4. Gabriel Bardella.

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Les lumières qui tremblent, le froid qui emplit la pièce, les visages qui se serrent.

Des techniciens, leurs casques enfoncés sur le crâne, les sourcils froncés. Les assistants de production, le nez sur leur téléphone, les cernes jusqu'aux joues. Les journalistes, l'air soucieux et concentré, remettant leurs fiches en place.

Inspire, expire. Inspire, expire. Tu ne montes pas sur scène mais c'est tout comme. Inspire, expire. Voilà, c'est bien.

Jordan n'avait jamais été un grand anxieux — du moins, il savait très bien le cacher, mais il ne pouvait pas s'empêcher de trembler un peu.

Adrénaline ? Sans doute. Peur ? Assurément.

Quatre jours.

Ça faisait quatre jours que le Président avait lâché sa bombe pendant le 20h de France 2. Même les journalistes n'avaient pas pu aligner trois mots après qu'il ait rendu l'antenne, c'était pour dire ! Eux qui adoraient avoir le mot de la fin, ils étaient restés bouche-bée, les bras ballants !

Si la nouvelle de cette démission avait fuité très largement au sein du RN et de la macronie, peu de journalistes en avaient été informés en amont. Tiens donc ! Les arroseurs auraient-ils été arrosés ?

Qui, au sein de Renaissance, aurait bien pu annoncer comme ça, de but en blanc, « tiens, au fait, notre Président jette l'éponge ! Sinon, ça va tes enfants ? »

Puis au RN ? Comment leur dire « d'ailleurs, Macron nous a annoncé en premier sa décision. Est-ce qu'il faut y voir quelque chose, je ne sais pas. On va au restaurant ce midi ? »

Non, bien sûr que non. Les deux camps avaient profité du peu de temps devant eux pour rassembler leurs troupes et s'élancer déjà en campagne. La gauche se doutait de quelque chose, alors elle se préparait aussi.

Puis, quelques traîtres de macronistes avaient fini par vendre la mèche au dernier moment, alors ça avait été une surprise mesurée chez eux. Ils avaient sorti leurs plus beaux masques d'indignation et avaient tout de suite crié au complot. Ah, Macron Démission oui, mais que si c'est la gauche qui le fait chuter !

Les Français, eux, étaient sous le choc. Bien sûr, ils détestaient Macron et n'attendaient qu'une chose : qu'il se barre ! Qu'il emmène McKinsey et compagnie et qu'il aille voir ailleurs ! Mais là, en pleines vacances, non c'était quelque chose. Même lorsqu'ils profitaient des derniers rayons de soleil et des infimes heures restantes sans subir le métro-boulot-dodo, Macron venait leur casser les pieds. Non, vivement qu'il dégage !

Cependant, que le Président démissionne à trois jours seulement de la rentrée, quelques mois à peine avant le budget...C'était improbable, insensé et dangereux.

Jordan se revoyait dire au Président que c'était terriblement dangereux. Emmanuel avait rigolé. Un rire grave, cynique, moqueur. Puis il leur avait dit de sortir, que l'entretien était terminé et ils avaient été raccompagnés à la sortie par un Alexis Kohler visiblement tendu.

Alors, ils en étaient là.

Après des jours épouvantables, des journalistes qui faisaient le pied de grue devant le QG du RN dans l'espoir de capter quelque chose — ils avaient remarqué que la fourmilière s'agitait mais sans trop savoir pourquoi, des députés qui revenaient tous de vacances en urgence, des heures et des heures de réunion, ils étaient là.

Très exactement 10 minutes avant la première interview de Marine Le Pen, candidate à l'élection présidentielle de 2024.

Et très exactement 1h30 minutes avant celle de Gabriel Attal, candidat à l'élection présidentielle de 2024.

PARADOXE [Jordan Bardella & Gabriel Attal]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant