6. Désir de duel.

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Il était 4h du matin. Ou peut-être 5h. Gabriel n'en savait rien.

Les militants étaient enfin rentrés chez eux, Fanny et Maxime s'étant assuré que tout le monde était bien reparti et bientôt, il ne resta qu'eux trois dans l'immense loge du QG de Renaissance.

— Monsieur le Président, murmura Fanny en se tournant vers lui, la gorge serrée par l'émotion.

— On...On a réussi, parvint à articuler Gabriel, la main plaquée sur sa bouche, les yeux embués de larmes.

Il n'en revenait toujours pas et eux non plus.

Aussitôt, les trois amis tombèrent dans les bras et la pression qui s'était accumulée sur eux depuis l'annonce de la démission d'Emmanuel Macron s'évanouit en une simple étreinte.

Gabriel ne put retenir de longs sanglots de soulagement et de joie.

Toutes ces années à trimer en silence, à courber l'échine face aux vieux politicards qui ne rataient jamais une occasion de lui rappeler que sa place était en bas de l'échelle, tous ces conseils des ministres à tenter de s'imposer, malgré les tentatives de déstabilisation de ses collègues...Gabriel avait réussi.

Malgré le cadeau empoisonné du Président, malgré tous les pièges qui lui avaient tendus les autres, furieux de se voir voler cette place tant rêvée, Gabriel avait réussi.

Et toc, dans les dents ! À tous ceux qui lui avaient dit qu'il était trop jeune, pas assez expérimenté, trop sûr de lui, trop riche, trop bourgeois, trop « TikTok », trop laxiste, trop tout ! Il leur avait mis trois longueurs dans la figure et ils devaient s'en mordre les doigts !

C'était ça que ça faisait alors...l'adrénaline à haute dose dans les veines, cette sensation de plénitude, de liberté, toutes ces émotions qui lui remontaient des pieds jusqu'à la tête, lui faisant voir mille et une étoiles, comme si le monde n'avait jamais été aussi beau.

Il en avait tant rêvé de ce moment, de cet instant où il pourrait laisser son corps parler à sa place. Depuis des années, il voyait des victoires éclatantes aller à d'autres : l'élection de Macron, la victoire de Jordan aux européennes, celle du NFP aux législatives. Il n'avait jamais réellement goûté à la sienne et maintenant si.

Oh, qu'elle était délicieuse cette victoire.

Lorsque les résultats étaient arrivés, ça avait été un véritable boucan dans la salle. Gabriel avait fondu en larmes, ses colistiers aussi et la foule en face d'eux n'en menait pas large non plus.

Il avait flanché un nombre incalculable de fois, rattrapé par ses douloureuses crises d'anxiété, par ses cauchemars la nuit qui ne le quittaient jamais, par ses maux de ventre quotidiens et violents. Il avait même cru s'évanouir de panique avant le débat du second tour face à Marine Le Pen.

À 55%, Gabriel Attal était devenu le plus jeune Président de la République, volant le titre à un certain Emmanuel Macron, comme un doigt d'honneur envoyé à son ancien mentor, dont il se félicitait.

Lui qui voulait garder tous les records, Gabriel venait les lui reprendre un par un ! Quel dommage ! Une prochaine fois, peut-être. 

Après un discours où il dû parfois s'y reprendre à trois fois pour prononcer ses phrases tant l'émotion lui avait retourné l'estomac et où il discernait mal les mots sur sa feuille, gêné par ses yeux brouillés de larmes d'émotion, Gabriel était resté des heures dans la foule. Avec ses militants, ses soutiens de la première heure, avec les Français.

Depuis 20h, il était entouré de toutes parts, accosté, félicité, embrassé.

A 4h45 du matin, il était temps d'y mettre un terme et de songer à prendre quelques heures de sommeil. Gabriel avait encore beaucoup de choses à faire — réactions dans les médias, planification de la passation de pouvoir, organisation de nouvelles législatives (évidemment, ça allait de paire avec la présidentielle).

PARADOXE [Jordan Bardella & Gabriel Attal]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant