8. Grand Prix

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Un tout petit plus à gauche...voilà...Ce cadre-là, oui il est vraiment pas mal, si je le mets parallèle à celui-ci, trois centimètres à droite peut-être que ça ira...et mon tampon...

— Jordan ? Tu as cinq minutes ?

Une voix féminine l'interrompit brusquement mais il se refuse à quitter son bureau des yeux. Il était en train de tout agencer, merde ! Pile au moment où l'alignement cadre-photo-avec-Marine et sceau officiel du Premier ministre allait être parfait, au millimètre près. Tant pis, il ferait ça plus tard.

— Tu disais ? dit-il en relevant la tête. Maëlle se tenait dans l'encadrement de la porte, la mine soucieuse, de la paperasse plein les mains.

La jeune femme travaillait pour eux depuis des années et il l'avait naturellement promue au poste de directrice de cabinet du Premier ministre. Depuis sa nomination, elle ne dormait pas beaucoup et carburait au café. Il n'était pas rare qu'elle débarque en trombe dans son bureau lui réclamer quelque chose et repartir tout aussi vite.

— Le secrétaire d'Attal me demande si tu as eu le temps de te pencher sur la composition de ton gouvernement. Comme ça fait déjà deux jours, il voudrait que tu accélères.

Jordan soupira. Son gouvernement était en réalité prêt depuis le début, il ne faisait qu'effectuer de simples vérifications de dernières minutes mais juste pour la forme. Il attendait le bon moment pour le soumettre au Président et ce bon moment ne voulait pas arriver.

Président dont il n'avait toujours pas de nouvelles d'ailleurs, en dehors de celles relayées par la presse. Et qui, ô surprise, n'étaient pas très bonnes !

« Un Président isolé à l'Élysée », « Attal encerclé par les cavaliers du RN », « Un quinquennat sous pavillon RN pour Gabriel Attal ? »

Si Jordan s'était en premier lieu délecté des titres que lui offraient les quotidiens, habituellement hostiles à son égard, il n'avait pas pu s'empêcher de repenser à leur dernière altercation — parce que c'en avait été une, même s'il n'avait rien vu venir de prime abord ! Rien vu et rien compris d'ailleurs !

L'autre soir, Gabriel s'était presque enfui de la terrasse de Matignon, agacé, énervé et blessé, au fond. Jordan avait pu apercevoir cet éclair de douleur dans les yeux du Président avant qu'il ne le chasse en faisant demi-tour. Il avait presque hésité à le suivre pour lui tirer les vers du nez mais il savait qu'Attal se refuserait à tout commentaire de plus — en dehors d'une ou deux insultes sous-entendues — ou pas.

Le Premier ministre avait alors vidé sa coupe de champagne, seul, avant de remettre la bouteille de côté, complètement dépassé par ses réactions. Peut-être auraient-ils l'occasion de la terminer un jour ou l'autre...ou pas.

Force est de constater que son départ précipité l'avait quelque peu...blessé.

Ils ne s'étaient pas reparlés depuis, laissant libre cours à leurs cabinets respectifs, qui se débrouillaient très bien, pour se transmettre les informations importantes. La cohabitation commençait bien...Non ?

— Ma liste est prête, je peux aller lui présenter quand il veut.

— Ah parfait, tu peux me la donner ? Maëlle passa une main dans ses cheveux désordonnés.

Une semaine de travail seulement et elle avait déjà l'impression d'avoir perdu 40 ans d'espérance de vie entre le café, le boulot, les RedBull, le boulot, les cafés, le boulot...Bienvenue en politique ! Pensez à oublier la signification du mot dormir quand vous être embauchés, cette notion n'existe plus !

PARADOXE [Jordan Bardella & Gabriel Attal]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant