Assise dans la cuisine, les mains serrant ma tasse de thé tiède, je fixais la porte du bureau de Caleb. Une lueur tamisée s'échappait de l'entrebâillement, découpant une fine ligne dorée dans le couloir baigné par la lumière vive de l'après-midi. Les murmures étouffés de sa voix grave se mêlaient au silence paisible de la maison. Cela faisait des heures qu'il était enfermé là-dedans, et l'inquiétude, comme une marée montante, s'installait dans ma poitrine.
Pourquoi restait-il là, à discuter de choses qui me semblaient si inaccessibles ? Mon thé, désormais froid, reposait entre mes mains comme un prétexte à ne pas bouger. Finalement, je déposai la tasse sur le comptoir, son contact avec le marbre résonnant doucement dans la pièce calme. Je me levai, attirée malgré moi par la lumière qui filtrait sous la porte.
À pas feutrés, je m'approchai, hésitant à aller plus loin. À travers l'entrebâillement, je discernai sa silhouette, droite et tendue derrière son bureau. Sa voix s'éleva, nette et autoritaire.
— Non, on ne peut pas attendre. Je serai sur place demain, c'est non négociable.
Mon souffle se bloqua. Sur place ? Où ça ? Mes doigts glissèrent sur le bois du chambranle tandis que je me penchais légèrement pour écouter.
— Assure-toi que Matt soit au courant. Si ça dérape, c'est sur lui que ça retombera.
Un bruit sourd interrompit la conversation : il avait raccroché. Avant que je ne puisse reculer, sa voix jaillit brusquement, teintée d'irritation.
— Tu comptes entrer ou continuer à espionner comme une enfant ?
Je sursautai, prise en flagrant délit. La porte s'ouvrit davantage, dévoilant Caleb dans toute sa stature. Debout derrière son bureau, il me fixait de ses yeux fatigués, mais perçants. Les traits tirés, une barbe naissante marquant sa mâchoire, il avait l'air épuisé. Sa chemise noire, légèrement froissée, contrastait avec la lumière éclatante qui baignait la pièce.
— Tu pars ? lançai-je sans détour, la frustration perçant dans ma voix.
Il soupira, passant une main sur son visage.
— Oui. Une affaire importante, répliqua-t-il, le ton sec.
— Une affaire importante ? Vraiment ? rétorquai-je, les mots brûlants sur mes lèvres. On vient à peine de se retrouver, Caleb !
Ma voix se brisa malgré moi, et je sentis une vague de colère m'envahir. Il détourna brièvement les yeux, comme pour éviter de croiser mon regard. Mais avant qu'il ne puisse répondre, une voix moqueuse surgit derrière moi.
— Elle a raison, Cali-boy. Pas très gentleman de planter la demoiselle comme ça.
Je pivotai vivement, tombant sur un homme adossé nonchalamment à l'encadrement de la porte. Ses cheveux châtains, presque dorés sous la lumière de l'après-midi, encadraient un visage joueur et impertinent. Il portait un sourire insolent qui semblait fait pour provoquer.
— Ferme ta gueule, Skills, grogna Caleb, sa voix rugueuse claquant dans l'air comme un fouet.
— Ah, la douce mélodie de ton affection, répliqua Skills en entrant sans invitation. Sérieusement, mec, tu devrais vraiment bosser ta politesse. Un "bonjour", ne serait pas de trop.
Caleb fit un pas vers lui, menaçant, mais Skills ne broncha pas. Il posa une main sur son cœur, feignant la peur.
— Je tremble, patron. Vraiment, je tremble.
Puis son regard glissa vers moi, curieux.
— Et toi, t'es qui ? demanda-t-il avec un éclat d'amusement dans les yeux. La petite sœur secrète qu'il cache quelque part ?
Je le fusillai du regard, essayant de maîtriser l'agacement qui montait en moi.
— Perle, lâchai-je d'un ton glacial. Et toi ? L'emmerdeur de service ?
Un éclat de rire sincère s'échappa de lui, tranchant le silence pesant. Il avait l'air sincèrement amusé.
— Pas mal. Mais appelle-moi Skills. C'est plus court, plus cool. Contrairement à ton frère, je suis sympa.
— Je vais te buter, Skills, grogna Caleb, les mâchoires serrées.
— Relax, chef, répondit-il avec un sourire narquois, en brandissant un dossier qu'il avait dans les mains. C'était sur le siège arrière de ta voiture. Tu sais, là où tu laisses tout traîner.
Caleb arracha le dossier sans un mot, l'air exaspéré.
— Maintenant, casse-toi.
Skills leva les mains en signe de reddition, mais lança un clin d'œil dans ma direction.
— Si jamais tu veux survivre à son humeur de merde, fais-moi signe.
Il se retira en sifflotant, laissant derrière lui une tension palpable. Je reportai mon regard sur Caleb, debout, les traits durs et fatigués.
— Alors, c'est ça ta vie ? travaillai-je d'un ton accusateur. Travailler jusqu'à pas d'heure, entouré de clowns, et disparaître dès que l'envie te prend ?
Il resta silencieux un instant, ses épaules légèrement affaissées. Puis il avança, contournant lentement son bureau pour s'approcher de moi.
— Ce n'est pas que je veux partir, Perle. C'est que je dois partir.
Ses mots tombèrent comme un couperet, lourds de résignation. Avant que je puisse protester, il posa une main sur mon épaule et m'attira doucement contre lui. Son étreinte était maladroite, mais sincère.
— Je serai de retour dans deux jours, murmura-t-il. Je te le promets.
— Tu promets toujours beaucoup, chuchotai-je, la gorge nouée.
Caleb se détacha, me lançant un regard empli de regrets. Skills réapparut avec sa veste à la main.
— Ton chauffeur est là, Cali-boy.
— Koen sera là, dit Caleb en se détournant. Si tu as besoin de quelque chose...
— Ce n'est pas lui que je veux, murmurai-je, mais il ne m'entendait déjà plus.
Il me lança un dernier regard, un mélange de tendresse et de résignation, avant de se détourner et de quitter la pièce. Je le suivis jusque dans le hall, mon cœur lourd. Je savais que ce n'était pas la fin, mais chaque pas m'éloignait un peu plus de lui.
Skills, se retourna pour me jeter un dernier sourire rempli de sympathie.
— T'inquiète pas, Perle, je te le ramènerai entier.
La porte se referma dans un bruit sec, et je me retrouvai seule dans le hall, le silence qui s'ensuivit presque écrasant.
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OK, bon, je n'aime pas du tout ce chapitre. Je le trouve trop gnangnan, mais il était nécessaire pour introduire ce qui va se passer par la suite.
Dans les prochains chapitres, un vrai rapprochement entre Koen et Perle se profile. Vous avez hâte ?
Comme toujours, n'hésitez pas à commenter et à me donner votre avis !
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Le masque de l'ombre
RomanceJe pensais que l'ennemi, c'était ce monde tordu que je détestais, celui que mon père et Caleb ont façonné avec leurs mains tâchées de sang. Mais à mesure que je plonge plus profondément dans cette noirceur, je comprends que je me trompais. L'ennemi...