10. Marche ou crève.

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Le point positif avec le fait d'avoir été nommé Premier ministre — en dehors du fait de l'être et de mener près de 350 députés pour un joli salaire et un palais pas trop mal à sa disposition, c'était que Jordan n'avait plus besoin de se traîner jusqu'au QG du Rassemblement National dans le 16e. Ça tombait bien, il détestait cet endroit, il l'avait toujours dit.

Cette fois, personne n'allait pouvoir lui reprocher de revenir sur ses positions !

Avec ses immenses couloirs blancs et froids, les portraits sans vie sur les murs, les journalistes constamment en bas à la porte, à sauter sur le moindre salarié qui oserait s'approcher d'un peu trop près, bref, Jordan n'aimait pas le QG. Surtout que c'était là-bas qu'il avait vécu ses plus grandes défaites, les législatives de juin dernier en tête.

Alors, lorsqu'il fallut faire une réunion avec le gros des cadres du parti, ce fut tout naturellement que Jordan la programma ici, à Matignon. De toute façon, ses députés passaient de temps à autre ici — soit pour se plaindre, soit pour proposer des tactiques plus que minables, soit pour tout simplement profiter de la vue.

Certains députés se reposaient franchement sur leurs salaires et se baladaient un peu partout, cherchant vainement à s'occuper.

Puis, ceux qui n'étaient jamais venus étaient ravis de pouvoir y mettre les pieds. Le moral du parti était au plus haut et tous vivaient littéralement sur un petit nuage. Pour le moment.

— Comment va notre Premier ministre préféré ?

— Marine ! Comment allez-vous ? fit Jordan dans un grand sourire. Il se leva et embrassa la blonde qui venait d'arriver.

Il ne prit pas la peine de répondre à la question, déjà parce qu'il n'allait pas vraiment bien et qu'il n'avait pas du tout envie de rentrer dans les détails et ensuite parce que le lieu ne prêtait pas à ce genre de confidences, là où la moindre oreille mal intentionnée pouvait les surprendre.

Non pas qu'il comptait tout raconter mais le simple fait de dire "non, ça ne va pas fort" pouvait faire la une des tabloïds dans l'heure...Et ça, Jordan s'en passerait bien.

Et pourquoi ça n'allait pas fort ? Oh et bien...Disons que les montagnes russes avec, par exemple, le Président de la République commençaient à l'agacer. L'agacer seulement, tu dis ?

En ce moment, Marine et lui n'arrivaient pas à se croiser. Entre sa nomination, Volta dans les pattes (ça, il ne l'avait pas prévu), des réunions interminables et son discours de politique générale, ils n'avaient pas eu suffisamment de temps pour faire un point, du moins en face à face.

Sa mentor continuait à être présidente du groupe à l'Assemblée nationale mais la situation n'était pas optimale et ils le savaient tous les deux.

Auparavant, quand Jordan était au Parlement européen et Marine toujours à l'Assemblée, ce tandem leur permettait d'avoir la main mise sur les deux assemblées les plus importantes de la scène politique européenne, de quoi consolider cette image de duo inébranlable. Pour Jordan, ça sentait désormais le roussi, il en avait l'intime conviction.

Maintenant que les deux étaient réunis au même endroit, ils allaient se marcher dessus et plus personne n'était au Parlement européen.

Qui envoyer ? Chenu ? Vous rigolez ! Le type ne passe pas un plateau TV sans raconter une connerie.

Jordan lui en voulait beaucoup pour cette histoire de bi-nationaux. Ce crétin avait balancé sur le service public que le RN voulait interdire la bi-nationalité et qu'il faudrait que chaque Français choisisse. Quel con, non, vraiment !

PARADOXE [Jordan Bardella & Gabriel Attal]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant