CHAPITRE III - LANDON

93 17 16
                                    

Dans le film Le temps d'un automne, le protagoniste porte le même prénom que moi, et il dit une phrase comme celle-ci à la fin : Notre amour est comme le vent. Je ne peux pas le voir, mais je peux le sentir.

Laissez-moi changer deux trois petites choses, et la phrase me reviendra complètement : Notre haine est comme le vent. Je ne peux pas la voir, mais je peux la sentir. Même à des kilomètres l'un de l'autre, même si Damien était à l'autre bout du monde, je sais que nos cœurs battent à l'unisson, que notre haine joue la même symphonie. Je sais que lui et moi ressentons la même chose, mais l'être humain en règle générale vit sa vie comme une compétition, alors ce soir, je veux éclaircir un point : Je souffre plus que lui.

Je souffre plus que lui. Mon corps entier n'est qu'une plaie béante, infectée, qui ne cherche même pas à être soignée. Ou même plus, parce que ce serait ridicule de se battre pour quelque chose qui est perdu d'avance. Je souffre à un tel point que pour couvrir les nombreux souvenirs des bribes de nos conversations d'antan, j'écoute en boucle The Winner Takes It All, parce que c'est l'histoire de ma vie. De notre passé.



I've played all my cards,

And that's what you've done too,

Nothing more to say.



Damien a toujours été beau, mais ce soir, c'était la goutte de trop. Trop beau. Trop de choses à dire. Jamais je n'avais eu à ce point envie de lui. Ou peut-être une fois. Mais ce soir...

Ce soir, mon envie a dépassé le stade de la fiction. Souvent, je me suis surpris à penser à lui en me disant qu'aucun mec ne pouvait être sexy à ce point. Parce qu'il a des yeux qui incarnent l'innocence, un sourire timide. Ce genre de sourire qu'il fait en penchant un peu la tête, comme s'il espérait le cacher. Les traits de son visage semblent avoir été sculptés à l'effigie d'un Dieu Grec, je l'ai toujours dit et je suis prêt à le répéter jusqu'à ce que ma bouche s'assèche.

Damien, visage d'ange et le diable au corps quand il s'agit de faire flancher les autres. Damien et cette beauté surnaturelle. Pas celle des magazines, rien à voir avec Photoshop ou les mannequins qui défilent pour les grands couturiers. Je parle de la beauté, la vraie. Celle qui vous prend aux ripes, qui fait planer une jalousie mal placée, qui donnerait envie à la personne la plus chaste au monde.

À moi. Il me donne envie. C'est pour ça, n'est-ce pas, que je prends une douche tiède au milieu de la nuit ? Pour calmer ce qui me qualifie d'homme. Pour éviter que ma fiancée soit excitée rien qu'à voir cette bosse qui déforme mon sous-vêtement. Je n'ai pas envie d'elle. Je n'ai envie de rien, pas même de bander. Pourtant...

Pourtant, c'est là. Évident. Proéminent. C'est là, et mes poings se serrent, parce que je me dégoûte. Je suis pathétique. Je ne pourrais pas être plus enragé à l'idée de sentir mon corps bouillant en sachant que, quelques heures plus tôt, ses yeux étaient dans les miens. Quelques heures plus tôt, son parfum me donnait mal au crâne. Parfum qui, comme une mauvaise blague, refuse de s'estomper. Alors je frotte mon corps avec insistance. Je frotte mon cou, mes bras, même mes jambes jusqu'à ce que ma peau rougisse et s'irrite parfois. Je frotte, mais rien n'y fait.

De rage, je balance le gant de toilette et me laisse glisser contre le carrelage, la tête entre les genoux. Ma respiration est saccadée, comme après un marathon. L'odeur est toujours là. La sienne, celle que j'ai maudite tous les matins, que j'ai aimée tous les soirs. Mais je pourrais me laver à l'eau de javel, elle ne s'en ira jamais.

Son parfum n'est pas sur ma peau, il est dans ma tête.

- Fais chier, soufflé-je.

Hors de question que je me calme. Je ne veux pas me toucher, je refuse de le faire alors que je ne suis même pas capable de réfléchir correctement en cet instant. Demain, je regretterai de m'être souillé les mains pour ses beaux yeux.

Listen To Your HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant