Cadavre Exquis {correction à venir}

Troisième partie.

- Tu devrais être plus reconnaissant envers ce que ton frère fait pour toi.
Ellie prononce durement ces mots à l'adresse de celui qui va devenir son mari dans quelques minutes. Andrew la regarde, incrédule. Il ne peut détacher ses yeux du somptueux visage de sa bien-aimée. Ses cheveux blonds, ses yeux bleus, son petit nez retroussé, ses lèvres fines qui partent légèrement de travers quand elle sourit... Tout, chez elle, est absolument magnifique.
- Je sais Ellie. Je sais. Je suis désolé..., répond-il, peiné.
Sa femme lui sourit doucement, il essaye de la toucher et de la prendre dans ses bras, mais quelque chose l'en empêche. Il a l'impression que quelqu'un, derrière lui, le retient avec violence, et qu'il ne peut s'en défaire. En voulant poser sa main sur la joue délicate de Ellie, il passe simplement au travers. Alors, sans comprendre ce qui est en train de lui arriver, il se réveille.
Andrew mit un moment avant de retrouver ses esprits et de comprendre où il se trouvait, à savoir chez lui, grossièrement allongé dans son canapé, une couverture sur les genoux et un oreiller derrière la tête. À gauche, sur la table basse, se trouvait le reste du repas que lui avait préparé son frère quelques heures plus tôt : du poulet et... Quelque chose d'autre. Andy ne savait pas très bien ce que ce qui composait ce plat, mais ce qu'il savait, c'est que c'était délicieux. Enfin, pas non plus au point de redonner goût à la vie pour autant.
Jude était vraiment doué pour préparer de bons petits plats, il était doué pour tout, à vrai dire. Dans la famille, c'était bien celui qui avait hérité de tous les dons et de toutes les qualités possibles et inimaginables. Patron d'une grande entreprise, doué dans les affaires, une femme bien sous tout rapport, qui plus est encore en vie ; deux filles superbes et bien élevées... On pouvait dire effectivement qu'il avait tout pour être heureux.
Andrew attarda un moment son regard sur la table basse et s'aperçut que la télé était allumée, sans doute s'était-il endormi en la regardant. À l'écran défilaient les images de son mariage avec Ellie, filmées par un ancien ami. Souvent, le soir avant de s'endormir, Andy visionnait encore et encore les images de ce jour béni des dieux. Cela expliquait le rêve.
Il attrapa la télécommande du lecteur DVD se trouvant à côté de lui, et rembobina pour mettre le film au début de la cérémonie. À l'écran, la foule se leva, l'image s'agita un instant, comme souvent sur les films amateurs, puis se figea sur Andy. Il était debout, devant le bureau du maire, habillé d'un élégant costume noir avec une cravate blanche. Sur la poche droite de sa veste était épinglé une rose rouge, la fleur préférée d'Ellie. D'un geste de la main, il plaqua ses cheveux bruns en arrière, lesquels étaient déjà coiffés par de la cire. C'était un geste parasite, car Andy le savait très bien, en cet instant précis, il commençait à s'angoisser de plus en plus. Mais quand il vit arriver sa future femme, tous ses doutes se dissipèrent. Tout devint clair et évident. Une lueur s'illumina dans ses yeux noisette, et la caméra bifurqua pour se poser sur la mariée, qui venait de faire son entrée dans la salle.
Ellie portait une longue robe blanc casé, dont le bas était entièrement recouvert de dentelle. Andy savait que cette robe avait appartenu à sa grand-mère ; Ellie voulait la porter pour lui rendre hommage. Quelle merveilleuse idée, ce vêtement était magnifique, et il lui allait tellement bien...
Ellie fixa le sol et sourit timidement, sûrement gênée par les applaudissements de la foule et les acclamations retentissant à son égard. Son visage était flouté par le léger voile transparent retenu dans son chignon. Seulement deux mèches dorées, bouclées, s'en échappaient et lui encadrent le visage.
Elle arriva devant le bureau du maire, se plaça en face de son futur mari, releva la tête et le fixa de ses yeux bleus en lui souriant gaiement. En cet instant, Andy su que c'était la femme de sa vie, bien que dans le fond, il n'en avait jamais douté.
Il avança le film de quelques minutes pour passer le sermon du maire jusqu'à l'instant où celui-ci posa la question fatidique à Ellie : « Voulez-vous prendre Monsieur Baldorf, ici présent, pour époux légitime ? » Avec un petit sourire en coin moqueur qui voulait dire « qu'est-ce qu'il se passerait si je répondais non ? » Ellie prononça les mots : « Je le veux. »
Les deux jeunes mariés signèrent leur contrat, et, avant même que le maire n'ait pu prononcer la fameuse phrase : « Vous pouvez embrasser la mariée. », Ellie souleva son voile et Andy déposa un doux baiser sur les lèvres de sa bien-aimée, un simple baiser qui cèlera leur amour à jamais.
Le film s'arrêta, Andy rembobina et repassa cette scène en boucle avant de laisser la fatigue le gagner à nouveau. L'horloge du lecteur DVD indiquait 3h30. Il était temps d'aller dormir, encore.
Le canapé était loin d'être inconfortable, mais il préférait retrouver sa chambre et son lit, parce que c'était là qu'elle se trouvait, la présence d'Ellie.
Il se leva, attrapa au passage son assiette de poulet et se dirigea vers la cuisine afin d'y mettre les restes au frigo. Tout y est propre et rangé, à l'exception d'un unique petit papier plié, posé sur la table. Attiré et intrigué, Andy déposa nonchalamment son assiette dans le réfrigérateur, laissa la porte se refermer d'elle-même et s'approcha du morceau de papier en question. C'était sûrement Jude qui lui avait laissé un mot.
Le papier était plié en plusieurs parties, et, à l'exception d'un bout de phrase manuscrite qui en dépassait, rien n'était écrit dessus. C'était comme si on avait voulu dissimuler le début de la phrase, comme si...
Andrew saisit précipitamment le papier, craignant sans doute qu'il disparaisse avant qu'il ne puisse s'en saisir. Il l'observa de plus près, sous toutes les coutures, sans le déplier pour autant.
Au terme de quelques minutes, il en fut certain : l'écriture n'était pas celle de Jude. Il garda le papier intact, pourtant, les seuls mots apparents n'avaient ni queue ni tête lorsqu'ils étaient lus hors de leur contexte. « pour aller... » Voilà tout ce qui était écrit sur la partie visible.
Alors, Andy lève ses yeux remplis de larmes au ciel, et demanda :
- Ellie ? C'est toi ?