Entrée n°4 - Nuit de la Pleine Lune

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Il y a des secrets que l'on ne découvre qu'en payant le prix de soi-même.

Maelric m'a parlé du miroir de l'âme en des termes chargés de mystère, le présentant comme une épreuve périlleuse, rarement tentée, même par ceux qui pratiquent les arts anciens. « Ce miroir, m'a-t-il dit, ne se reflète pas dans les eaux, ni dans le verre, mais dans la chair et dans l'esprit. » Un vieux rituel, si ancien qu'il se chuchote encore parmi les plus vieux récits des arcanes. Une chance, m'a-t-il assuré, d'entrevoir la racine des ténèbres qui me rongent.

J'ai accepté sans hésiter. Ce loup en moi, cet être qui vit en parallèle de mon âme, je dois le comprendre ou le repousser. La lame est toujours affûtée, mais l'âme, elle, n'est plus qu'un labyrinthe de morceaux éparpillés, où chaque battement résonne comme une question sans réponse. Je ne puis rester là, immobile, à me perdre dans ces ténèbres sans en trouver la clé.

Le rituel a commencé. Maelric a dessiné des cercles sur le sol de terre battue, y ajoutant des symboles gravés par l'usage et l'usure. Il m'a demandé de m'agenouiller en son centre, les mains ouvertes, et de fixer un point imaginaire devant moi, dans le vide où mon âme devait bientôt plonger. La lueur tremblante des chandelles projetait des ombres autour de nous, et chaque ombre semblait murmurer quelque chose que je ne pouvais saisir.

Lorsque Maelric a prononcé les paroles anciennes, un froid étrange m'a envahi, un souffle glacé, comme si une main invisible m'arrachait des fragments d'âme. Une brume épaisse s'est formée autour de moi, et dans cette brume, une silhouette est apparue. Un loup. Il me fixait, immense, l'œil perçant et l'attitude fière, presque insolente. Je ne pouvais que le regarder, fasciné et terrifié.

Puis, les visions se sont succédé. Des souvenirs, éparpillés comme des pièces d'un puzzle oublié, flottaient dans cette brume. Un arbre tordu sous la lumière de la lune. Un ruisseau scintillant, bordé de pierres noires. La silhouette d'une clairière, que je n'avais jamais vue, mais qui me semblait étrangement familière.

Quand tout s'est évanoui, j'étais à terre, épuisé, les mains tremblantes. Maelric se tenait à mes côtés, silencieux. Il n'a rien dit, comme s'il savait qu'aucun mot ne saurait capturer ce qui venait de se produire. Mais dans mon esprit, cette clairière continuait d'émerger, insistante, comme une invitation. Un appel d'une ancienne mémoire que je ne possédais pas encore.

Dans cette clairière, je le sens, des réponses m'attendent. Je devrai la trouver. Que le loup, en moi ou ailleurs, m'y guide.

Arthus de Vallombreux

Les Chroniques de Castelmance, Tome 1 : L'Ombre du LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant