Assis devant une mare limpide, un homme à la chevelure blanche observait. Dans l'eau, des images se mouvaient, une aventure lointaine se dévoilait. Kao sourit. Mya était parvenue jusqu'au Marevu. Tout se déroulait sans encombre, comme il l'avait prévu. Il souffla délicatement et l'étendue liquide retrouva son aspect naturel. Il se leva.
La route qui attendait Mya ne resterait pas calme éternellement, mais d'ici, il ne pouvait s'en remettre qu'à son envoyé. Ses actions étaient restreintes par des chaines invisibles qui lui pesaient depuis tant de temps. De bien des manières il avait essayé de s'y soustraire. Rien n'avait jamais fonctionné. Alors il avait appris à accepter. Son visage autrefois heureux, pendant longtemps s'était peint de tristesse. Maintenant seule l'indifférence transparaissait. C'était sûrement mieux ainsi. C'est ce qu'on attendait d'un dieu de toute manière. Être froid, juste et stoïque.
Derrière Kao se dressait une immense bâtisse. Un manoir entièrement blanc, visible dans la nuit alors que rien ne paraissait l'éclairer. Pas même la lune, totalement absente en cette soirée. Voilà qui marquait le début d'un nouveau cycle lunaire.
— Il est déjà presque temps, pensa-t-il.
Sans se presser, il marcha vers l'entrée de sa demeure. À son approche, la porte s'ouvrit. Une fois qu'il disparut à l'intérieur, elle se referma aussitôt.
∞
Le bruit d'un souffle rauque envahissait la pièce. Une femme était étendue sur un lit d'hôpital. Son teint pâle ne laissait rien présager de bon. Au-dessus d'elle, des cheveux violets s'agitaient. Depuis le départ de Nakãra et Zaefan, Dévandra n'avait eu de cesse de tenter de soigner Isis. Elle ne pouvait se permettre de perdre sa secrétaire, encore moins son amie.
— Tiens bon, on trouvera une solution !
— C'était... Copédra qui s'occupait des potions, souffla Isis.
— Et tu me crois incapable ? Qui lui a enseigné selon toi, rétorqua la dirigeante de l'Empire.
— Je sais... Mais tu ne dois pas perdre tant de temps à mon chevet. Tu as tout un monde à diriger. Je suis remplaçable.
— Ne dis pas de sottises. Tu es unique et j'ai besoin de toi à mes côtés. Nous sommes inséparables. Et puis sans toi je suis à peine capable de trouver ma chambre.
Isis ria, coupée régulièrement par sa propre toux. Elle reprit son sérieux :
— La déesse du Mal pourrait revenir à tout moment. Ne te préoccupe pas de moi, protège notre peuple.
— Isis, elle n'est pas près d'attaquer à nouveau, crois-moi. Pas après ce que je lui ai fait.
— Je n'ai d'ailleurs pas vraiment compris. Comment as-tu réussi à mettre aussi mal Nakãra ?
— J'avais gardé un fragment de l'épée brisée de Kao. La seule arme qui pouvait réellement la blesser. Je m'étais dit que ça servirait un jour ou l'autre. J'avais raison. Maintenant repose-toi.
La secrétaire obtempéra et ferma ses yeux verts. Sa respiration restait haletante, mais les soins que lui prodiguait Dévandra semblaient faire effet, malgré le poison. Peut-être n'était-ce qu'une simple rémission ? La mage aux yeux améthyste positionna ses mains au-dessus de la plaie et fit le vide dans son esprit. Elle appelait sa paix intérieure et la transformait en énergie avant de l'insuffler à Isis. Le maléfice présent dans la toxine inoculée par Zaefan était puissant, mais la magie de Dévandra aussi. À chaque vague de soin qu'elle envoyait il reculait un peu plus, sans jamais disparaître cependant.
Le souffle d'Isis s'était enfin calmé. Elle dormait, en paix. Son amie quitta son chevet. Il était vrai qu'elle devait continuer son travail. Elle ne pouvait laisser l'Empire Ancestral sans dirigeant durant des heures aussi sombres. Elle disparut.
Dévandra se rematérialisa dans la salle de conférences du palais. Une masse importante de gens s'y était attroupée. Parmi eux quelques journalistes, mais c'étaient principalement des citoyens lambdas qui avaient besoin d'être rassurés. Quelques elfes, dryades, et même fées, s'étaient mêlés aux ancestraux. Après tout, depuis la Grande Guerre, tous vivaient dans le même monde. À l'abri de ceux qui avaient failli les anéantir.
Son apparition soudaine avait fait s'interrompre les discussions. Tous n'attendaient plus que son allocution. Elle s'avança vers l'estrade et prit place derrière son pupitre. Elle se racla la gorge.
— Chers concitoyens, chers peuples amis,
« Comme vous le savez, l'heure est grave. Aujourd'hui, nous avons subi une attaque. Oui, Nakãra, la déesse qui a juré notre perte est parvenue à percer nos défenses. Ce n'était encore jamais arrivé. Pas depuis le renforcement de la barrière magique. Cela ne peut signifier qu'une seule chose. Sa puissance s'est accrue.
« Néanmoins, il convient de ne pas céder à la panique. Même si son pouvoir est désormais suffisant pour traverser le mur mis en place avec l'aide de Kao, nous avons miraculeusement réussi à la mettre en déroute. Il est vrai que cela est certainement temporaire. C'est une question de temps avant que l'ennemi ne frappe à nouveau à nos portes, peut-être avec une force d'invasion cette fois.
« Cependant, contrairement à la première attaque où nous avons été pris au dépourvu, cette fois nous serons prêts ! J'ai d'ores et déjà remis en place des tours de garde au niveau des points stratégiques. J'ai aussi demandé à nos mages émérites de travailler sans relâche pour renforcer encore une fois la barrière magique. En ce moment même, ils étudient différents catalyseurs qui pourraient permettre de réaliser cet exploit. Après quoi, aidés de moi, ils fourniront l'énergie nécessaire au lancement des sorts de défense.
« Avant de terminer, je tenais à commenter deux rumeurs qui se répandent au sein de l'Empire. Oui, la jeune Tamashi a été exfiltrée. Elle est en route pour rejoindre Kao. Sous peu elle sera sous sa protection. Et, oui, les portails resteront scellés jusqu'à nouvel ordre. Nous ne pouvons pas nous permettre de telles failles de sécurité. Ce sont tant d'entrées supplémentaires potentielles pour les forces démoniaques. Je sais que cela risque de mettre à mal certains échanges commerciaux voire certaines professions magiques. Mais il n'y a pas d'autre alternative.
« Merci à tous de m'avoir écoutée.
À peine avait-elle terminé son discours que les journalistes présents commencèrent à l'assaillir de question. Elle prit la peine de répondre à toutes. Elle voulait rassurer. Peu importe le danger de la situation actuelle, il ne fallait pas que le peuple cède à la panique. Il n'y avait rien de pire que des émeutes dues à la peur.
Quand le marathon d'interrogatoires se termina, exténuée, Dévandra prit la direction de ses appartements dans lesquels elle s'enferma.
— Ô Kao, dis-moi que tu veilles déjà sur Mya, promets-moi qu'elle ne court aucun danger, pria-t-elle.
Elle n'obtint qu'un profond silence pour toute réponse. Renforçant ses craintes.

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Les Fresques Ancestrales : L'Élue
Fantasy[TOME 1] Mya, jeune ancestrale, peuple magique vivant au sein de l'Empire Ancestral, n'aspire qu'à l'aventure et à obtenir des réponses aux questions qui la tourmente. Son nom de famille, Tamashi, semble être d'une importance capitale pour les siens...