Souffles Éthérées

Chapitre 7

À son arrivée à la gare, Seraphine aperçut son père, un homme à la carrure imposante, qui détonait par son expression sévère et son cache-œil sombre. Ce dernier, vestige d'une époque révolue, racontait silencieusement l'histoire des batailles auxquelles il avait survécu pour protéger l'Académie et sa famille. Avant la naissance de Seraphine, il avait été un guerrier inébranlable, défenseur de l'Académie lors d'un conflit violent avec les diables, un affrontement que les anciens appelaient encore "La Grande Purge."

À cette époque, les diables, des créatures avides de pouvoir, souhaitaient réduire l'Académie en cendres et entraîner les sorciers en enfer, détruisant ainsi tout savoir et privant les jeunes de la possibilité de maîtriser leurs dons. Le père de Seraphine, qui était alors un sorcier respecté et redouté, s'était jeté corps et âme dans la bataille. Chaque nuit, pendant des mois, l'Académie et ses alentours résonnaient des cris de guerre et des éclats de magie alors que les sorciers repoussaient des vagues de créatures infernales.

Une nuit, alors que sa mère était en plein travail d'accouchement, il fut appelé en urgence aux portes de l'Académie, où les diables avaient redoublé d'efforts, tentant de rompre les protections magiques qui entouraient les bâtiments. Lorsqu'il arriva, une véritable mêlée s'ensuivit : les diables, dotés de griffes acérées et de flammes démoniaques, ne reculaient devant rien pour infiltrer l'enceinte. C'est en protégeant un groupe de jeunes apprentis qu'il reçut une blessure profonde au visage, une griffure qui lui ôta l'usage de son œil gauche. Malgré la douleur, il continua à se battre, un sort à la main et l'autre tenant son visage ensanglanté, jusqu'à ce que les dernières forces démoniaques soient repoussées dans l'enfer d'où elles étaient venues.

Quand il revint enfin auprès de sa femme, il n'était plus le même homme : sa vie s'était divisée entre cet avant lumineux et cet après marqué par la perte, et pourtant il tenait dans ses bras la source de sa résilience, sa nouvelle raison de vivre — une petite fille aux yeux profonds, Seraphine. Ce souvenir de sacrifice créa un lien unique entre eux, un lien que Seraphine comprenait sans vraiment l'exprimer. Elle savait que ce regard d'un œil unique qu'il posait sur elle chaque fois qu'ils se retrouvaient, lui rappelait les raisons pour lesquelles il avait accepté de sacrifier une partie de lui-même.

En la voyant sur le quai de la gare, il la serra dans une étreinte puissante, presque protectrice. « Ma fille, comme je suis heureux de te voir. »

« Moi aussi, papa, » répondit-elle, respirant difficilement dans ses bras puissants.

Après l'avoir relâchée, il prit ses bagages et l'entraîna vers la voiture. À l'intérieur, installée à l'arrière, sa sœur aînée, Eirlys, leva les yeux en voyant Seraphine s'approcher. Blonde et distante, Eirlys et Seraphine avaient toujours eu une relation complexe, teintée d'une rivalité silencieuse. Eirlys, bien que plus âgée, semblait souvent être celle mise en retrait, tandis que Seraphine brillait sans même s'en rendre compte.

« Oh, super... Eirlys est là aussi pour les fêtes, » soupira Seraphine en s'installant dans la voiture.

« Chérie, c'est ta sœur, » répliqua leur père en souriant.

« Oui, je sais, » répliqua-t-elle en soupirant. « Mais elle aurait très bien pu aller fêter Noël avec son nouveau loup-garou. »

Eirlys lança un regard noir à Seraphine, piquée au vif par cette allusion. Depuis quelques années, Eirlys avait introduit dans leur famille pas moins de cinq partenaires différents, des garous aux caractères variés, dont chacun, à un moment ou un autre, avait tenté de courtiser Seraphine dans le dos de sa sœur, ce qu'elle trouvait à la fois lassant et insultant. Elle espérait, avec une pointe d'ironie, qu'Eirlys aurait enfin trouvé un compagnon digne de ce nom.