Que cela pourrait me blesser, ou pire, la blesser. Et si je n’étais pas à la hauteur ? Et si elle réalisait que je ne suis pas celle qu’elle pensait ?
En attendant, je me force à avancer, à rentrer chez moi, une nouvelle fois pleine de doutes. Le lundi est passé, mais il reste tant de questions sans réponse. Je ne sais toujours pas ce que je vais faire, ni comment je vais gérer tout ça. Mais une chose est certaine : Aiko a fait bouger quelque chose en moi. Et même si j’ai peur, je sais qu’il n’y a plus de retour en arrière possible.
À suivre…
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Ombres du passé
Roman d'amourSuki, récemment sortie d'une relation brisée, lutte avec son manque de confiance et se dévalorise constamment. Lors d'un atelier de théâtre, elle rencontre une jeune femme pétillante et franche qui attire son attention, mais qui cache aussi un passé...