Le souvenir d'un monstre

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Le jour de l'enterrement de Javier Gastando s'annonçait sombre. La lumière du matin peinait à percer à travers les lourds rideaux de la villa, comme si même le soleil hésitait à s'immiscer dans ce qui allait se dérouler aujourd'hui.

Cela faisait deux jours que j'avais eu cette altercation avec Caleb, et je ne l'avais pas revu depuis. Lui et l'ombre de l'organisation étaient occupés par leurs affaires, et moi, j'étais ici, seule avec mes pensées, dans ce cocon qui n'était plus vraiment un foyer.

Je me tenais devant le miroir de ma chambre, ajustant machinalement la manche de ma robe noire. Elle était sobre, mais elle collait à ma peau comme une armure. Ce n'était pas qu'une simple cérémonie pour dire adieu à mon père. C'était une scène. Un théâtre macabre où chaque acteur jouait son rôle dans un jeu de pouvoir impitoyable. Et moi ? Je ne savais pas encore où je me situais dans tout cela.

— Ça te va bien, murmura Caleb depuis l'encadrement de la porte.

Je relevai les yeux vers lui à travers le miroir. Ses cheveux bruns étaient impeccablement coiffés, son costume noir ajusté à la perfection. Il semblait imposant, un homme portant le poids d'un empire sur ses épaules. Mais ses yeux, ces yeux couleur caramel, trahissaient une fatigue et une tristesse qu'il ne parvenait plus à cacher.

— Je ne suis pas sûre que ce soit le genre de compliment approprié aujourd'hui, répliquai-je, la voix légèrement rauque.

Un sourire fugace, mais triste, effleura ses lèvres.

— Tu as toujours eu cette façon de tout tourner en dérision quand ça devenait trop sérieux. Ça m'avait manqué.

Je me tournai lentement vers lui, posant un regard empli de douleur sur ce frère qui semblait à la fois familier et étranger.

— Toi aussi, tu me manques, Caleb, dis-je doucement. Mais ce n'est plus toi, pas vraiment.

Il croisa les bras sur sa poitrine, son visage se fermant doucement.

— Je suis toujours là, Perle. Peut-être pas comme tu voudrais, mais je suis là.

Il fit un pas vers moi. Instinctivement, je reculais légèrement, non pas par peur de lui, mais par peur de ce qu'il était devenu, de ce qu'il représentait désormais.

— J'ai fait ce que j'avais à faire, poursuivit-il d'une voix rauque. Tu ne sais pas ce que c'est que d'être pris dans une toile qu'on ne peut plus défaire.

Je sentis la tension croître dans la pièce, un poids lourd m'écrasant la poitrine, me serrant la gorge.

— Tu étais partie, Perle. Papa a profité de ta fuite, de ma colère, de ma douleur. Il savait que je n'avais plus rien à quoi me raccrocher. Il a vu une opportunité, et il l'a saisie. Il m'a attiré dans son monde, lentement mais sûrement. Et moi, je n'ai pas eu ta force pour dire non, pour fuir. Je n'ai pas eu ton courage. Il savait comment me manipuler, et moi, comme un idiot, je l'ai laissé faire. C'était ma seule option.

Ses mots étaient comme des poignards dans mon cœur, me transperçant profondément. Tout ce que j'avais craint était vrai. Mon départ avait été une échappatoire pour moi, mais je l'avait laissé seul, face à l'enfer. J'avais contribué à faire de lui l'homme qu'il était devenu.

— Caleb... je ne savais pas...

— Non, tu ne savais pas, me coupa-t-il doucement, mais tu es là maintenant. Et je... je ne peux pas te perdre encore une fois.

Son aveu résonna dans la pièce, chargé d'émotion brute. Une douleur infinie s'installait entre nous. Les larmes me brûlaient les yeux, mais je les empêchais de couler.

Le masque de l'ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant