Dévandra, assise à son bureau, s'affairait à compléter les tâches courantes. L'attaque de Nakãra et la blessure d'Isis avaient mis en difficulté son calendrier, d'ordinaire réglé comme une horloge. Elle avait un monde entier à diriger et ne pouvait se permettre de retarder plus longtemps son travail. Heureusement Opalis était toujours là à ses côtés, la dirigeante avait pu se décharger en partie. Elle avait pris en main l'établissement de nouvelles stratégies de défense, elle avait déployé de nouveaux protocoles d'évacuation, en somme, elle avait préparé l'Empire à résister à une attaque future. Le concours de Dévandra s'était malgré tout révélé nécessaire pour le renforcement de la barrière, sa puissance magique était inégalée à travers le royaume.
Une mèche de cheveux glissa de son épaule, elle soupira. Elle connaissait ses priorités, mais il lui était impossible de ne pas penser à son amie alitée. Son état ne s'améliorait pas, mais le simple fait qu'elle vive était un miracle, le poison du démon était puissant et aurait dû venir à bout d'elle depuis longtemps déjà. Dévandra n'aurait su dire si Isis devait sa survie à sa volonté, aux soins qu'elle lui avait prodigués ou à l'aide d'une puissance extérieure. Elle aimait croire à un mélange des trois, elle voulait croire à l'assistance de Kao, malgré son silence. Bien qu'il soit taciturne, il ne l'avait jamais laissée sans réponse comme aujourd'hui. Ce qui se tramait devait être terrible.
Quelqu'un toqua à la porte, Dévandra l'invita à entrer et se leva pour l'accueillir. C'était un fonctionnaire qui venait lui signaler que la reine elfe de Minas Amarth réclamait une audience de toute urgence. Elle se laissa choir dans son fauteuil, voilà bien la dernière chose qu'il lui fallait, des soucis avec les elfes, assez urgents pour que leur reine en personne se déplace jusqu'ici, à l'Odyssée Ancestrale, pour une entrevue. Elle n'avait pas de temps à lui accorder, mais refuser de la recevoir ne ferait que provoquer un incident diplomatique et son lot d'ennuis. Elle soupira et ordonna au rond-de-cuir de conduire sa Majesté elfique dans la salle d'audience. Dévandra suivrait peu après pour écouter ses doléances et leur apporter des réponses. L'employé s'inclina et quitta le bureau d'une démarche nonchalante. Il n'avait, de toute évidence, pas refermé la porte. Elle laissa sa tête tomber en arrière sur le dossier et laissa s'échapper un râle. Elle abandonna son siège et sortit à son tour. Elle réajusta ses cheveux et sa robe puis verrouilla son bureau, à la suite de quoi elle emprunta le couloir qui menait là où la reine l'attendait.
Au cours du trajet, elle ne put s'empêcher de constater les dégâts, toujours présents, qui avaient résulté de l'attaque de Nakãra. Jamais cette dernière n'avait été aussi proche d'anéantir tous leurs espoirs et leur avenir. Heureusement la destinée en avait décidé autrement et la victoire avait été leur, mais à quel prix. Ses pensées finissaient inlassablement par revenir sur Isis, elle avait toujours été à ses côtés, sans elle, elle se sentait perdue.
La salle et sa Majesté attendaient de l'autre côté de cette porte. Elle fit le ménage dans son esprit alors qu'elle entrait.
— Votre altesse royale, fit-elle avec révérence.
— Dévandra ! s'exclama-t-elle avec chaleur tout en conservant un visage impassible propre à son statut, vous voilà enfin.
L'elfe vérifia du regard qu'elles étaient seules et reprit :
— Tu peux me certifier qu'ici nul ne peut nous entendre ?
Dévandra hocha de la tête et la reine continua :
— L'heure est grave Dévandra, des heures sombres sont devant nous, murmura-t-elle alors qu'elle attrapait les mains de la femme aux cheveux violets.
Son altesse royale était venue au monde avec le don de prophétie, des avenirs potentiels se déroulaient devant ses yeux et hantaient ses rêves, comme ses prédécesseurs au trône de la cité du destin. Alors qu'elle parlait, la dirigeante de l'Empire pouvait lire la terreur dans son regard. Elle ne l'avait jamais vue ainsi auparavant.
— Dis-moi, Linaewen, quel est ce destin qui t'effraie tant.
— Des forces oubliées sont à l'œuvre, des ennemis qu'on croyait défaits. Ils attendaient patiemment leur heure. Tout ce qui fut fait sera défait, encore.
— De qui parles-tu exactement ?
— L'ennemi n'est pas celui que nous pensions, mais il est trop tard. Nous devons la trouver.
— Je ne comprends pas ce que tu racontes, calme-toi.
— L'enfant de la prophétie Dévandra, l'enfant oubliée, l'Élue.
La prophétesse elfique se redressa, elle entrait en transe, presque inconsciente elle déclama :
« Lorsque Ra et O entreront en guerre,
Lorsque la sacrifiée sera transcendée,
Lorsque l'abandonnée sera sauvée,
Elle fera son apparition sur Terre.L'Équilibre elle rétablira et incarnera,
La Boucle, à briser elle aidera,
La Vérité elle révèlera.Le Néant emportera Lumière et Ténèbres,
Le Néant enfin vaincra.Alors peut-être la roue sera rompue.
Alors peut-être les larmes auront disparu. »Dévandra rattrapa son amie avant qu'elle ne s'effondre sur elle-même. La femme aux yeux d'améthyste analysait en parallèles les mots qui venaient d'être prononcés. Cette histoire d'Élue lui rappelait ce qu'elle avait eu l'occasion de voir sur une fresque ancestrale des années auparavant. Une jeune fille qui tenait une amulette, pièce centrale d'une lutte à mort entre divinités. Les soucis venaient bien de s'aggraver. Mais voilà qui expliquait certainement le mutisme de Kao. Et Mya allait se retrouver prise dans ce conflit. Était-ce elle l'enfant de la prophétie ? La destinée lui aurait-elle joué le coup sournois de faire d'elle l'Élue en plus de son statut de princesse ancestrale ?
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Les Fresques Ancestrales : L'Élue
Fantasy[TOME 1] Mya, jeune ancestrale, peuple magique vivant au sein de l'Empire Ancestral, n'aspire qu'à l'aventure et à obtenir des réponses aux questions qui la tourmente. Son nom de famille, Tamashi, semble être d'une importance capitale pour les siens...