On m'a demandé d'emporter avec moi un objet important sur une île déserte.
J'ai répondu : Un Gogo's Crazy Bones rare, celui qui est doré avec son code-barres tatoué sur le front. Une carte Pokémon du Kangourex et son petit au chaud dans sa poche ventrale comme celui qui est tatoué à l'épaule de mon ami. Mon amour, je l'emmènerais avec mon piano en bois et mon pull à rayures vertes et blanches que ma tante m'avait offert en Chine, j'ai sillonné la Chine, j'ai léché Chine, son échine, leurs échines, montagnes et mamelons rosis ; j'avais neuf ans, ma cousine portait fièrement le même pull en laine que moi, rayures vertes et blanches. Imprimé. Dans ma tête, je dévore des cailloux infinitésimaux où l'on m'a jetée, seule, sur cette plage déserte. J'ai vu le désert. Un arbre décharné habite son sol de poussière. Mais, choisis un objet (ou trois ; cela dépend des règles du jeu) ! Je t'emmerde. Parfaitement. JE T'EMMERDE ! Si je meurs demain ; tu ne te souviendras pas de moi, plus rien ne m'appartiendra. Le néant, oui. LE VIDE OUI. Je garde mon vide, merci. Ça, tu ne pourras m'en départir ; pourtant — god knows — j'aimerais également que tu puisses le combler, cela nous est impossible ; mon néant constellé de galaxies... Que c'est cucul ! J'adore le cul ! Ceux des autres qui se dandinent devant mes yeux et mes yeux les attrapent, remplissent mon sac de ces culs. Cul. Cul. Han ! Han ! Gémir encore et toujours, je mouille, c'est bon, j'y trempe les doigts. Intensifie le plaisir s'il te plaît ! Que j'y prenne mon pied. Oh mon dieu ! Je prendrais mes pieds ! Si quelqu'un me coupait les jambes, je ne parviendrais plus à marcher et je veux marcher, alors j'emporte mes pieds. Sinon, comment veux-tu que je me rende sur ton île à la con, hein ? Vie de ma mère, un jour, je suis descendu du train et mon pied ne bougeait plus. Terrifiant. L'espace d'un instant. Perdu... l'usage de mon pied, ai-je balbutié ? Arrête tes bêtises ! a craché maman. Tss-tss drama queen ! Oui, je suis une queen, je n'oublierai pas tous ces objets qui s'accumulent en moi. Ces désuétudes vouées au gouffre vorace de l'oubli des êtres et des choses. Je suis un vide ; nous sommes les hommes creux dépourvus d'imagination, nous gravissons les pentes insensibles de nos chambres intérieures, dans une maison dont les portes sont restées grandes ouvertes comme des Béances. Nos maisons ont été saccagées par des voleurs qui ont érigé leur bazar, au milieu de nos cœurs, gisent : Ali Baba et ses quarante voleurs. Je lisais ce conte. « Sésame ouvre-toi ! » Une graine de sésame. Je la plante. Et hop ! Un pêcher. Des pêchers sur mon île déserte pour que je gobe leurs fruits, entre mes dents, ils pourriront. Abcès purulent à ma mâchoire. Rongée par la gangrène. J'emporte cette vie immonde avec les lettres de mon tonton et le mot que maman avait écrit pour m'autoriser à quitter l'école pendant les récréations et me rendre en ville avec les copines. Je vous embarque avec moi jusqu'à mon île. On nous attend sur le port. Venez à poil. Je vous aime à poil. Juste vos têtes engoncées dans des slips, ça, ça me fait marrer. Ouais, les slips : j'autorise, mais seulement si vous les enfilez sur vos têtes ; à travers les trous des guibolles, vous regarderez la chevelure et les pêches de mon île sauvage. Je suis une sauvageonne. Je n'absorbe personne. Personne ne m'aborde. Personne. Personne. Bonjour à Personne. Enchanté, Madame Personne. Je suis la Personne, le passant, le badaud, le vent. La Personne personne. Je n'ai pas de nom. Ici, nous n'avons pas de... pas à pas... Nous... disparaissons.
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Hello 🙃
J'ai réalisé un court-métrage avec des amis que j'ai posté sur YouTube. Le lien vidéo est en début du chapitre ; je trouve que le scénario se mariait bien avec cette île déserte🖤
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Recueil sans thème
RandomDes textes que j'ai écrits quand j'avais la haine, que je t'aimais, tu me tenais par les yeux et je te regardais au milieu de tous ces gens ; j'ai écrit ces phrases sur des feuilles, dans ma tête, parce que je ne voulais pas que leurs mots s'envolen...