CHAPITRE 2 | Se battre

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Nali
24 septembre 2023, Gap, Alpes.
Je n'y crois pas, qu'est-ce que ça veut dire... je vais mourir ? Je n'ai pas réalisé mes rêves,  je suis trop concentrée sur ma carrière...
- Madame ? Vous m'écoutez ?
- Combien de temps ?
- Attends, on n'en est pas encore là, on a des choix encore possibles.
- Ah oui vraiment, en plein procès, je me suis évanouie et c'était il y a deux jours. Alors « on n'en est pas là» !
- Vous êtes au stade terminal, vous avez encore quelques choix.
- Me retirer les seins, par exemple ?
- Oui et la chimiothérapie...
Je n'ai que trente-cinq ans, comment je vais pouvoir dire ça à Kaylon, il lui reste plus que moi...
- Qu'est-ce que je peux...
- Votre meilleure chance est de faire l'opération et après ça la chimiothérapie, mais je ne vous garantis pas qu'il y a cent pour cent de chance et surtout que votre corps va accepter la chimiothérapie.
- On peut programmer l'opération pour quand ?
-Le plus tôt que j'ai est le 29 septembre.
- Très bien. Je me lève de ma chaise, prête à partir.
- Où allez-vous ?
- L'opération n'a lieu que le mardi, alors je rentre chez moi.
- Vous ne pouvez pas. Le médecin se lève de sa chaise en cuir, il remet bien sa blouse et dit d'un ton fier.
- On vous garde jusqu'à l'opération, votre stade est bien trop avancé, vous risquez de faire des malaises, je vous garde...
- Non, je dois aller voir mon frère, l'infirmière m'a dit qu'il n'était pas admis ici, alors laissez-moi sortir.
- Je dois être sûr de ce que vous...
-MARDI, RETIREZ-MOI TOUT CE QUE VOUS VOULEZ, MAIS LAISSEZ-MOI RENTRER PRÈS DE MON PETIT FRÈRE.
- Très bien, on va se diriger vers l'accueil du service pour que l'infirmier vous donne une décharge pour sortir sans l'autorisation d'un médecin.
J'attrape mon manteau posé sur le fauteuil et sors de cette pièce à toute vitesse. Je me dirige vers l'entrée du service où se trouvent plusieurs infirmiers qui discutent et rigolent à gorge déployée. Juste derrière elles sur une grande inscription au mur est écrit « services d'oncologie »
- Pouvez-vous donner une décharge de sortie contre avis médical à madame, s'il vous plaît.
- Bien sûr docteur, la jeune femme sourit de toutes ses dents, qui était bien à l'inverse de moi. Une fois signé et le rendez-vous confirmé, je parti  de cet endroit abominable, rien que le l'idée de devoir remettre les pieds ici me donnait la nausée.
L'hôpital est situé juste en face d'un parc qui habituellement est occupé par des jeunes couples ou des familles avec de nombreux enfants. Tout ce que je n'aurai jamais, c'est ça  être une femme de trente-cinq ans célibataire. On n'attend plus rien d'autre de nous que de travailler sans relâche. Ce que je fais depuis la fin de mon master de droit.
Je m'arrête une seconde pour prendre une grande bouffée d'air frais. Comment annoncer à la seule famille qu'il me reste que j'ai un cancer du sein en stade terminal. Alors qu'il y a quelques mois de ça, je lui ai promis que je resterais près de lui sans rien ni personne qui puisse nous séparer. La vie peut être cruelle et je le sais. Je dois prendre mon courage à deux mains. Je marche sans faire attention où aller. Mon seul et unique but est d'aller au travail, voir mon petit frère lui dire que je suis vivante... enfin physiquement, mentalement est une autre chose.
J'ai tellement été concentrée sur mon travail pour rendre fiers mes parents d'où ils sont; que je n'avais jamais pu réaliser l'un de mes rêves. Plus jeune, je vivais à Chamonix avec mes parents, ce paysage fabuleux m'a donné envie de monter le Mont Blanc. Voir tous ces touristes excités à l'idée de l'escalader.  J'ai promis à mon père que je le ferais, pour lui. Le  jour où j'ai failli réaliser notre rêve avec l'un de mes collègues, un accident tragique s'est déroulé...
« Aller, pense à autre chose. » Mes pensées sont remplies de remords et de dégoût envers moi-même, je croise mes bras autour de ma poitrine. Je sais qu'on ne peut rien y faire, que c'est la vie, mais comme chaque personne qui
est atteinte de cette maladie, doit se dire la même chose (je ne cesse de me répéter : « pourquoi moi ? ».  Mon regard est brouillé par mes émotions, sans prêter attention  je me fais percuter par une personne qui était sur mon chemin.
-Je suis désolée, je ne regardais pas où j'allais.
Je me retourne et pose mon regard sur cette jeune femme qui m'a l'air familière, ses yeux verts et ses longs cheveux bruns me font remonter dans mes souvenirs. En un fragment de seconde, je me souvint  l'avoir vu dans un journal il y a quelques années.
-Vous êtes Marion Gora, l'alpiniste qui a survécu à l'avalanche il y a trois ans au mont-blanc ? Son regard se vida et son souffle se coupa, désolée, je ne...
-Désolé, on n'a pas le temps de discuter. Son ami qui ne me paru pas inconnu la tira et ils reprirent leur chemin.
Leur deux jeunes alpinistes ne sont pas inconnus des personnes qui aiment cette discipline et encore moins à ceux qui les suivaient sur les réseaux sociaux. La jeune femme est passée aux informations il y a trois ans de ça, la pauvre était partie gravir le mont-blanc avec sa petite sœur, pratiquement arrivées au sommet, une avalanche s'est déclenchée.  Elle emporta sa  petite sœur âgée de 17 ans et Marion. On ne sait pas vraiment ce qu'il s'est passé la jeune alpiniste n'a jamais voulu témoigner. Elle a vécu l'un des épisode les plus traumatisant qu'une personne pourrait vivre. Je continue mon chemin, je laisse mon attention sur tous ces visage souriants à la vie. C'est là où je me rendis compte que tout peut arriver d'une minute à l'autre. Après vingt bonnes minutes de marche, je me retrouvais devant la clinique vétérinaire de mon petit frère. Par la porte d'entrée, je l'aperçut, souriant à une jeune femme qui venait de récupérer son lapin gris. Son visage avait l'air si calme...J'attendis que la jeune femme sorte de la clinique avant d'entrer; je voulais lui laisser encore quelques instants de bonheur avant de lui annoncer que j'ai un...
-Bonjour, la jeune femme me tendais la porte pour que je rentre.
-Non non, allez-y, je rentre après, j'attends...
Je me retournais pour faire semblant d'attendre quelqu'un.
-Nali ?
Mon frère s'avança vers la porte d'entrée de sa clinique. La jeune femme parti à l'instant où  Kaylon me rejoignit devant la boutique.
-Tu es sortie, je m'inquiétais, les médecins ne voulaient rien me dire, je...
Mon frère parlait tellement vite que je posais mes mains sur ses joues pour qu'il puisse se calmer.
- Calme-toi, tout va bien.
-Qu'est-ce que tu as ? Pourquoi tu t'es évanouie ? Et surtout, pourquoi es-tu resté autant de jours là-haut ?
- J'ai... Aucun mot  ne sortais de ma bouche, comme si on m'avait coupé la langue.
Ses yeux posés sur moi me brisèrent le cœur et j'ai la  sensation qu'il perdra toute sa joie de vivre à ma confession.
- Viens, on rentre.
Je le poussa  à l'intérieur de la clinique, il mis un panneau sur la porte pour dire qu'il était en pause ou fermé pour la journée. En tournant la pancarte j'aperçus : « j'arrive tout de suite, veuillez sonner ». Son assistant, ou plutôt son élève, était parti pour la semaine en école pour apprendre quelques techniques pour ses futures opérations en solo.
- Nali, tu me fais peur, qu'est-ce qui se passe...
-Tu devrais t'asseoir Kaylon, je dois t'annoncer quelque chose
Sur ces paroles, il tira sa chaise du bureau pour se poser dedans. Je m'accroupis en face de lui, mes mains dans les siennes. Mon cœur accélère, ce qui me fit de plus en plus mal dans la poitrine. Je pris une grande inspiration. Je relevai mes yeux sur lui en laissant une larme couler sur ma joue.
-Ce matin, mon médecin m'a annoncé que j'ai un cancer du sein...
Son teint devint de plus en plus pâle, ses yeux rosissent et son regard devint perdu. Malgré nos dix ans d'écart, on a toujours été très proches, surtout après la mort de nos parents.
-D'accord, mais tu vas t'en sortir, on s'en est rendu compte assez tôt.
Les larmes aux yeux, je lui fais un signe de tête de gauche à droite.
-Je suis... je craque totalement, je baisse la tête, mes mains dans les siennes, sa poignée se presse autour de mes doigts.
-Nali...
-Je suis au stade terminal...
-Mais tu peux te faire opérer et tu vas avoir de la
chimio ? Je lui dis oui d'un signe de tête.
-Oui, mon opération est prévue pour mardi... Je retire mes mains des siennes et les pose de nouveau sur ses joues, je ne veux pas te donner de faux espoirs.
-D'accord, je serai là avec toi, je t'aiderai dans ton combat, une larme coule de sa joue.
-Je t'aime petit frère...
Je poussa sur mes pieds pour me relever et me dirigea dans ses bras. La sonnette de l'entrée retentit dans la clinique, je le lâcha, mais il refusa en me reprenant dans ses bras.
-Rubis est dans mon bureau...
-Tu l'as ramenée à  la clinique ? Elle va bien ?
Ma petite boule de poils grise au reflet blanc, âgée de 6 mois, mon frère l'a sauvée et me l'a offerte pour mon anniversaire. Mon petit chat, la seule chose que j'ai.
-Oui, je ne voulais juste pas la laisser seule chez toi.
La sonnette retentit une nouvelle fois, on se leva et je posais une dernière fois mes  mains sur ses joues joufflues, en plongeant mes yeux dans les siens.
-Va sauver le monde des petites bêtes à quatre pattes.
Il me serra une dernière fois dans ses bras et sorti de sa chaise en essuyant une larme, il avança vers l'entrée et tourna sa pancarte avec son beau sourire qui paraissait tellement faux.
-Bonjour, désolé de l'attente, vous êtes Madame Hivert c'est ça ? C'est pour le petit chien ?

LE RUBAN ROSE | Une dernière expédition Où les histoires vivent. Découvrez maintenant