Le silence retomba comme une chape de plomb une fois que Caleb et l'Ombre quittèrent la pièce. Je restai là, figée, sentant encore le poids du regard de cet homme, l'Ombre, brûlant sur ma peau. Ses yeux avaient quelque chose d'indéchiffrable, une force tranquille et menaçante à la fois. Il ne ressemblait pas aux autres hommes que j'avais connus dans ce monde. Il n'était pas bruyant, ni arrogant. Mais sa simple présence, cette manière de se tenir dans l'obscurité comme une part de celle-ci, laissait entendre qu'il était plus dangereux que tous les autres.
Je ne savais pas qui il était vraiment, mais il se dégageait de lui une aura qui me laissait deviner que dans l'ombre où il se mouvait, il cachait des secrets. Des secrets qui pouvaient m'engloutir si je m'approchais trop près. Pourtant, malgré cette sensation d'inconfort, une partie de moi ne pouvait s'empêcher d'être attirée par cette obscurité, d'y voir une sorte de miroir déformé de la mienne.
Je me forçai à bouger, à respirer. Je devais me reprendre, retrouver un semblant de contrôle. Il était facile de se perdre ici, de laisser les murs refermer leur étreinte froide sur vous. Mais cette fois, ce n'était pas la maison qui m'emprisonnait. C'était moi. C'était cette maudite culpabilité qui m'encerclait.
J'étais ici, à Los Angeles, à cause de la mort de mon père. Mais je n'étais pas seulement ici pour lui, je l'étais aussi pour Caleb. Pourtant, cela n'était pas suffisant pour effacer la douleur que j'avais causée en partant. Parce que c'était moi qui l'avais abandonné. Il m'avait protégée, et j'étais partie sans un mot. J'avais fui un monde qui me faisait peur, et j'avais laissé mon frère seul dans la tourmente. Une hypocrisie dont je me sentais de plus en plus coupable. Et chaque souffle, chaque battement de cœur, me rappelait ce fardeau que je portais seule.
Je me dirigeai vers la grande baie vitrée du salon. À l'extérieur, les jardins s'étendaient à perte de vue, baignés dans l'obscurité de la nuit. Je m'approchai du balcon, espérant que l'air frais de la nuit me calmerait. Mais il ne fit qu'accentuer mon angoisse. Un frisson parcourut mon corps, mais ce n'était pas le vent qui me perturbait. C'était cette sensation de me perdre dans un passé dont je n'arrivais pas à m'échapper.
Les tremblements de mes mains me trahirent, et je me retrouvai à chercher dans ma poche la boîte d'anxiolytiques. Mais je m'arrêtai avant de l'ouvrir. Non. Pas cette fois. Je n'avais pas le droit de fuir encore. Pourtant, la tentation était si forte. Chaque fibre de mon corps hurlait pour que je prenne ces pilules, pour que l'anxiété disparaisse. Mais si je les prenais, cela signifiait que je ne me battais pas. Que j'abandonnais encore une fois. La décision me paralysait.
Je respirai profondément, les yeux fixés sur le vide des jardins, tentant de me calmer. Mais mes mains tremblaient toujours, et la culpabilité me rongeait, me pressant contre la balustrade comme un étau. C'était tellement plus facile de fuir. Mais est-ce que fuir rendait les choses meilleures ? Non, ça ne faisait que les aggraver.
Je me forçai à prendre une autre inspiration. À maîtriser le chaos dans ma tête. Et c'est alors que je sentis une présence, bien avant d'entendre ses pas. Il n'y avait pas de bruit. Pas de mouvement brusque. Juste une ombre grandissante dans mon champ de vision.
L'Ombre. Lui.
Je n'avais pas peur de lui, pas cette peur-là. Mais il y avait quelque chose dans sa présence qui faisait écho à la noirceur de mes pensées, quelque chose qui me rendait encore plus consciente de ma propre vulnérabilité.
Je n'avais pas remarqué son approche, mais maintenant qu'il était là, à quelques pas de moi, je pouvais presque le sentir. L'intensité de son regard perçait la distance, enfonçant ses yeux dans mon âme. Mais je ne détournai pas le regard. Je n'étais plus dans la fuite. Pas maintenant. Pas avec lui.
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Le masque de l'ombre
RomansaJe pensais que l'ennemi, c'était ce monde tordu que je détestais, celui que mon père et Caleb ont façonné avec leurs mains tâchées de sang. Mais à mesure que je plonge plus profondément dans cette noirceur, je comprends que je me trompais. L'ennemi...