J’avais cru qu’il suffirait de suivre l’instinct du loup pour trouver la clairière. Pourtant, chaque pas semblait m’entraîner dans des ténèbres plus épaisses, des recoins plus denses où l’air se faisait pesant et les murmures de la forêt plus pressants, presque menaçants. Ce n’était plus simplement un chemin. C’était une descente.L’air ici était saturé d’une odeur âcre, métallique, presque comme du fer chaud. Les feuilles mortes craquaient sous mes bottes, et pourtant un silence m’étreignait, un silence qui semblait engloutir même le bruissement le plus infime. Je devinais que quelque chose se cachait là, tapi dans l’ombre. Peut-être était-ce ce même sentiment de malaise qui étreignait le loup, cette ancienne terreur enfouie que ni lui ni moi ne pouvions expliquer.
La clairière m’apparut soudain, comme une clairière que l’on aurait arrachée de force au cœur de la forêt, comme une plaie ouverte. Les arbres autour semblaient penchés vers elle, les branches torses, comme attirés malgré eux par cet espace dégagé, ce cercle tracé par les pierres noires.
Chaque pierre, haute, sombre et tranchante, semblait poser sur moi un regard immuable. Je m’avançai, hésitant, et mes pas me conduisirent naturellement au centre, où le sol était étrangement nu, sans aucune herbe. Juste une terre battue et froide, que même la lumière de la lune n’arrivait pas à adoucir. Je ne sais pas pourquoi, mais une sensation glaçante monta en moi. Un avertissement, peut-être. Ou une invitation silencieuse à aller plus loin dans l’obscurité.
Mes doigts glissèrent sur le médaillon que j’avais autrefois reçu de mon roi. Une sensation de chaleur, fugace, m’apporta un souvenir, un rappel de la lumière qu’il avait un jour représentée. Mais ce réconfort ne dura qu’un instant avant que l’obscurité ne se referme à nouveau sur moi. Je chuchotai une prière pour apaiser mon esprit, mais le silence se fit encore plus lourd.
C’est alors que je vis. Là, gravée dans la pierre centrale de la clairière, se trouvait une inscription. Une ancienne langue, que j’avais vaguement reconnue dans les anciens parchemins mystiques du roi. Avec une attention minutieuse, je déchiffrai les mots, les syllabes d’un autre âge : "Ceux qui prennent la forme du loup abandonnent leurs chaînes d’homme, pour renaître parmi les leurs."
Un frisson me parcourut. Parmi les leurs. Ces mots réveillèrent en moi une intuition, ou plutôt un doute profond : n’étais-je pas seul dans cette malédiction ? Y avait-il d’autres créatures tapies dans l’ombre, rôdant peut-être même autour de moi en ce moment, et m’attendant pour compléter une meute inconnue ?
Soudain, un craquement résonna dans l’obscurité. Mon instinct s’aiguisa, et je me tendis, prêt à riposter. Ce bruit n’était pas celui d’un animal. C’était un pas. Un pas humain. Je fis volte-face, mes doigts effleurant la garde de mon épée, scrutant les ombres qui m’encerclaient.
"Qui est là ?" ma voix résonna, brisant le silence oppressant de la clairière.
Une silhouette se dessina à la lisière des arbres, indécise, presque évanescente. Je plissai les yeux, et la lumière de la lune révéla un visage partiellement dissimulé dans un capuchon sombre. Ce visage, je l’aurais reconnu entre mille. Maelric de Luminore, le vieux sorcier du roi. Il n’avait rien d’amical dans son regard ; ses yeux, fixes, semblaient peser chacun de mes gestes, chacun de mes doutes.
"Te voici enfin, Arthus," murmura-t-il, d’une voix douce mais inflexible.
Ce qu’il dit ensuite me glaça le sang.
Arthus de Vallombreux
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Les Chroniques de Castelmance, Tome 1 : L'Ombre du Loup
FantasyDans un royaume déchu, Arthus de Vallombreux, chevalier solitaire, erre à la recherche d'un sens à sa vie après la chute de son roi. À travers les pages de son journal, il témoigne de ses luttes intérieures et de sa transformation brutale lors d'une...