Et Gershwin Dans Tout Ça ?

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Écrit le 1ème septembre 2024 (la veille de ma rentrée en prépa mdr)
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Et Gershwin, dans tout ça ?
Gershwin ne se sentait plus depuis longtemps. Mais avait-elle un jour été Gershwin ? En dehors d'elle-même, elle contemplait le monde vidé de sa substance, ressassant sans cesse : “Mais qu'est-ce qui est vraiment ?”. La réalité était tout autour d'elle, partout tout le temps, et pourtant elle avait l'air inaccessible. Était-ce possible de dépasser la réalité ? Dépasser l'instant présent ? Comment peut-on se sentir dépersonnifié, si ce sentiment en lui-même nous personnifie ?

On décrit dieu comme un être omniscient, mais en conséquent, n'est-il pas lui aussi dépossédé de lui-même ? Une conscience supérieure, un tout, un cosmos. On le dit transcendant, même dans son immanence, mais est-ce impossible d'expérimenter ne serait-ce qu'une partie de ses sens ? Dieu est depersonnifié, mais l’est-il autant que Gershwin, qui garde un goût amer de la réalité où se trouve son ego ? Elle, qui expérimente comme l'homme. Elle, que la conscience individualise absolument. Pour être dépersonnifié il faut avoir été personnifié avant.

On dit qu'un ego peut mourir, et pourtant cette mort est perçue. Bien qu'avec une lucidité profonde, elle est perçue individuellement. On peut sentir le cosmos, se sentir dans le cosmos, dépasser ce monde simple, ainsi que la futilité de notre individu. Mais peut-on expérimenter l'individualité après ça ? Comment être omniscient si on perd l'accès à notre ancienne conception ? Si on reste factuellement personnifié, mais qu'on est ailleurs, n'est-ce pas une forme de prison ?

Mais la prison de Gershwin était encore différente. Elle n'était pas comme Dieu. Pas parce que son individu, bien que dépassé, l'en empêchait dans l'absolu. Non. Cette individualité, elle l'avait comme dépassée, certes, mais sans élever sa conscience. La réalité se désagrégeait devant elle, impossible à toucher, elle se manifestait sans son essence habituelle, tandis que Gershwin, vulgaire spectatrice, n'était traversée par rien. Elle n'était pas plus lucide qu'avant, elle était comme morte.

Pas réellement morte, puisqu'elle voyait, marchait, agissait, se sentait agir. Mais morte quand même, à cause de ce détachement, et de cette brume mentale. Elle “se sentait agir “, oui, mais elle n'interprétait plus. Pourtant consciente, maîtresse de ses faits et gestes, rien n'était connoté. Les choses avaient un sens, ces sens la parcouraient puis partaient. Comme un système qui renvoie en sortie exactement ce qu'on a mis en entrée, sans rien influencer, que ce soit l'information qui l'a parcouru, ou le système lui-même. Et quoiqu'elle gardait une certaine mémoire de ce qui la traversait, elle y était indifférente. Ses souvenirs lui apparaissaient d'ailleurs comme son reflet, absolument vides, étrangers, ils ne lui appartenaient pas plus qu'ils appartenaient à qui que ce soit. Elle était à côté d'elle-même et tapait sur l'écran qui la séparait de ce sentiment d'être.

“Je pense donc je suis, d'accord, mais à quoi ça me sert de savoir ça si je ne ne me sens pas être ? Je fais l'expérience directe de ma conscience, privée de sentiments.”

Dieu, au moins, n'avait pas à subir d'être conscient comme un homme. Lui n'avait aucune réflexivité, aucune capacité à percevoir et se percevoir individuellement. Omniscient et aveugle. Il n'était pas forcé d'avoir conscience de son détachement. Conscience que la réalité est devant lui et qu'il est incapable de la sentir être. De se sentir être. Mais s'il est omniscient, alors Dieu sait qu'il est. Il sait qu'il est, mais il n'a pas de conscience réflexive qui l'individualise. En tant qu'homme, tout au plus on peut avoir l'illusion de ne faire qu'un avec le cosmos, mais on sera toujours prisonnier. Et sans cette impression d'être soi-même omniscient, comment se croire dépersonnifié ?

“Ce qui est est, et ce qui n'est pas n'est pas. Je sais que je suis, mais je ne le sens pas. Pourtant si je sais que je suis, je sens que je suis, non ? Ça me fait une belle jambe.“

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