PRÉLUDE

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Dans les landes brumeuses de Northumberland, où le ciel se confond souvent avec la terre, se dresse un manoir vieux de plusieurs siècles, témoin silencieux des secrets enfouis sous ses voûtes. Blackwood, tel est son nom, s’impose comme un monolithe, ses murs de pierre sombre porteurs d'histoires oubliées et de murmures anciens. Les fenêtres, hautes et étroites, laissent passer une lumière diffuse, mais l’obscurité semble toujours prête à reprendre ses droits, créant une atmosphère de mystère, voire de mysticisme. Le manoir, bien qu’imposant, évoque une mélancolie palpable, une solitude qui s’étend à perte de vue, semblable à la brume qui enveloppe les champs alentour.

Les couloirs, vastes et silencieux, sont ornés de portraits ancestraux dont les yeux, bien que peints, semblent suivre quiconque ose se déplacer. Dans cette demeure, le temps semble figé, comme si les heures s’étiraient, perdant leur sens sous le poids des traditions et des secrets qui pèsent sur chaque pierre. Les ombres dansent au gré des chandelles, projetant des formes étranges sur les murs, laissant planer un sentiment d’étrangeté, d’inconnu. L’écho des pas résonne comme un battement de cœur, une pulsation silencieuse de la vie qui perdure dans ce lieu chargé d’histoires.

C’est ici que Mary Katherine, une jeune femme pleine de vitalité, a commencé son service en tant que domestique. Aînée de sa fratrie, elle a appris dès son plus jeune âge à assumer des responsabilités, à veiller sur ses deux petits frères avec une ferveur inébranlable. Son sourire chaleureux et son esprit alerte apportent une touche de lumière à l'atmosphère parfois pesante du manoir. Pourtant, derrière sa jovialité se cache une curiosité insatiable, une soif de connaissance qui la pousse à explorer les recoins inexplorés de Blackwood.

Dès son premier jour, Mary se rend compte que ce n’est pas une simple maison qu’elle sert, mais un sanctuaire de mystères. Alors qu’elle s’installe dans son nouveau rôle, elle ne peut ignorer la présence du comte Alaric Blackwood. Celui-ci est un homme dont la réputation précède ses pas, une légende vivante qui fait vibrer le manoir de son aura mystérieuse. Mais le comte est aussi une ombre, un être qui semble s’éclipser dans la pénombre des salles sombres. À chaque rencontre fugace, Mary ne peut s’empêcher de sentir une tension palpable, une force qui semble émaner de lui tout en l’éloignant des autres. Ses traits, bien qu’inaccessibles, portent les marques d’un tourment, d’un passé chargé de douleurs qu’il cache farouchement.

Les nuits au manoir sont à la fois fascinantes et inquiétantes. Alors que Mary s’active dans les couloirs, les bruits de la maison résonnent d’une manière particulière, comme si le manoir lui-même respirait et gémissait sous le poids de ses secrets. Parfois, elle se surprend à l’écouter, à saisir les murmures des murs et le souffle de l’air qui passe, comme si chaque frémissement était un écho d’histoires passées. Elle a souvent l’impression que les ombres murmurent des confidences à ceux qui savent écouter. Les veillées, lorsque le comte s’approche des fenêtres, songeant à une lune inaccessible, sont marquées par un silence troublant qui n’appartient qu’à lui. Mary sent en elle un désir grandissant de comprendre cet homme, de percer le mystère qui l’entoure.

Au fur et à mesure des jours, Mary devient témoin d’une danse silencieuse entre lumière et obscurité. Alaric Blackwood, avec sa stature imposante et son allure énigmatique, hante ses pensées. La dualité de son existence, à la fois captivante et effrayante, intrigue la jeune femme. Elle le voit s’agiter dans ses réflexions, souvent plongé dans une tristesse profonde qu’elle ne peut comprendre. Ses gestes sont parfois brusques, et un frisson parcourt l’échine de Mary lorsqu’elle surprend un éclair de douleur sur son visage. Ce sont des moments fugaces, des aperçus d’une vérité qu’elle sait trop douloureuse pour être révélée.

Au fur et à mesure que les semaines passent, les mystères de Blackwood se dévoilent lentement. Mary commence à remarquer des détails qui lui échappaient auparavant : les livres anciens qui s’accumulent dans la bibliothèque, traitant de sujets ésotériques ; les herbes médicinales soigneusement disposées dans des bocaux en verre, témoignant d’un savoir ancien que le comte semble maîtriser. Son esprit curieux l’entraîne à s’intéresser à ces connaissances occultes, à explorer les limites de son propre savoir. Elle se trouve enchevêtrée dans un jeu de découvertes, sa passion pour l’apothicairerie s’éveillant lentement.

LE COMTE BLACKWOODOù les histoires vivent. Découvrez maintenant