Les Chroniques de Castelmance, Tome 1 : L'Ombre du Loup

Prologue : La Marche des Ombres

Au cœur des forêts de Castelmance, loin des villages endormis et des routes battues, un homme marchait seul. Vêtu de sombre, une silhouette austère et résolue, il semblait appartenir à ces bois denses et impénétrables, comme un fantôme d'un autre temps. Cet homme, Arthus de Vallombreux, avait autrefois porté un titre que peu de gens osaient défier. Ses bras avaient autrefois défendu un royaume, et son cœur, bien qu'empreint de fer et de silence, s'était un jour donné à un souverain.

Mais ce passé semblait lointain désormais, égaré quelque part entre l'ombre d'un serment brisé et le souvenir d'un roi déchu. Il avait été fidèle à Aymon II de Montroy, celui qu'on nommait le Sage. Bien au-delà de l'allégeance d'un simple chevalier, Arthus avait voué à cet homme une dévotion profonde et secrète, presque filiale, comme si, en lui, il avait trouvé un père d'armes et d'esprit. L'amitié entre eux avait été scellée dans les recoins sombres de Castelmance, entre murmures de complots et vérités indicibles.

Depuis la chute de son roi, Arthus était devenu un homme sans boussole, un soldat sans royaume. Son honneur, jadis brillant comme la lame qu'il portait, s'effritait désormais comme de vieilles pierres rongées par le vent. Désormais, il offrait sa lame aux quêtes les plus sombres, aux missions que nul autre ne souhaitait entreprendre. C'était là tout ce qui lui restait, cette routine de fer et de sang, un équilibre fragile sur le fil d'un code d'honneur qui s'effilochait avec le temps.

La nuit était tombée, lourde et silencieuse, enveloppant Arthus dans une obscurité familière, presque apaisante. Ce n'était pas la peur qui habitait ces lieux, mais une sorte de fatalité, une certitude ancienne que même les arbres semblaient porter dans leurs branches noueuses. Arthus marchait, porté par une force obscure, une sorte de devoir ou d'appel qu'il ne comprenait plus vraiment. Peut-être cherchait-il encore quelque vestige de l'honneur perdu, ou bien espérait-il, sans s'en rendre compte, retrouver une trace de ce qu'il avait été.

Car malgré ses combats, malgré l'errance et la solitude, Arthus n'avait pas oublié les légendes. Il les avait entendues enfant, sur les lèvres des anciens, dans les chants du peuple. Et même s'il en avait traversé bien des mystères, il y avait toujours en lui cette part d'inconnu, une fissure dans son cœur de pierre, un endroit où les ombres s'infiltraient sans jamais disparaître.

Ainsi, tandis qu'il s'enfonçait dans la nuit, Arthus de Vallombreux avançait, sans but clair, mais avec une résolution aveugle, comme poussé par une force qui le dépassait. Son destin, invisiblement lié aux secrets de Castelmance, semblait prêt à le rattraper, dans un silence aussi profond que la forêt elle-même.