"Fais gaffe sale gamine, on t'a donné la vie, on peut aussi te la reprendre !"
Oryane sait qu'elle n'est pas comme les autres quand elle arrive dans un labyrinthe mortel où elle est l'unique fille. Elle sait qu'elle est différente car elle se souvie...
Le groupe de gardes vêtus de noir, armés et casqués, poussa fermement la dizaine d'enfants sans tenir compte de leurs protestations.
Cachée derrière un pan de mur, une fillette rousse observait la scène.Cela faisait maintenant une semaine que tous les soirs à la même heure, les gardes apportaient une nouvelle bande d'enfants.
Elle vit passer un petit garçon brun à l'air perdu, une fillette brune plus âgée parfaitement calme, un petit Asiatique se débattant furieusement, une petite fille à la peau brune et aux dreadlocks noires à l'air méfiant, un blond ahuri.
La fillette se recroquevilla davantage quand un garde passa près d'elle, priant silencieusement. Ces sorties en douce représentaient son seul loisir dans ses journées monotones et sans joie. Il passa heureusement près d'elle sans la remarquer.
Le regard de la rouquine tomba alors sur une vitre. Elle contempla son reflet, hypnotisée. Et sentit son coeur se déchirer. Elle n'avait pas de miroir dans sa chambre, et la seule fenêtre était trop haute à atteindre. Peut-être était-ce mieux.
Sur le verre transparent se reflétait une gamine de 6 ans, petite et frêle pour son âge. Elle avait des cheveux d'un roux carotte sale, mal coiffés, et dont les boucles avaient été mal coupées en un carré à la va-vite. Elle était habillée d'une... robe ? tunique ? - elle ne le savait pas elle-même - rouge délavée et informe. Sa peau était très blanche et constellée de taches de rousseur. Ses yeux bleus de chat, qui auraient pu être son unique beauté, faisaient comme une tache sur son visage.
La gamine en face d'elle était hideuse.
Elle sentit les larmes perler. Était ce pour cela que tous les adultes la croisant l'ignoraient froidement ou la méprisaient ? Était ce pour cela qu'elle était toujours isolée dans sa chambre, oubliée de tous, mal habillée, mal éduquée, sans jamais rien à faire ? Était ce pour cela que depuis son plus jeune âge, elle avait connu la solitude ?
Pourquoi était-elle horrible comme ça ? Pourquoi était-elle toujours seule ?
Elle enfouit sa tête dans ses genoux pour que personne n'entende le bruit de ses sanglots.
- Pourquoi tu pleures ?
La fillette releva brusquement la tête, catastrophée, persuadée qu'un garde l'avait trouvée.
Deux enfants se tenaient face à elle. Une petite fille à la peau hâlée, aux cheveux blonds clairs et aux yeux bruns curieux d'environ son âge, celle qui lui avait parlé. A côté d'elle, celui qui devait être son frère. Il lui ressemblait énormément, mais avec des cheveux dorés. Il serrait farouchement la main de sa petite sœur en regardant autour d'eux, méfiant.
La rouquine essuya ses larmes avant de répondre.
" - Je pleure parce que j'ai pas d'amis.
- C'est vrai ? s'horrifia la petite blonde. Mais c'est horrible ! Mon frère et moi on veut bien être tes amis si tu veux."
Le garçon acquiesça tout en continuant de jeter des coups d'œil à la dérobée dans le couloir. La petite rousse sentit l'espoir poindre dans son cœur. Pensaient-ils vraiment ce qu'ils disaient ?
"- Je m'appelle Élisabeth, déclara la blonde. Mais tout le monde m'appelle Lizzy. Et mon frère, c'est Samuel.
- Je m'appelle Oryane."
Le blond daigna enfin offrir un sourire à la rouquine.
- Ravis de faire ta connaissance.
- Newt ! Sonya !
Les deux enfants se raidirent. Lizzy murmura, les larmes aux yeux :
- Ces gardes... Ils ont tué nos parents. Ils sont venus nous chercher, mais papa et maman voulaient pas, alors ils leur ont tiré dessus. Et maintenant, ils veulent nous enlever nos prénoms. Sérieux, j'ai une tête à m'appeler Sonya ?
- Tu veux qu'on parle de Newt ? bougonna Samuel avec un sourire moqueur dans l'espoir de la réconforter.
Mais lui aussi était crispé, les yeux humides.
Les cris se rapprochaient.
"- Ils veulent nous séparer, geignit Lizzy. M'emmener avec les filles et mon frère avec les garçons. Mais après, on aura plus jamais le droit de se revoir !
- Je trouverais un moyen" lui souffla son frère.
Puis il se tourna vers Oryane, l'air très sérieux.
- Et pour toi aussi, tu verras. On sera toujours amis, d'accord ? Même si on se voit pas pendant longtemps, on s'oublie pas.
Oryane acquiesça, le coeur battant.
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- Vous voilà, sales gosses !
Deux gardes surgirent et empoignèrent Samuel et Lizzy, qui se débattirent avec force cris. En apercevant Oryane, un homme la dévisagea d'un air furieux :
- Qu'est-ce que tu fiches ici toi ? File !
Oryane prit ses jambes à son cou après un dernier coup d'œil à Samuel et Lizzy.
Arrivée à l'angle du couloir, elle hasarda un regard derrière elle et en eut le coeur percé.
Le frère et la sœur hurlaient, emportés par un garde chacun d'un côté, tendant la main vers l'autre avec désespoir, comme s'ils espéraient que leurs mains allaient s'aimanter et se rejoindre.
Oryane tourna, courut dans sa chambre, et à peine la porte fermée, se laissa choir au sol dans le noir.
