CHAPITRE VII - LANDON

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J'ai beau chercher une réponse dans ses yeux, je n'y vois rien d'autre que le néant. Damien n'a-t-il vraiment aucun souvenir de ce que nous avons vécu, ou ai-je vraiment pris notre amitié un peu trop à cœur ?

- Tu te fous de ma gueule, soufflé-je.

- Ma vie a changé, Landon. Je ne suis plus l'adolescent que j'étais il y a sept ans et peut-être que j'ai... simplement... oublié certaines choses.

- Je ne te parle pas d'adolescence, là ! Je te parle de...

- Chuuut ! Parle moins fort, merde.

D'un air désolé, Damien jette une œillade autour de nous et s'excuse auprès des regards intrusifs. Moi, je n'en ai strictement rien à foutre. Ça m'est égal que tous les yeux soient braqués sur moi, j'ai besoin de réponses.

- Je te parle de ce soir-là, dans la chambre de Danny Reperton. T'as fourré ta langue dans ma bouche, tu m'as enlevé mon t-shirt, ajouté-je.

- Tu te fiches de moi ?! grogne-t-il. C'est toi qui m'as enlevé mon t-shirt !

Un sourire vainqueur gagne le coin de mes lèvres et je recule un peu, hochant doucement la tête. Maintenant je sais que le but de Damien était simplement de faire semblant. Il se souvient de nous, de tout, mais l'envie de me faire du mal, et à raison, est plus forte que tout.

- Tu vois que tu n'as rien oublié.

Pris à son propre piège, il me regarde avec dédain.

- T'es comme moi, ajouté-je. Tu ressasses depuis sept ans, et tu n'oses pas l'avouer. Pourquoi ? Je l'ignore, mais tu refuses de m'avoir dans la tête. Mais je te l'ai déjà dit, et je sais que cette phrase, tu t'en souviens comme si c'était hier.

Je m'approche de lui avec la ferme intention de donner à nos corps le privilège de se frôler. Bien qu'il soit plus grand que moi d'un ou deux centimètres, je penche la tête sans jamais couper le contact entre nos regards.

Une chaleur agréable se déverse sur mon cœur, comme pour lui faire oublier à quel point il souffre.

- Tu m'auras toujours dans la peau, Damien.

Ces paroles, je les ai dites il y a des années. Trempé de sueur, le cœur en tachycardie, le souffle saccadé et le corps en compote... mais je les ai dites, et elles ne venaient pas seulement de ma bouche, elles venaient de mes tripes. J'aurais voulu que ces mots soient un ordre, une certitude. Mais cette nuit-là, je les ai dites sans savoir que le sort se retournerait contre moi : Je l'ai et l'aurai toujours dans la peau.

Et lui ?

Face à moi, Damien est passé d'un joli bronzage à la pâleur d'une poupée de cire. Ses yeux brillent, comme s'il s'apprêtait à lâcher ses plus beaux sanglots. Bien sûr que ça m'énerve de le voir dans cet état, mais s'il savait ce que j'endure au quotidien...

- Tu vois, Damien, j'aurais aimé que tu sois quelconque à mes yeux. Une amitié de passage, des bons souvenirs et un vulgaire Salut si on se recroise. J'aurais aimé que tout ça ne veuille rien dire, mais je ne suis pas assez hypocrite pour prétendre que c'est le cas. Et puis, moi, quand je dis quelque chose, je m'y tiens. Toi, tu oublies tes mots à la seconde où ils ont passé la barrière de tes lèvres.

- Tu ne sais rien de moi, rétorque-t-il.

- T'as raison !

De loin, nous avons l'air d'amis qui discutent de tout et de rien, et j'ai du mal à me dire que ces gens qui vaquent autour de nous sont loin d'imaginer à quel point, dans la même pièce qu'eux, un mec est en train de vivre une des conversations les plus douloureuses de sa vie.

Listen To Your HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant