CHAPITRE 38

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LANDON

Trip dépose Joshua dans l'un des bureaux à l'étage du club. Je crois que nous n'avons encore jamais été autant sous pression. 
Je suis resté près de Joshua pendant le trajet en voitures sur la banquette arrière, alors que Trip a grillé tous les feux rouges, les panneaux stop et les sens interdits de la ville. 

Les gars qui accompagnaient Trip ont, quant à eux, fait le ménage au cinéma. À vrai dire, je m'en fiche. Tout ce qui m'importe, c'est Joshua, qui est mourant juste en face de moi. 

Lorsque nous avons traversé le club, tous les clients se sont retournés sur notre passage. Nous sommes du bon côté : ils sont habitués à voir des choses étranges. La règle d'or côté salon, c'est la confidentialité. 
J'espère tout de même qu'on n'a pas trop attiré l'attention. 

Joshua gémit de douleur sur le bureau. C'est une bonne chose : il est conscient. Avec l'aide d'un ciseau, je découpe son tee-shirt pour mieux observer ses plaies : une à l'abdomen, une à l'épaule et une légère à la tête, mais elle est superficielle. 

J'observe celle à l'abdomen en premier. La balle l'a traversée. C'est bon signe, mais sa plaie saigne beaucoup ; je dois arrêter l'hémorragie. Je regarde ensuite son épaule. La plaie est plus petite, moins profonde ; je peux attendre un peu pour m'en occuper. La priorité, c'est son abdomen. 
Trip, qui était parti, revient avec du matériel médical. Il est essoufflé, et je peux entendre son cœur battre jusqu'ici. 
Nous sommes tous les deux remplis d'adrénaline et d'anxiété. Mais on doit rester concentrés. 

— Tu as besoin d'aide ? s'exclame-t-il. 

J'hoche la tête et lui tends des compresses. 

— Appuie ça contre son épaule, je vais m'occuper de son ventre en premier. 

Trip ne perd pas une seconde et exécute mon ordre. 

La balle est passée au niveau de l'aine, légèrement en dessous de l'abdomen. Elle n'a pas touché d'organe vital. En revanche, elle a frôlé l'artère fémorale, et ça, c'est pas bon du tout. 
Je dois réaliser une suture directe, c'est-à-dire faire quatre à six points de suture. Dans un cas d'urgence, je ne devrais pas faire cette technique, mais je n'ai pas eu l'occasion d'expérimenter les autres, et je ne veux pas que Joshua soit mon cobaye. 

Je saisis une pince pour écarter les muscles afin de bien atteindre l'artère. Joshua se met à hurler, un cri strident qui crispe tous les muscles de mon corps, à tel point que j'en exprime une grimace de culpabilité et de souffrance. 

— C'est pour ton bien, c'est pour ton bien, chuchoté-je. 

J'essaie de rester concentré et attrape l'aiguille déjà reliée au fil. Mes mains tremblent. Je prends une grande inspiration, ferme les yeux et commence à faire le premier point sous les cris de Joshua qui bouge sa tête dans tous les sens. Il est cependant conscient de ce que je fais, puisqu'il essaie de ne pas bouger sa jambe. 

J'enchaîne les points de suture le plus rapidement possible, alors que Trip maintient une pression sur son épaule pour arrêter le saignement. 

J'ai l'impression de passer des heures et des heures à suturer sa plaie. Le temps est long, et ses cris me donne le tournis. Il a mal, et je ne peux rien faire pour l'aider. J'ai quelque chose pour l'endormir, mais ça serait prendre un trop gros risque. J'ai peur qu'il ne se réveille pas, alors je le laisse volontairement dans sa souffrance, et ça me déchire de l'intérieur. 
Ce que je fais est inhumain. 

Une fois l'artère suturée, j'attends quelques secondes. Elle ne fuit pas. Je nettoie la plaie, retire la pince et viens refermer les muscles autour, puis je termine par sa peau. Je répète en boucle mes actions : nettoyer, écarter, suturer, nettoyer, suturer. J'ai peur de lui transmettre une infection ou d'avoir loupé quelque chose. 

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