i. tout commence avec la mer

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je ne rentre plus dans la mer
désormais je m'y jette
je cours je trébuche je cours et la mer vient à moi
elle vient car tu n'es pas là
la mer me cajole, dépose son sel sur mes joues et moi je la repousse
je lui hurle dessus
je la passe à tabac, la mer
si on apprenait ce que je fais à la mer je pense que l'on me tuerait
car sous l'eau je crie des insultes
et dans mes poumons c'est la mort qui résonne
cette idée même de la mort ; une noyade
je flotte tel un cadavre et je pense au reflet de tes yeux
de loin, je sais que l'on me prend pour un macchabé
c'est ce à quoi je ressemble lorsque j'ai de la nuit sous les ongles
et, même si personne ne me croit, je jure que je n'ai pas fait exprès de noircir l'écume de ma rage
il y a bien longtemps que je ne nage plus en mer
pour cause, cette parole que l'on laisse errer sur les morts, toujours
alors je déploie ma colère et les vagues rugissent là où ma voix se casse
— je laisse mon corps rugir là où les vagues se cassent
lorsque je sors de l'eau je constate que je saigne
c'est quelque chose qui arrive presqu'à chaque fois, les coupures sur les rochers
dans l'iode l'odeur du sang s'évapore s'évanouit n'a jamais existé
une nuit, j'ai rêvé que je me noyais dans une marée de sang
le rouge s'infiltrait jusque sous mes orbites et dans mes sinus
pourtant je ne pleurais pas
c'était une disparition dans le rouge, sous le poids écrasant, assommant du rouge

— un amas de rouge

voilà ce qu'est la mer parfois
je tombe dedans comme d'autres se jettent d'une falaise
et lorsque je me relève je n'ai comme blessures des souvenirs et des traces de sel sur la peau

si je ferme les yeux assez fortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant