Pdv Clémence
L’air frais du matin filait par la fenêtre ouverte de ma voiture, mais je ne le sentais pas. Mon cœur battait si fort qu’il me semblait résonner dans mes oreilles. Emma, assise à côté de moi, lançait des regards furtifs dans ma direction, visiblement inquiète.
— « Ça va aller ? » me demanda-t-elle doucement.
Je hochai la tête sans répondre. Mais la vérité était que non, ça n’allait pas. Pas du tout.
Arrivées à l’hôpital, je fonçai presque vers la chambre de Milia, Emma à mes talons. Mais avant même d’ouvrir la porte, je tombai sur Juline. Son visage grave, son expression désolée, me figèrent sur place.
— « Juline, qu’est-ce qu’il se passe ? »
Elle baissa les yeux, incapable de répondre. Je n’attendis pas plus longtemps et ouvris la porte. Ce que je vis à l’intérieur me coupa le souffle.
Milia était assise sur son lit, un air confus sur le visage, tandis qu’Emma, les larmes aux yeux, la serrait dans ses bras. Une chaleur familière monta en moi, un mélange de jalousie, de douleur et d’inquiétude. Mais ce fut le regard de Milia qui me transperça.
Elle me fixa, son expression changeant brusquement. Quelque chose dans ses yeux… une absence, une distance.
— « Qui est cette femme ? » demanda-t-elle d’une voix étrangère.
Je reculai instinctivement, comme si ses mots m’avaient frappée physiquement.
— « Milia… » soufflai-je.
Avant que je ne puisse m’approcher davantage, Juline saisit mon bras, me tirant doucement en arrière.
— « Clémence, viens, je t’explique… » murmura-t-elle.
Mais je ne voulais pas bouger. Mon cœur hurlait pour rester, pour comprendre. Pourtant, je la suivis, incapable d’affronter cette situation.
Dans le couloir, devant l’ascenseur, je me retournai brusquement. Juline s’arrêta net, surprise.
— « Alors, c’est ça, le problème dont je ne devais pas m’inquiéter, hein ? » lançai-je, ma voix tremblante de colère et de douleur.
Elle ouvrit la bouche pour parler, mais aucun mot ne sortit. Ses yeux en disaient long.
— « Je n’ai pas besoin de ton silence, Juline ! » craquai-je avant de tourner les talons et de partir en trombe.
Je conduisais comme un automate, les larmes brouillant ma vue. Je manquai de peu trois accidents, freinant brusquement à chaque fois. Je voulais hurler, frapper quelque chose, mais je me contentais de pleurer, mes mains crispées sur le volant.
Lorsque j’arrivai à la colocation, Lucas m’attendait sur le pas de la porte.
— « Clémence, qu’est-ce qu’il y a ? » demanda-t-il, inquiet, en s’avançant vers moi.
Je repoussai son étreinte avec une violence qui me surprit moi-même et montai directement dans ma chambre, claquant la porte derrière moi.
Je verrouillai la porte et m’assis dans un coin, les genoux repliés contre ma poitrine. Pourquoi cela me faisait-il si mal ? Pourquoi la perte des souvenirs de Milia, de mes souvenirs, m’affectait-elle autant ?
Je restai là, immobile, les larmes silencieuses coulant sur mes joues.
Un souvenir remonta à la surface, presque contre ma volonté.
Flashback
C’était mon premier jour en équipe nationale. J’avais 21 ans, pleine d’ambition et d’adrénaline. Mais parmi toutes ces femmes talentueuses, une seule avait retenu mon attention : une défenseuse expérimentée aux cheveux blonds courts et au regard perçant. Elle semblait plus âgée que les autres et portait des cicatrices sur ses bras.
Christiane.
Nous nous étions rapprochées rapidement. Elle était vive, pleine d’esprit et d’une honnêteté brute. Elle parlait souvent de sa fille, Milia, avec une tendresse infinie.
Quelques mois plus tard, notre amitié s’était transformée en quelque chose de plus profond, une sorte de connexion inexplicable. Mais Christiane avait ses secrets, ses douleurs enfouies. Un jour, elle m’avait avoué que son mari était violent, et qu’elle s’inquiétait constamment pour Milia, laissée seule trop souvent.
Puis le choc. La nouvelle de sa mort. Et celle de son mari arrêter pour violences conjugales.
Elle s’était éteinte subitement, laissant derrière elle une fille orpheline et un vide béant dans ma vie. Ce fut peu après que je me blessai gravement, mettant fin à ma carrière en nationale.
Je revis ce jour où j’avais rencontré Milia pour la première fois, quelques mois après la mort de Christiane. Une fille provocatrice et timide, qui avait hérité du sourire éclatant de sa mère.
Retour au présent
Un coup sec contre ma porte me tira de mes pensées.
— « Clémence, ouvre, c’est moi. »
La voix de Juline.
Je ne répondis pas, espérant qu’elle partirait. Mais elle continua à frapper doucement, insistant avec patience.
— « Je ne partirai pas tant que tu n’ouvriras pas. »
À contrecœur, je déverrouillai la porte. Dès que je l’ouvris, Juline me prit dans ses bras, et je m’effondrai contre elle, incapable de retenir mes sanglots.
— « Pourquoi ça me fait autant de mal, Juline ? Pourquoi… » murmurais-je entre deux pleurs.
Elle ne répondit pas, se contentant de me serrer plus fort.
Après un moment, elle murmura doucement :
— « Clémence… tu as des sentiments pour elle, pas vrai ? »
Je relevai les yeux, croisant son regard, et lui répondis d’une voix brisée :
— « Oui… Mais je les tairai jusqu’au dernier. »
Juline recula légèrement, figée. Sa déception était palpable, mais elle ne dit rien.
Nous restâmes ainsi, silencieuses, dans un mélange de réconfort et de douleur partagée.
-----
À suivre....

VOUS LISEZ
Entre Deux Feux
RomanceDans une université américaine où la passion pour le sport et les ambitions académiques se croisent, Milia Mc Carter, une jeune étudiante italo-américaine de 19 ans, navigue entre ses études, ses responsabilités en tant que capitaine de l'équipe de...